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Que sont-ils devenus ? : Hadja Mariama Barry, ancienne artiste des Ballets Africains de Guinée et ex épouse de feu Bakary Cissoko. (1ère partie)

Hadja Mariama Barry est ancienne sociétaire des Ballets africains de Guinée. Elle est l’ex épouse du célèbre maitre de la kora, le regretté Bakary Cissoko, des Ballets Africains de Guinée.

Née en 1951 à Boké, elle est fille de feu Alsény et de feue Fatoumata Camara. Hadja Mariama Barry, a été l’épouse   de feu Bakary Cissoko. Elle est mère d’une unique fille issue de ce mariage et de 3 autres, dont 1 garçon, tous issus de son second mariage.  

Hadja Mariama Barry n’a jamais fréquenté l’école, sauf qu’elle a eu l’opportunité de recevoir des cours de français et d’alphabétisation au sein des Ballets Africains. C’était une initiative du feu Président Ahmed Sékou Touré, qui avait instauré cette dite formation à l’intention des artistes de tous les ensembles nationaux.

Hadja Mariama Barry a reçu votre site d’information Guineenews, au compte de sa rubrique ‘’Que sont-ils devenus’’. L’entretien a eu lieu à son domicile, situé à Sangoyah marché (commune de Matoto).

Dans cette interview, découvrez comment Hadja Mariama Barry est venue dans le monde des arts, son intégration dans les Ballets Africains, sa vie de couple avec feu Bakary Cissoko, les circonstances du décès de cet émérite artiste, sa situation actuelle, ses projets… Cette grande artiste est privée de tout avantage numéraire, malgré toutes ces années de loyaux services rendus à la nation, au compte de la culture guinéenne.

Lisez !

Guinéenews : Bonjour madame, c’est une immense joie pour nous de vous rencontrer, afin de parler de vous et de ces célèbres Ballets africains, que vous avez connu et pratiqué. Dites-nous comment vous êtes arrivée à la danse, et racontez-nous votre parcours ?

Hadja Mariama Barry : J’ai été très tôt repérée à partir des séries de danses organisées au niveau du quartier, dans ma région natale de Boké. J’ai suivi l’étape normale qu’il fallait suivre à cette époque, c’est-à-dire que j’ai appartenu à la troupe du comité Lambanyi de Boké centre, celle de la section et de la fédération de Boké. J’ai évolué dans toutes les disciplines notamment les Ballets, le chœur, l’ensemble instrumental, ainsi que le folklore. J’ai participé aux quinzaines artistiques et à plusieurs festivals tenus à Conakry. La fédération de Boké avait remporté beaucoup de titres, à travers l’originalité de ses représentations artistiques. Je veux parler du ‘’Sorsornet’’, du D’mba’’, le ‘’Wathioly’’, en somme, nous avions toujours présenté les danses du terroir et les traditions de la localité. Nous étions bien encadrés, toujours à l’internat, à l’approche des compétitions artistiques. Je vais vous raconter une histoire. Une fois, alors que nous étions à l’internat, plus précisément à Tamakènè, située à environ 7 km de Boké, ma mère ne voulant pas que je fasse le théâtre, est venue m’extirper de là, clandestinement, pour aller me cacher quelque part, chez ma grand-mère. Elle avait payé les frais de son acte, car elle a été retenue en garde à vue au commissariat où on lui a fait laver toutes les latrines des geôles. Finalement, vu la pression des autorités, ma mère a cédé et elle m’a ‘’rendue’’ à la troupe fédérale de Boké. Quelques semaines après, et sur sélection, nous sommes venus à Conakry, à la demande des autorités chargées de la culture. Les Ballets africains étaient revenus d’une tournée et c’est suite, à une nouvelle sélection, que je fus retenue au sein de ce grand ensemble. Tout cela s’était produit en présence des feus Henry Belafonte, Ahmadou Cissoko, Keita Fodéba, Abraham Kabassan Kéita et plusieurs autres grands dirigeants de la culture de l’époque. Ce recrutement avait eu lieu en fin décembre 1964 et ma première tournée internationale en compagnie des Ballets Africains, avait eu lieu, en janvier 1965 en France (Paris).

Guineenews : vous avez été l’épouse du célèbre feu Bakary Cissoko (paix à son âme). Pouvez-vous nous raconter cette vie de couple d’artiste, que vous aviez vécue en sa compagnie et comment vous êtes devenue son épouse ?

Hadja Mariama Barry : c’est une histoire toute banale. Il était venu en congé à Conakry, en provenance de Dakar. Nous étions en répétition au camp Samory et cela a coïncidé au moment de la pause. Tout le monde se dirigeait vers lui pour des salutations sauf, nous les novices, qui ne le connaissaient pas. Malgré notre retrait, il se dirigea vers nous en scrutant nos visages. Arrivé à mon niveau, il m’a demandé d’aller lui chercher de l’eau à boire. Je lui ai répondu que j’étais étrangère dans le milieu. Il insista et finalement, je lui apportai l’eau, tout en m’agenouillant au moment de lui tendre le gobelet. C’est en me rendant le gobelet qu’il me dira ceci « Toi tu es ma femme… ». Très jeune, je n’avais que 14 ans, je fus très gênée face à ses propos. En fin de répétition, le camion devrait nous ramener à Bonfi, plus précisément à la routière où était situé notre internat. C’est Bakary même qui me porta, pour me faire monter dans le camion et il s’était assis à côté de moi. Bakary venait souvent me rendre visite à l’internat avec des colis. Mes copines se moquaient de moi, à cause de la différence d’âge, et je pleurais le plus souvent. Un jour, après les répétitions, il est venu me chercher pour m’amener à la présidence de la République. Devinez toute cette peur qui m’avait envahie ce jour. Il me présenta au Président feu Ahmed Sékou Touré et à son épouse Hadja André Touré, comme étant sa future épouse. Ceux-ci n’ont pas hésité de lui dire ce jour et devant moi, que je suis encore très petite pour le mariage. Ils lui ont dit d’aller voir du côté des Amazones de Guinée, de l’ensemble instrumental et même de l’IPGANC (l’institut polytechnique Gamal Abdel Nasser), pour choisir une épouse. Plus tard, j’ai su que Bakary vivait avec une blanche et le couple présidentiel ne voulait pas entendre parler de celle-là. Ils estimaient, que cette blanche pouvait détourner Bakary Cissoko, qui était indispensable au sein des Ballets Africains de Guinée. Une autre fois, au retour d’une tournée, il m’avait encore ramenée à la présidence et ce furent les mêmes remarques, qu’avait tenues le couple présidentiel. Bakary ne se découragea pas et j’ai compris qu’il tenait à moi. C’est au retour d’une autre tournée de 2 (deux) années, passées à l’extérieur, que nous avions bénéficié d’un congé pour aller revoir nos parents. Arrivée à Boké, ce jour j’étais au marigot, quand la femme du gouverneur est venue me chercher dans un camion militaire, pour me conduire à la résidence du gouverneur. C’est là où je fus habillée, pour aller à la mairie, afin de célébrer mon mariage avec Bakary. C’était en présence d’une forte délégation venant de Conakry, composée, entre autres des feus N’Famara Kéita, Safiatou Mato, Mamouna Touré et plusieurs autres dirigeants du PDG, qui étaient venus pour demander ma main à la famille. Au moment de la signature, l’officier de l’état civil n’avait pas accepté de signer le mariage, vu mon âge et conformément à la législation en vigueur. Il a fallu ce jour, l’intervention personnelle du président feu Ahmed Sékou Touré, par téléphone, pour que ce mariage ait lieu (augmentation de l’âge). Le mariage fut signé en 1967, entre moi et feu Bakary Cissoko, et c’est ce jour que je suis devenue madame  Cissoko.

Guineenews : vous étiez au début, non partante pour ce mariage, à cause de la différence d’âge que beaucoup d’observateurs ont signalé et à commencer, par le couple présidentiel. Après le mariage, dites nous, quels sentiments Mme Cissoko Mariama Barry avait ressentie par la suite, pour son mari ?

Hadja Mariama Barry : après le mariage, j’ai compris progressivement que feu Bakary m’aime, et qu’il avait sincèrement de l’amour pour moi. Je ne voyais plus cette différence d’âge, et c’est mon mari que je voyais devant moi. Quand je me suis encore sentie aimée de plus, je l’ai adoré, du fond de mon cœur. Il était charmant et tendre. Depuis ce mariage, il m’a toujours appelée ‘’Nènè’’ (Littéralement traduit en français ‘’ ma mère’’). Jusqu’ici, ce petit nom est resté et partout on m’appelle ‘’Nènè’’. Pour ce peu de temps vécu en sa compagnie, il m’a beaucoup appris tant dans la vie pratique que professionnelle. Comment se tenir dans un avion, dans un restaurant, lors des visites guidées, pendant les diners et autres activités. J’ai vraiment aimé mon défunt mari, qui était tout pour moi et malheureusement Dieu a décidé autrement, en le rappelant très tôt à lui. (Paix à son âme !).

Guineenews : vous étiez en tournée avec les Ballets africains quand votre époux Bakary Cissoko, fut rappelé à Dieu. Pouvez-vous nous raconter les circonstances dans lesquelles, cela est arrivé ?

Hadja Mariama Barry : nous étions effectivement en tournée et plus précisément à Philadelphie aux USA. Après le spectacle livré ce jour, nous sommes rentrés nous coucher, dans les environs de 23 heures. Nous avions joué au Ludo comme les autres jours, avant de dormir. Vers 1 heure du matin, brusquement, il m’a réveillée. Il se plaignait de maux de ventre. Les douleurs étaient intenses et j’ai tout de suite fait appel à Mohamed Lamine ‘’Ricardo’’, qui était le payeur des Ballets Africains. Ce dernier était venu avec plusieurs autres artistes et dirigeants des Ballets, pour voir le cas de mon mari. Finalement, il a été évacué au Canada et c’est là-bas qu’il a rendu l’âme.

Guineenews : Bakary Cissoko décédé, Mariama Barry se retrouve seule, sans l’élu de son cœur. Décrivez-nous la suite de cette pathétique histoire ?

Hadja Mariama Barry : 2 jours après son évacuation sur le Canada, on m’a dit de m’apprêter pour rentrer à Conakry. Aucun motif du voyage ne m’a été dévoilé. Je ne pouvais pas rêver et comprendre que mon mari avait rendu l’âme au Canada. J’ai été d’abord embarquée, des USA pour Dakar. J’ai passé une nuit à Dakar, aux bons soins de l’ambassade de Guinée au Sénégal. Le lendemain, j’ai rejoint Conakry par un vol de la compagnie Air-Guinée. A l’aéroport de Conakry-Gbessia, j’ai été accueillie par feues Mato Safiatou, Tiguidanké Soumah et une autre dame du nom d’Aissatou, qui était une dirigeante du parti à Pita. C’est à partir de l’aéroport que feue Mato Safiatou, pour me distraire, me dira ceci : « nous vous avions conseillée de ne pas contracter des rapports avec les hommes, à plus forte raison, être en état de grossesse comme celui dans lequel tu te trouves aujourd’hui… Pourquoi donc ton retour brusque sur Conakry ? Ton mari me trouvera ici… ». Ne sachant réellement pas mon état, j’étais très jeune et inexpérimentée, je ne pouvais pas croire que j’étais enceinte. De l’aéroport, j’ai été conduite au domicile de feu Mamouna Touré, situé à pharmaguinée. J’ai été logée dans une maison annexe. J’avoue que j’étais très contente de revenir en Guinée car, c’était l’occasion pour moi de retrouver ma mère à Boké. Après avoir défait mes bagages, j’ai engagé la musique de James Brown, pour danser. J’étais vraiment innocente. C’est à l’arrivée de la mère de feu El hadj Sory Kandia Kouyaté, que la nouvelle du décès de mon mari, m’a été annoncée par les autorités religieuses. Imaginez la suite, j’étais inconsolable et je n’oublierai jamais ce jour.

Guineenews : une grossesse confirmée, la disparition du mari annoncée, quel tournant a pris votre vie, par la suite ?

Hadja Mariama Barry : consciente que j’étais enceinte, et que j’avais perdu mon mari, j’ai décidé finalement de retourner auprès de ma mère à Boké. C’est à Boké que j’ai accouchée d’une fille, qui est aujourd’hui mariée et mère de 5 enfants dont 3 garçons. Durant la grossesse, je bénéficiais d’un ravitaillement en denrées alimentaires, qui finalement, fut bloqué.

Guineenews : votre unique fille issue de ce mariage a-t-elle suivi vos traces ou celles de son feu père ?

Hadja Mariama Barry : personnellement, je ne suis qu’une simple artiste, danseuse qui a aimé l’art. Par contre, mon mari, étant de la lignée des griots et en plus, l’un des plus grands joueurs de Kora, que notre pays ait jamais connu, notre fille a suivi ses traces ( celles de son père). Elle s’appelle Bintou Cissoko, et c’est une fille qui a grandi dans la cour de feu Soundioulou Cissoko, et qui a beaucoup appris auprès de la chanteuse M’Mahawa Kouyaté, l’épouse de feu Soundiouloun Cissoko. Présentement, elle chante, lors des mariages, baptêmes et autres cérémonies. Elle veut bien aller loin, ressembler à son père, faire un enregistrement d’album, mais pour le moment, il n’y a pas un appui pour y parvenir.

(À suivre…)

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews

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