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Que sont-ils devenus ? : Hadja Mariama Barry, ancienne artiste des Ballets Africains de Guinée et ex épouse de feu Bakary Cissoko (Suite et fin)   

 

« Je n’aie aucun revenu provenant du secteur des arts, que j’ai servi durant toute ma jeunesse »

 

Guineenews : revenons à vous et après feu Bakary Cissoko, quelle fut la suite de vos relations avec les célèbres Ballets Africains ?

Hadja Mariama Barry : la décision de continuer avec les Ballets Africains était venue du feu Président Ahmed Sékou Touré. Après le décès de mon mari, j’ai pratiquement continué durant 4 années, pendant lesquelles, j’ai effectué plusieurs tournées internationales, avant de raccrocher en 1972.

Guineenews : tout ce temps passé au sein des Ballets africains, aviez-vous tenu un rôle d’actrice principale dans des numéros précis ?

Hadja Mariama Barry : je jouais le plus souvent, le doublon de l’actrice principale du célèbre numéro ‘’La forêt’’. J’ai joué aussi ‘’Mendianin’’ dans le numéro ‘’Doundumba’’. A part les rôles d’actrice principale, je jouais aussi d’autres rôles exceptionnels. Si vous avez bonne mémoire et voyez sur cette photo, je suis monté sur les épaules de feu Bakary Keita. Et c’est dans ce rôle, qu’il est tombé une fois et m’entrainant dans la chute, j’ai eu une fracture au niveau du pied gauche. J’ai beaucoup dansé au sein des Ballets Africains contrairement à ce que plusieurs ont dit de moi pour m’écarter au niveau du partage des avantages alloués aux artistes de Ballets Africains. Je crois que ces anciennes différentes photos sous vos yeux, en font foi.

Guineenews : vous avez effectué de nombreuses tournées dans le monde. Beaucoup d’entre vous, se sont exilés depuis vers d’autres horizons et le nombre est important. Qu’est-ce qui vous a personnellement retenue au pays ?

Hadja Mariama Barry : retenez aussi que j’ai intégré les Ballets Africains à bas âge. J’ai très tôt eu la fibre patriotique. En plus de cela, je suis l’unique fille de ma mère. Pendant mes absences au pays, j’ai eu des frères et sœurs que je ne connais pas. La famille s’élargissait derrière moi, donc j’avais la curiosité de connaitre tout ce monde. Et quand je pense aussi à mon mariage, la façon dont il a été célébré, je ne pouvais pas abandonner mon pays pour quoi que ce soit. 

Guineenews : quelles expériences avez-vous eues sur le plan artistique et dans la vie pratique en compagnie des Ballets africains ?

Hadja Mariama Barry : j’ai toujours aimé l’art. J’ai eu assez d’expériences au sein des Ballets Africains. J’ai aiguisé le faire et le savoir-faire en moi. Je suis restée comme une intellectuelle, j’ai pu distinguer les bonnes manières des mauvaises. A notre époque, c’est la discipline qui régnait au sein des Ballets. Quelle que soit ta compétence en ce moment, il fallait s’entourer de plusieurs principes à respecter. Sur le plan médical, nous étions sérieusement suivis. A l’heure actuelle, je suis capable de superviser un Ballet sur plusieurs plans. J’aime mon pays, et j’aimerai voir encore ces Ballets Africains briller de mille feux.

Guineenews : gardez-vous encore des relations avec quelques anciens ou nouveaux artistes des Ballets africains ?

Hadja Mariama Barry : il y a de solides relations, entre nous les anciens qui sont encore en vie et Dieu merci. A chaque rencontre, on se raconte le passé, et c’est la joie qui se lit autour de nous. C’est grâce à un ancien, que vous avez pu avoir mon contact, pour enfin réaliser cette interview. Il y a franchement de l’affection entre nous. Quant aux nouveaux, j’avoue que je n’ai pas du tout de contacts avec eux. Je serai très heureuse d’échanger avec eux.

Guineenews : quelles sont vos présentes préoccupations vu que vous êtes à la retraite, avez-vous des projets ? 

Hadja Mariama Barry : c’est vrai que j’ai dansé pendant plus de 8 ans. Aujourd’hui, c’est le moment pour moi de me prosterner et rendre grâce à Dieu. Après le pèlerinage à la Mecque, je m’investis présentement et profondément dans la lecture et la connaissance du coran. Dans ma cour, nous avons un espace uniquement réservé à cet effet et plusieurs fidèles sont inscrits dans cette école. C’est ce projet qui me tient à cœur, et dont je suis l’évolution, puisque nous sommes appuyés par d’autres organismes évoluant dans ce domaine. 

Guineenews : pouvez-vous nous décrire actuellement votre état de santé ?

Hadja Mariama Barry : vous savez, quand on a passé plusieurs années à danser, et à n’effectuer que des mouvements sur scènes, à la retraite, on ne peut s’attendre qu’à la manifestation des douleurs au niveau des reins et des pieds. Je me déplace difficilement et le poids de l’âge aussi y est. Dieu merci et je tiens plus ou moins bien.

Guineenews : relatez-nous un beau et un mauvais souvenir qui vous retiennent l’attention durant votre carrière d’artiste ?

Hadja Mariama Barry : j’ai pleins de beaux souvenirs qui se valent. Le spectacle lors de l’assemblée nationale de l’ONU, retient beaucoup mon attention. Le plus mauvais souvenir, ne peut être que le décès de mon mari, qui continue de m’affecter et surtout quand je pense, que j’ai été abandonnée depuis sa disparition. Ce qui m’a encore déçue, c’est au retour de sa dépouille mortelle, où aucun de ses objets ne me fit présenter. Je ne suis entrée en possession d’aucun de ses avoirs. Pourtant, il avait sa caisse à habits, sa mallette, et plusieurs objets qui ont été déclarés perdus. Je peux témoigner ici, que feu Bakary Cissoko à des moments difficiles, était toujours venu financièrement au secours des Ballets Africains.

Guineenews : vous-voulez nous dire clairement, que vous n’aviez hérité rien de votre défunt époux ?

Hadja Mariama Barry : je n’ai absolument rien hérité de mon défunt mari, Astakhfurulayi, à part ma fille Bintou Cissoko. Un moment, il avait même revendu sa voiture ainsi que sa moto ‘’Vespa’’, pour acheter un terrain à Kénien. Jusque-là, je ne peux pas vous montrer un héritage à part sa fille, quelques photos de spectacles que je détiens et ses chansons qui passent à la radio que je réécoute avec le cœur pincé. C’est ce plus mauvais souvenir, que je drainerai durant toute ma vie.  

Guineenews : tant d’années au service de la nation peut-on savoir ce que tout cet investissement vous a rapporté ?

Hadja Mariama Barry : j’ai gagné de l’expérience, j’ai eu des relations, j’ai fait le tour du monde. Ces acquis sont des mérites pour moi. Nous n’avions pas servi ce pays pour s’attendre à de l’argent ou au matériel. Nous avions été acclamés, respectés et choyés partout où nous sommes passés. Néanmoins, il faut le souligner, j’ai construit une petite maison à Boké où certainement, je passerai le reste du temps de ma retraite, malgré que je n’aie aucun revenu provenant du secteur des arts, que j’ai servi durant toute ma jeunesse. 

Guineenews : 1964-1972, vous avez effectué 8 ans de service au compte des Ballets Africains de Guinée. Comment expliquez-vous, cette absence de prise en charge au niveau du BGDA (Bureau Guinéen des Droits d’Auteurs) et de la liste des anciennes gloires qui continuent de bénéficier de 5.000.000 GNF octroyés par le gouvernement guinéen ?

Hadja Mariama Barry : depuis que je suis dans les Ballets Africains et jusqu’aujourd’hui, personnellement, je n’ai jamais bénéficié d’un centime à titre de droit d’auteur. Je me rappelle un moment avoir entamé des démarches en compagnie de ma fille, pour qu’elle puisse bénéficier des droits de son père et cela n’avait pas abouti. Présentement, je ne sais pas si, elle en bénéficie ou pas. Vous parlez des 5 000 000 GNF, effectivement j’en avais bénéficié pendant une période de six (6) mois par le biais de feu Hamidou Bangoura. C’est une longue histoire, et ce n’est pas bon de réveiller tout cela. J’ai été retenue dans cette grille à travers le numéro matricule de feu N’Nankanin, qui était l’actrice principale du numéro ‘’ Forêt sacrée’’. C’est au dernier payement, que tout cela m’a été certifié et depuis, j’ai été écartée de cette grille et je ne sais pas pour quelle raison.

Guineenews : dans tous les cas, vous êtes une mère de famille qui a plusieurs charges, qui s’étendent jusqu’à Boké. Actuellement quelles sont vos sources de revenus qui vous permettent de joindre les deux bouts ?

Hadja Mariama Barry : l’unique et constante source de revenus est la pension de mon second mari, que je perçois tous les mois. Nos enfants assurent aussi la subsistance de la famille. Par la grâce de Dieu, ce sont les deux sources qui nous permettent de vivre aujourd’hui. 

Guineenews : avez-vous un appel à lancer aux autorités en charge de la culture ?

Hadja Mariama Barry : je dirais aux autorités, de veiller à ce qu’il n’y ait  pas de frustrations au sein de cette culture, et notamment au niveau des anciens, qui ont sacrifié leur vie pour la nation. Nous aimons encore l’art, et nous voulons que notre pays soit le porte étendard de la culture africaine, comme il l’a été à des époques données. Il faut reconnaitre la valeur des anciens, et nous demeurons les repères, des bijoux à garder dans de bonnes mains. Il faut que les autorités se penchent sur notre alarmante situation. A vous, je vous dirai merci pour toute l’attention, que vous portez aux anciens. Que Dieu vous bénisse et fasse de votre entreprise la meilleure. 

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Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews. 

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