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Que sont-ils devenus: Karamoko Touré relate son parcours élogieux et ses souvenirs  d’artiste!

‘’Tout d’abord, je rends hommage au feu Président Ahmed Sékou Touré (paix à son âme) qui avait mis corps et âme pour le rayonnement de la culture guinéenne à travers le monde. Malheureusement, en 1984, on a mis le pays à l’envers en jetant et le bébé et l’eau de bain. Les musiciens de devoir comme le dit Jeannot Williams, ont été quasiment abandonnés à eux-mêmes’’

Karamoko Touré alias ‘’Tiber’’ pour les intimes, est membre fondateur du Syli star de Kankan, de la première formation orchestrale des 22 bands de Kankan et des Sofas de Camayenne.

Rythmicien, toumbiste, il est né en 1951 à Kankan et il est le fils de feu Djiba et de feue Hadja Saran Kaba. Marié à une femme, Karamoko Touré est père de 6 enfants dont 1 garçon et 5 filles.

Des études primaires et secondaires achevées à l’école du centre de Kankan et celles de Samory et d’Alpha Yaya, pour accéder au lycée Hô Chi Minh, d’où il obtiendra son bac pour enfin s’orienter à l’Ecole nationale de comptabilité de la Belle vue de Conakry. Pour fins de bénédictions, dit-il, du côté maternel afin d’assister et de soutenir la famille, il a écourté son cycle au profit de cette spécialité de moindre durée.

Le musicien Karamoko Touré alias ‘’Tiber’’ a reçu Guineenews à son domicile au quartier de Nongo dans la commune de Ratoma.

Ici, il nous retrace son parcours et ses souvenirs, nous parle du retour incertain du moment des Sofas de Camayenne, affiche ses sentiments pour feu Youssouf BAH et lance son cri de cœur pour l’assistance des anciens musiciens et apporte des conseils à la nouvelle génération de musiciens.

Guineenews© : Comment êtes-vous venu à la musique et retracez-nous votre parcours ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Je suis venu à la musique par amour et par frottement avec les amis. J’ai commencé la musique en 1967 dans le Syli star de Kankan 1 dont je suis membre fondateur. A mes débuts, comme j’aimais chantonner, les amis ont bien voulu me retrouver dans ce registre          et malheureusement la belle voix n’y était pas et j’ai opté finalement pour la section rythmique et plus précisément la Tumba. J’avais réellement l’oreille musicale très fine et à l’époque  c’était les airs ou allures rythmiques cubains dont je maitrisais. J’ai très tôt joué avec plusieurs artistes qui sont rappelés à Dieu et d’autres encore vivants.  J’avoue que j’ai eu assez de difficultés pour embrasser ce domaine. Issu d’une famille très religieuse du côté paternel et maternel (Touré et Kaba), il n’a pas été facile, la destinée a jo finalement son rôle.

Après la nationalisation du Horoya band, il fallait d’après la structure doter la fédération d’un ensemble orchestral pour la relève. Bien qu’ils existaient plusieurs ensembles, notamment le Sily star, le Milo band de Kankan 2, l’orchestre de l’Université Julius Nyerere, l’orchestre du camp militaire et tant d’autres, feu N’Dyati Balakala a procédé à la sélection des meilleurs musiciens dont je faisais partie. Il est bon de retenir que je suis membre fondateur du Sily star, des 22 bands de Kankan et des Sofas de Camayenne. Pour la première formation des 22 bands, j’étais à la Tumba, à la batterie Karamo Dabo alias Karamo Dian, à la guitare solo Sandaly Kouyaté ‘’N’Diaty Balakala’’, à la guitare d’accompagnement Alamako Bangoura, à la basse Sidi Dioubaté, aux chants, il y avait feu Naniamory Kouyaté, Mamady Traoré ‘’Sonkè’’. La section vent était tenue par l’ex ambassadeur Baba Souaré, Sadou Diallo et Karamo Condé.  C’est bien la première ossature des 22 bands de Kankan et c’était en 1971.

Après mon admission au bac en 1972 et quand je suis revenu à Conakry, mon professeur de français à Kankan du nom de Bignè Camara, très bon guitariste aussi muté à Conakry et dont le domicile avoisinait le camp Boiro, m’a toujours incité à jouer avec le Boiro Band.

C’est en 1973 après la création du sextet camayenne et une toute décomposition de l’ensemble dû au rappel de quelques membres au compte de la fédération de Conakry 1, que je fus présenté par feu Mamady Cala Camara qui était un ami d’enfance à Jean Baptiste Williams pour mon recrutement. En bref, tout est parti de là et ma carrière de musicien reste encore intimement liée à celle des Sofas de camayenne à la section rythmique.   

Guineenews© : brièvement, vous nous aviez décrit votre parcours aussi élogieux en compagnie des Sofas de Camayenne. Un beau et mauvais souvenir parmi tant d’autres à relater pour nos lecteurs ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : L’un des plus grands souvenirs que je retiens en compagnie des Sofas de Camayenne, est bien l’arrivée du président Giscard Destain à Conakry en 1978. Nous étions en tournée en Sierra Léone bien que toutes les grandes formations nationales étaient en place, nous avions reçu un message express de rebrousser chemin afin d’assister aux cérémonies officielles consacrées à l’arrivée du Président français. C’est ainsi obtempérant, nous avions été programmés pour le banquet organisé à propos à la case de la Belle vue. C’est un beau souvenir qui reste ancré dans ma mémoire et qui a prouvé la valeur et l’engagement de la jeunesse guinéenne pour le développement de sa culture.

Cette année de1978, fut vraiment une année faste pour les Sofas de Camayenne. Un autre beau souvenir me revient au moment de l’arrivée des fils de Williams Tolbert pour passer les vacances à Conakry. L’orchestre s’est déplacé en compagnie de ses hôtes pour passer les fêtes de fin d’années à Kamsar et c’était du 23 décembre au 5 janvier. Pour le nouvel an de 1979, les sofas de Camayenne dans un bateau de croisière ont animé ces soirées en compagnie des expatriés qui s’étaient bien amusés. C’est un autre beau souvenir.

Mon plus mauvais souvenir restera notre tournée en forêt pendant que Papa Kouyaté était le fondateur et chef d’orchestre. L’ambiance étant au point et pendant que la quasi-totalité de la formation était composé d’étudiants en classe d’examens, une partie des membres s’était décidé d’arrêter la tournée afin d’affronter les différents examens. C’est ce jour où cet ensemble orchestral a failli se décomposer pour causes de diverses tendances. L’orchestre s’était scinder ce jour car, une partie est restée et une autre avait pris le chemin de Conakry. C’est d’ailleurs ce qui a valu le départ du Maestro Papa Kouyaté des Sofas après une réunion présidée par notre feu marraine Madame Delphine Béavogui. Heureusement que la suite ne fut pas catastrophique et l’ensemble orchestral à continuer son bout de chemin. C’est un mauvais souvenir pour moi.

Guineenews© : Après toutes ces grandes épopées des hommes aux sabres de guerre, aux multiples disparitions de ses plusieurs membres, depuis la célébration des 42 ans et de la sortie de l’album ‘’la continuité’’, pourrait-on s’attendre aux Sofas de camayenne en pleine activité ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Il sera difficile de le confirmer sinon en 2015, les Sofas comme vous l’aviez dit, a pu célébrer son  42ème anniversaire auquel, nous avions joint des soirées récréatives dans notre temple qu’est l’Hôtel camayenne. Nous ne sommes que cinq vivants (Papa Kouyaté, Jean Baptiste Williams, Ahmed Kaba, Zézé Guilavogui, Karamoko Touré) pour le moment. Et il a fallu recruter d’autres musiciens pour nous épauler. Nous avions pris de l’âge et les occupations sont multiples et certainement à temps opportun, il sera question de revenir sur scène avec une autre formule. Je ne peux que souhaiter longévité à tous et je suis certain que la maitrise est encore là et sans oublier que la musique présentement demande la mise en œuvre de moyens matériels et financiers.

Guinéenews : le dernier à être rappeler à Dieu, membre des Sofas et de l’emblématique Bembeya jazz national est bien feu Youssouf Bah ‘’Youyou’’. Pouviez-vous nous parler de l’homme et de l’artiste ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : feu Youssouf Bah était pour moi comme un frère. Je vais vous raconter une anecdote. Un jour en visite chez lui, j’ai été reçu par sa mère qui du coup me demandera ma région d’origine. Suite à ma réponse d’être originaire de Kankan, elle tiendra la main de son fils pour me le confier en rajoutant que je suis issu d’une bonne famille. Youssouf était le dernier fils disons le bolokada (benjamin en malinké).

Depuis ce jour, partout où l’on voyageait, je partageais la chambre avec Youssouf. Il était humble, pacifique et respectueux. Sur le plan artistique, feu Youssouf avait une voix nette, mélodieuse et inoxydable. Il chantait impeccablement bien et en résumé, c’était un chanteur orchestre. Vous remarquerez que depuis sa disparition, le Bembeya, ne parvient pas à trouver un véritable remplaçant de calibre égal à Youssouf Bah. Paix à son âme et je prie Dieu qu’il veuille lui réserver le paradis céleste. 

Guineenews© : ex-employé de banque et depuis 8 ans à la retraite. Peut-on savoir actuellement quelles sont vos sources de revenus ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Il faut toujours chercher la bénédiction des parents. Comme je vous l’ai dit à l’entame, c’est à cause de ma mère que j’ai écourté mes études sinon, je pouvais terminer mes études universitaires. Je vis de ma pension et tout au début après ma retraite, je gagnais des contrats de travail au niveau des banques. Je vis aussi grâce au soutien de mes enfants et des amis. Pour le moment, je ne me plains pas et je suis en bonne santé.

Guineenews© : Vous êtes certainement affilié au BGDA ? Qu’est-ce que ce bureau vous apporte comme revenu ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Je suis bien sûr affilié au BGDA. Au compte du BGDA, nous en profitons une fois par an. Depuis que j’ai adhéré au BGDA, le maximum que j’ai perçu était la somme de 1.600.000 FG par an. Tout récemment, 3 jours avant la fête de Tabaski, lors du dernier payement, j’ai bénéficié d’un montant de 1.220.000 francs guinéens. Il faut signaler qu’il y a des années pendant lesquelles nous ne bénéficions de rien. Tous s’accrochent et nous espérons qu’il y aura de l’amélioration.

Guineenews© : Plus de 40 ans de musique, vous avez certainement aujourd’hui un cri de cœur ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Tout d’abord, je rends hommage au feu Président Ahmed Sékou Touré (paix à son âme) qui avait mis corps et âme pour le rayonnement de la culture guinéenne à travers le monde. Malheureusement  en 1984, on a mis le pays à l’envers en jetant et le bébé et l’eau du bain. Les musiciens de devoir comme le dit Jeannot Williams, ont été quasiment abandonnés à eux-mêmes.

Mon cri de cœur est que l’Etat guinéen puisse nous récompenser. On ne peut pas nous payer pour tout ce qu’on a fait pour ce pays mais, il faut pouvoir reconnaitre nos bienfaits. Je salue ici cette initiative que l’Etat vient de matérialiser à travers le payement d’un montant de 5.000.000 GNF à quelques artistes et sportifs. C’est une mesure qui ne touche pas tout le monde et nous espérons que cela va s’élargir progressivement à l’ensemble. 80 % des anciens sont malades et sans ressources et pourtant, ils se sont dépensés pour la patrie.

Mieux que cela, je lance aussi un appel à la génération montante afin de remettre les pieds sur terre sur le plan de la musique. C’est cette indécence remarquable dans les compositions musicales. Les thèmes à aborder sont à portée de mains, mais aujourd’hui, il y a une dégradation totale des messages véhiculés dans les compositions musicales. Il ny a aucune censure à ce niveau et il est temps d’y penser et de corriger cet aspect au niveau de la musique guinéenne. Je demande à la jeune génération de musiciens de s’approcher des anciens. Très jeunes à notre temps, nous avions évolué auprès des ainées et ce qui a renforcé nos connaissances et avait permis notre ascension. Consulter le peu d’anciens qui vivent encore doit être un devoir pour la jeunesse. Un musicien est un leader d’opinion qui est écouté par des millions de personnes. Son message doit être purifié, accessible à tout un chacun.

Guineenews© : Rassurez que vous aviez été arrosé de triomphe durant votre carrière musicale. Qu’est-ce que donc le succès pour vous ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Pour moi, le succès est un message très fort pour dire qu’il faut toujours redoubler d’efforts pour se surpasser. Quelqu’un qui gagne le succès et qui se laisse emporter n’ira jamais de l’avant. Le succès doit être un stimulant pour l’artiste et qui doit être géré dans le sens positif. Pour bon nombre d’artistes aujourd’hui, la sortie d’un album accompagnée d’une ronflante dédicace permet de s’appeler du coup ‘’vedettes ou stars’’. Il faut donc avoir la notion de gestion du succès et ce qui est important pour un artiste ou musicien.

Guineenews© : assez pieux et sage, ainsi vous reconnaissent tous ceux qui vous ont connu. Qu’est-ce que la mort signifie pour vous ?

Karamoko Touré ‘’Tiber’’ : Mais la mort, c’est la finalité de la vie. Moi qui vous parle et pour votre information, mon linceul est prêt dans mon armoire. Avant de mourir, si tu as bien remplie ta vie tant sur le plan social que dans l’adoration de Dieu, j’avoue que tu n’auras pas peur de la mort. J’avoisine les 70 ans d’âge et n’eut été ce confinement, c’est-à-dire la fermeture des mosquées, vous ne m’auriez pas trouvé sur place. J’effectue mes cinq prières à la mosquée et de surcroit, je suis membre du conseil de mosquée de mon quartier. J’attends mon jour et c’est inévitable et je ne regrette rien et ne me reproche de rien vis-à-vis de mes semblables. Faisons du bien pendant que nous vivons et adorons Dieu.

Entretien réalisé par LY Abdoul.

 

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