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Que sont-ils devenus ? Hadja Kadé Seck, une icône de la culture guinéenne, parle de son parcours éducatif et artistique

“Si je rencontre des jeunes, je vais leur prodiguer des conseils. Et ce que je peux leur apporter aussi, c’est que, s’ils m’ont connue hier et ils m’ont vue aujourd’hui, ce que j’ai fait pour mon pays, cela doit être une école, une leçon pour eux. Ils peuvent savoir que tout peut arriver, il faut se départir du stress. (…) La richesse est-ce que tu gagnes de par ta sueur. La richesse pour moi, ce n’est pas l’argent, la maison, la voiture. La richesse c’est ce que tu laisses à la postérité

Hadja Kadé Seck est né en 1947 à Mamou. Elle est fille de feu El hadj Mamadou Talla et de feue Yaya Bah. Mariée, Hadja Kadé Seck est mère de plusieurs enfants, dit-elle.  Ceux du défunt père et l’unique fille qu’elle a enfantée.

Kadé Seck a passé son cycle primaire jusqu’au lycée à Mamou. Elle a été orienté à l’ENI de Macenta en 1967 et après 3 ans, en 1970, Kadé Seck sortit de cette école en qualité d’Enseignante et a servi à Mamou, Dalaba et beaucoup d’autres villes notamment Conakry.

Puisque parallèlement, elle faisait du théâtre, elle a été détachée après le Festac 77 de Lagos pour servir au ministère des Arts, de la Culture et des Sports d’alors, ou elle a servi en qualité de chargée du théâtre scolaire et universitaire. Elle a pu vulgariser avec son équipe, tous ces numéros primés des festivals au niveau des écoles, notamment les chœurs, les pièces, les ballets et autres numéros des festivals.

Assez sollicitée sur scène, Kadé Seck sera affectée en 1984 au Musée national en qualité d’animatrice culturelle.

C’est là ou l’artiste et l’enseignante a pu jubiler ces deux fonctions et a appris avec aisance ce qu’est c’est le patrimoine culturel guinéen en particulier et celui du monde en général. Kadé très envoutante, à réanimer le musée national de Guinée.

Nommée par décrets en 2000 au poste de Directrice nationale du Musée, 4 autres décrets l’ont confirmé à ce poste jusqu’au moment où le pire qu’est cet AVC est arrivé le 10 novembre 2020, il y a de cela 2 ans.

Sur recommandation de la grande présentatrice du Journal Télévisé de la RTG d’antan, Madeleine Maka toujours soucieuse pour le sort des gloires du passé dans tous les secteurs des arts, de la culture et des sports, a alerté notre attention, sur l’état de santé d’Hadja Kadé Seck. Votre site électronique Guineenews dans sa rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’ a rencontré l’actrice, la Directrice à son domicile au quartier Sanoyah rails.

Ancien élève de cette culturelle enseignante au collège, nous lui avions rendu les fagots de bois communément appelés en dialecte pular ‘’Lèdhè alarba’’, bénédictions soient faites pour tous.

Dans cette interview, Kadé Seck, s’exprime, à bâtons rompus,  sur ce don inné qu’elle a eu, pour n’avoir fourni aucun effort et qui lui a permis d’arriver au sommet des arts et de la culture. Au niveau de son parcours dans le théâtre, elle décrit les atouts qui lui ont valu plusieurs titres honorifiques pendant les rencontres culturelles. Enseignante de profession, elle nous raconte comment elle a viré vers le théâtre. Plus loin, elle nous explique sa venue au musée national et l’amour qu’elle éprouve pour ce secteur du patrimoine culturel guinéen.

Aujourd’hui, atteinte d’un AVC, Kadé Seck nous expose comment tout cela est arrivé et dénote les différentes formes de prises en charges dont elle a bénéficié pour couvrir ses frais médicaux et pharmaceutiques, qui s’élevaient à près de 25.000.000 FG.

Le long de cet entretien, notre invitée divulgue ses sources de revenus et expose ce qu’elle compte apporter dans son état actuel, à la jeunesse guinéenne pour le mieux-être du théâtre guinéen et de la culture en générale.

Poursuivant, Hadja Kadé Seck lance son cri de cœur en faveur du musée, nous fait vivre ses beaux et mauvais souvenirs et clos cette interview en proposant ses réponses face à la nouvelle forme de questionnaires qui ferment désormais la rubrique ‘’Que sont-ils devenus’’ de votre site électronique Guinéenews.

Lisez l’interview !

Guineenews : bonjour ! vous êtes enseignante de profession. Expliquez-nous votre réconversion au théâtre ?

Kadé Seck : je suis de Mamou et pour faire connaitre aux plus jeunes, cette préfecture a été ce que le football a été pour Kindia. Nous avons trouvé nos aînés à l’œuvre et je suis persuadée que ce domaine fut très tôt embrassé, dicté et maitrisé. Difficilement vous trouverez des enfants de cette contrée qui ne savent pas faire le théâtre ou le sport. J’ai commencé par le scoutisme ou j’ai appris pleines de choses. En définitive, je vous dirai que le théâtre est un art inné en moi et je n’ai fourni aucun effort pour y arriver.

Guineenews : Pouvez-vous nous retracer votre parcours au niveau du théâtre ? 

Kadé Seck : A Mamou, j’ai joué dans plusieurs pièces et notamment dans la célèbre pièce ‘’Ousmen’’ en 1964 qui nous a valu la première place dans la série de pièces de théâtre. C’est là où j’ai eu la distinction de la meilleure actrice du festival. En 1965, j’ai joué dans la pièce intitulée ‘’les 2V (Villa-Voiture)’’. J’ai été aussi la cantatrice soliste dans l’interprétation du chœur de Mamou intitulé ‘’Saluons notre drapeau’’. Je ne voulais pas en parler, j’ai aussi joué (rires) dans la pièce qui a failli me faire perdre mon nom, vu le rôle dont j’ai assuré dans cette pièce intitulé ‘’la 5ème Bis’’ en 1973. Je portais le nom de ‘’Sylvie’’ et incarnait le rôle de la délinquante jeune fille. Nous avions gagné le premier prix et dans cette pièce, nous avions fustigé la délinquance juvénile. Toutes nos pièces, chœurs, ballets, ensemble instrumental et autres numéros, avaient des messages porteurs et concouraient à l’information et à l’éducation de la masse. Mon parcours est très riche en représentations artistiques et cinématographiques aussi.

Guineenews : quels sont les atouts dont vous disposiez qui vous ont valu tous ces titres honorifiques durant plusieurs rencontres culturelles ?

 Kadé Seck : je ne sais pas ! ou bien peut-être puisque j’avais les meilleurs rôles à interpréter dans les grandes pièces. Dans tous les cas, j’ai été toujours heureuse sur les scènes et je crois que j’ai donné ce que j’avais à donner librement et sans contrainte et sans attendre en retour une récompense. Du coup, je vous rappelle que nous avions opté pour cette citation qui dit ceci : Ne te pose pas la question de savoir ce que ton pays te doit. Alors posetoi la question de savoir qu’est-ce que tu peux faire pour ton pays. Nous avions été éduqué dans ce sens et ce n’était pas puisque nous étions bêtes ou idiots. On ne nous a pas appris à courir derrière un cachet après un spectacle. Je me souviens en 1965, nous avions joué une pièce pour un italien qui s’intéressait sur les traces de Lumumba et il a proposé notre participation. Nous avions passé plus d’un mois en compagnies des disparus Boissolet, de Togba, de Sam tous artistes de Mamou. Après le tournage de ce film, nous sommes rentrés à Mamou, moyennant rien et toute la ville nous a rendu riches puisque nous venions de tourner un film. J’avoue que nous l’avions fait avec toute fierté d’avoir servi le pays

Guineenews : enseignante vous l’aviez été. Qu’est-ce qui vous a fait virer sur les scènes de théâtre ?

Kadé Seck : depuis que j’étais élève maitresse, je fus assez plus utilisée sur la scène qu’au niveau du tableau noir. Pour ne pas pénaliser les enfants, après le festac 77, j’ai été détaché pour servir au niveau de la Direction des Arts.

Guineenews : Comment êtesvous venue au musée national ?

Kadé Seck : C’est un peu personnel. Mon époux d’alors a constaté et a cru que je n’avais pas le temps de sauvegarder le toit conjugal. Il s’en était plaint puisque je rentrais tard étant régulièrement désignée membre du jury de plusieurs compétitions artistiques dans plusieurs lieux. En tous cas, il n’a pas aimé puisque je venais de mettre au monde mon unique enfant. Je ne sais pas qu’est-ce qui m’a fait fléchir. J’ai été affecté au musée et je me suis sentie chez moi.

J’ai découvert que la culture ce n’est pas seulement ce que l’on découvre sur scène. Je veux parler de la danse, des ballets, du folklore, de la musique. Il y  a autres choses à découvrir, c’est le patrimoine. Le patrimoine guinéen est très immense. C’est notre identité culturelle. J’ai découvert nos mœurs dans les réserves du musée, dans les salles d’exposition, dans les rencontres pour échanges et dans les brochures. Je me suis plu dans ce domaine. J’ai été animatrice culturelle de 1984 à 2010. C’est après que je fus nommée Directrice du musée national de Guinée. En 2010, je devais faire valoir mes droits à la retraite et heureusement, l’Etat m’a encore tendue la main pour diriger ce musée jusqu’au moment où cette maladie m’a rattrapée.

Guineenews : revenons à votre carnet de santé qui nous intéresse. Qu’est-ce qui vous est arrivé et cela depuis quand ?

Kadé Seck : je ne l’ai jamais prévu. Je dirais que ma maladie est une leçon pour moi et une autre pour tous ceux qui m’ont connue. J’étais pétillante, une bonne vivante. Je faisais du sport et respectais mon régime alimentaire. Je crois que c’est le stress qui est la principale cause de cette attaque. Quand j’ai eu cette attaque, je me préparais pour une réunion qui me traumatisais avec les autorités.

Toujours les mêmes réunions pour la vie du musée et qui n’aboutissaient jamais. J’étais très stressée. J’avoue que servir au musée est un don de soi. Vu la distance qui me sépare de sandervalia (Sonfonia rail-Sandervalia), tout le temps, il fallait se lever très tôt. A 4 heures du matin, j’ai sentie inertes mes membres et les yeux troublés. Dieu soit loué et je ne sais par quel miracle j’ai pu me trainer jusqu’à arriver dans la chambre des enfants. C’est ainsi que mes enfants ont alerté le voisinage puisque ma fille a constaté qu’il y a un dérangement facial et ma bouche était tordue et je fus tout de suite évacuée à l’hôpital grâce aussi à l’aide des voisins.

Guineenews : aviez-vous bénéficier d’une prise en charge depuis que vous aviez été malade ?

Kadé Seck : de la part de l’Etat non ! Ce sont mes enfants, mes amis, les artistes et connaissances qui sont venus à l’aide. Je n’avais pas personnellement plus de 3 millions dans mon compte. De l’argent confié dans l’armoire, j’ai dit à ma fille de tout ramasser pour payer les frais pour ma santé. La facture totale de mon hospitalisation s’est chiffré à 25 000 000 GNF. Je ne pouvais pas parvenir à payer cette facture. C’est l’argent que mes enfants ont reçu à l’hôpital et précisément Mary qui est une actrice et ma fille Idiatou qui m’a permis de régler la facture et de rembourser l’argent que nous avions pris et qui ne nous appartenait pas quand je fus attaquée par l’AVC.

Guineenews : peut-on savoir actuellement quelles sont vos sources de revenus ?

Kadé Seck : j’ai ma pension et je vous dis que je suis encore fonctionnaire. Alors, j’ai travaillé pendant 10 ans de retraite sans salaire. Et l’on nous disait, ce sont les enfants de Sékou Touré et je ne calculais rien de tout cela. J’étais encore Directrice du musée. Je perçois présentement 508.000 FG comme pension, au titre de fonctionnaire contractuelle quand bien même que je suis invalide.

Guineenews : dans cet état actuel, que comptez-vous apportez au théâtre guinéen et à la culture en générale ?

Kadé Seck : si je rencontre des jeunes, je vais leur prodiguer des conseils. Et ce que je peux leur apporter aussi, c’est que, s’ils m’ont connue hier et ils m’ont vue aujourd’hui, ce que j’ai fait pour mon pays, cela doit être une école, une leçon pour eux. Ils peuvent savoir que tout peut arriver, il faut se départir du stress.

Le nouveau directeur du musée est venu me rendre visite et je lui ai dit ceci : “j’adore le musée, aime beaucoup le musée mais il ne faut pas qu’il soit tout pour toi”. D’ailleurs il ne faut que rien ne soit tout pour toi. Il faut prendre soin de soi”.

Guineenews : avez-vous aujourd’hui un cri de cœur qui ronge et dont vous voulez exprimer dans nos colonnes ?

Kadé Seck : un cri de cœur j’en ai mais cette fois-ci, je préfère ne pas personnaliser. J’aimerai que les autorités, les bailleurs de fonds, les Guinéens, les mécènes, que tout ce monde réuni aide le musée, la culture en général. Nous avons assez de potentialités à l’intérieur du pays sur le plan du patrimoine culturel à faire découvrir et à valoriser. Je vais vous dire quelque chose, tout ce temps que j’ai été au musée, je n’ai connu qu’une seule rénovation par l’Etat au temps du défunt ministre policier Hervé Vincent Bangoura (paix à son âme), qui avait tapé à toutes les portes, quand une forte pluie avait décoiffé les installations.

Un jour aussi, la Guinée a reçu de la Pologne les résultats des fouilles archéologiques et l’on voulait les présenter. On a fait un budget en cherchant des sponsors. Du côté guinéen et loin de faire un publireportage, aux côtés de l’ambassade des Etats-Unis, un seul Guinéen Kerfalla Camara (KPC) s’était engagé en sauvant la Guinée tout en offrant 6 climatiseurs au musée en vue d’assurer la rénovation des salles d’expositions et faire le montage. Je souhaite que beaucoup de Guinéens fassent comme lui. Aidons la culture et c’est ce qui constitue mon cri de cœur.

Guineenews : peut-on parler des beaux ou mauvais souvenirs qui vous retiennent l’attention durant votre parcours ?

Kadé Seck : le premier plus beau souvenir que je retiens est cet acte de KPC à l’endroit du musée, qui me reste toujours à l’esprit. Pour d’autres beaux souvenirs, il faut rappeler que j’ai eu l’opportunité de recevoir plusieurs grandes personnalités au sein du musée, surtout les premières dames de plusieurs pays d’Afrique et de par le monde. J’ai eu le plaisir de recevoir une grande exposition qu’on appelait ‘’Vallées du Niger’’.

C’est une exposition qui a été réalisée et présentée dans tous les pays concernés par le fleuve. Cette exposition a commencé à Paris et elle a fait le tour de tous les pays où le fleuve Niger passe. C’était une grande exposition qui a ouvert pour découvrir

Dans le domaine artistique, j’ai participé à des festivals, par exemple celui de Berlin, de Tunis de Lagos, et j’ai assisté à plusieurs rencontres culturelles et j’ai joué dans beaucoup de films et de pièces de théâtres qui demeurent de beaux souvenirs indélébiles. C’est grâce aux arts et à la culture que je fus désignée comme Présidente de la Coalition guinéenne pour la diversité culturelle.

Mon mauvais souvenir est du fait qu’on banalise notre patrimoine. Autre mauvais souvenir est de me retrouver dans cet état actuel. Croyante, je suis obligée d’accepter le destin et surmonter les faits.

Guineenews : sachant que chaque être à sa perception de la vie, pour clore notre entretien, notre rubrique a opté désormais pour cette unique forme de questionnaires qui se résume à savoir, qu’est-ce que signifie pour vous la richesse, le succès et la mort ?

Kadé Seck : Ah ! La richesse ? Je me sens très riche là où je suis présentement. Je me dis toujours qu’il faut chercher, mais qu’il ne faut pas exiger. Je refuse de m’asseoir et croiser les bras pour dire que j’attends. La richesse est-ce que tu gagnes de par ta sueur. La richesse pour moi, ce n’est pas l’argent, la maison, la voiture. La richesse c’est ce que tu laisses à la postérité.

Le succès se gère et nous avions été bien encadrés et les conseils pour ne pas déborder, fusaient de partout. Nous avions eu du succès un moment de notre vie mais, nous avions pu le gérer, ne se laissant pas enivrer car, il est éphémère le succès.

Quant à la mort, elle n’est pas la fin du tout dans tous les cas. Je ne peux pas vous dire qu’est-ce que c’est la mort. Je pense que même mort, on peut continuer à vivre. Il faut tout faire, pour que quand vous mourrez qu’on ne dise pas ‘’bon débarras’’.

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