Notre invité de ce présent numéro s’appelle Mamadou Diawara et porte le sobriquet ‘’Baliaka’’.
Ex-sociétaire des orchestres ‘’Tropical Djoli band’’ de Kouroussa et du ‘’Nimba jazz’’ de N’Zérékoré, Mamadou Diawara est comptable de profession, musicien guitariste, chanteur, ex Directeur des ventes à ENIMAS (Entreprise Nationale d’Importation du Matériel Artistique et Sportif).
Né en 1954 à Sanguiana, dans la préfecture de Kouroussa, Mamadou Diawara est fils de feu El hadj Ibrahima Sory et de feue Hawa Camara. Marié à 2 femmes, il affirme avoir beaucoup d’enfants, y compris ceux de son frère, dont il a hérité la femme.
Il a effectué ses études primaires dans son village natal (Sanguiana), celles secondaires et le lycée à Kouroussa centre. Il s‘est orienté ensuite à l’Ecole Pratique de Commerce (EPC) de Bellevue à Conakry, où après 3 années d’études, il obtiendra son diplôme de comptable.
Recruté dans la fonction publique à ce titre, il sera muté à l’ERC (Entreprise Régionale du Commerce) de Kouroussa, pour une courte durée, puis à N’Zérékoré, en qualité de chef du personnel, dans le même service (Entreprise Régionale du Commerce).
De N’Zérékoré, Mamadou Diawara après la fermeture de ces entreprises régionales de commerce (ERC), a été muté en 1981 à Conakry, au poste de Directeur des ventes dans l’entreprise ENIMAS (Entreprise Nationale d’Importation du Matériel Artistique et Sportif).
A la prise du pouvoir par l’armée, quand l’entreprise ENIMAS fut fermée en 1985, Mamadou Diawara, licencié, va se retrouver à la recherche d’emploi. Courageux et très accroché à ses relations, Mamadou Diawara va servir par intermittence dans les sociétés privés à ‘’ Médecins sans frontières Belgique’’ en qualité d’administrateur pendant 5 ans, dans l’entreprise de transport ‘’ SOGUITRANS’’ (Société Guinéenne de transport), pendant 4 ans, en qualité de Directeur des Ressources Humaines. Mamadou Diawara fut recruté aussi, au sein du conseil national du patronat guinéen, en qualité de secrétaire général adjoint, où il servira pendant 2 ans. Repris dans la fonction publique au niveau du Ministère du commerce et rattrapé par l’âge, Mamadou Diawara sera mis à la retraite en 2021.
Dans cet entretien qu’il a bien voulu accorder à Guinéenews, Mamadou Diawara, musicien, guitariste chanteur et administrateur commercial culturel et sportif, nous parle de son parcours musical entre Kouroussa et N’Zérékoré, son affectation à ENIMAS (Entreprise Nationale d’Importation du Matériel Artistique et Sportif). Il nous ouvre grandement la porte de cette entreprise d’Etat, pour comprendre sa structure, ses attributions, ses avantages, et les conséquences qui ont suivi après sa fermeture, à la prise du pouvoir par le CMRN (Comité Militaire de Redressement National).
Fonctionnaire à la retraite depuis 2021, Mamadou Diawara nous situe sur ses occupations actuelles, se rappelle de ses quelques meilleurs et pires souvenirs dans son parcours musical. Il se réjouit, en outre, de la réalisation de cette interview, qu’il a longtemps souhaité voir se concrétiser.
Lisez !
Guinéenews : Bonjour M. Diawara. Nous vous avons rencontré ce matin pour parler du domaine culturel dans lequel vous avez exercé en qualité de musicien et d’administrateur dans une entreprise d’importation de matériel artistique et sportif. Comptable de profession, avant tout, peut-on savoir, comment vous êtes venu à la musique ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Je suis venu très jeune à la musique, à Kouroussa, en compagnie de mes amis de jeunesse. Vous savez au temps de la Révolution, la pratique des arts et de la culture était très exigée. J’ai commencé par la guitare basse et par la suite, je suis venu au chant dans l’orchestre le ‘Djoli band’’ de Kouroussa.
Guinéenews : Comment avez-vous appris à jouer de la guitare, jusqu’à vous retrouver derrière le micro comme chanteur ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : J’ai appris la guitare auprès de feu Seinkoun Camara, qui était guitariste et membre de l’orchestre fédéral le ‘’Djoli band’’ de Kouroussa. J’ai un intime ami, l’actuel Ministre des Affaires étrangères, Docteur Morysanda Kouyaté, qui venait apprendre la guitare auprès de feu Seinkoun Camara. J’ai un jour sollicité l’apprentissage de la guitare, et comme je vivais avec mon frère Seinkoun, j’ai eu la facilité d’apprendre la guitare et en même temps de fredonner des chansons. J’étais fréquent au sein de l’orchestre, et je m’essayais le plus souvent à la guitare, jusqu’à ce que je sois titulaire à la basse. Quant au chant, je me suis retrouvé derrière le micro par le destin. C’était lors d’une très grande soirée organisée par la jeunesse de Kouroussa, que le chanteur principal avait boudé. Et l’ordre me fut intimé par le chef d’orchestre, d’aller immédiatement au chant. Cette grande soirée où tout Kouroussa était réuni, ne devait pas échouer. Très surpris de cette décision, à deux mains, j’ai pris le micro, et j’ai animé la soirée, conformément aux titres que je maitrisais. Le lendemain, c’était l’apothéose. Le succès était étalé au centre-ville et Kouroussa avait trouvé un autre chanteur, en ma personne.
Guinéenews : Ce qui veut dire que c’est lors de cette soirée que vous avez intégré le ‘’Dyoli band’’ de Kouroussa ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Je dirais oui, bien que tout ce temps, j’étais toujours à côté de l’orchestre et surtout aux côtés de mon grand frère, qui était le bassiste attitré de la formation. C’est suite à ma prestation ce jour au chant, que j’ai été retenu comme deuxième chanteur de l’orchestre, puisque le premier qui était parti était revenu, la semaine suivante.
Guinéenews : En qualité de deuxième chanteur, aviez-vous produit des œuvres en compagnie du ‘’Tropical Djoli band’’ de Kouroussa ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : J’ai fait beaucoup d’œuvres avec cet orchestre, qui n’existent plus et qui ont été détruites à la RTG, lors des évènements du 4 juillet appelés ‘’coup Diarra’’. Nous avions été enregistrés lors des festivals à Conakry car, depuis 1968 nous avions participé à plusieurs festivals dans la capitale Conakry. J’ai quitté l’orchestre de Kouroussa en mars 1977.
Guinéenews : Votre parcours de musicien ne s’est pas arrêté seulement à Kouroussa. Fonctionnaire muté à N’Nzérékoré, nous avons appris que vous aviez appartenu à l’orchestre fédéral le ‘’Nimba jazz’’. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette autre étape de votre parcours de musicien ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Je suis venu dans cet orchestre, en qualité de bassiste. Il y avait comme musiciens, Namakan Samaké, Jerôme Clavert, Fakè, Koumamba Touré et plusieurs autres. C’est avec tous ces grands musiciens, que j’ai évolué au sein du Nimba jazz.
Guinéenews : Vous n’avez pas cité le regretté Gbato, éminent chanteur du Nimba jazz ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Paix à son âme, feu Gbato est venu me trouver dans le ‘’Nimba jazz’’. J’ai, un moment, joué avec lui et c’est après que moi j’ai quitté, compte tenu de mes occupations au niveau de mon service. J’étais chef du personnel, et je m’occupais des salaires de tous les employés. C’est lors de la préparation d’un festival sur Conakry, que mon chef hiérarchique m’a mis en demeure de choisir entre la musique et le service. Nous étions en répétition et à l’internat, pour la préparation de ce festival dans le village appelé ‘’Samoi’’, dans la commune urbaine. C’est ainsi que j’ai quitté l’orchestre, le ‘’Nimba jazz’’ de N’Zérékoré, pour m’occuper de mes fonctions administratives. J’attire aussi votre attention, qu’avant le ‘’Nimba jazz’’, j’avais commencé avec le ‘’Zaly band’’ un tout petit orchestre de la section centrale, qui rivalisait avec le ‘’Nimba jazz’’.
Guinéenews : Et si nous abordons votre carrière administrative dans le domaine culturel. Pouvez-vous nous dire comment vous aviez été muté à ENIMAS (Entreprise Nationale d’Importation du Matériel Artistique et Sportif) ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : En fonction à N’Zérékoré, les ERC (Entreprises Régionales du Commerce) ont été toutes fermées. Je suis revenu à Conakry, en tant que fonctionnaire non posté. ENIMAS venait d’être créée, et cette entreprise avait besoin de recruter des intellectuels, surtout musiciens, pour la gestion. J’ai contacté Bélény Kouyaté, qui était le Directeur commercial qui a facilité mon recrutement au poste de Directeur des ventes. Le directeur de cette entreprise était Monsieur SALL Mamadou, qui fut un moment Directeur des Ballets Africains de Guinée. Mon recrutement a été finalement validé par le Ministre d’alors de la jeunesse et des sports Seydou Kéita et c’était en 1981.
Guinéenews : Parlez-nous de ce que c’est qu’ENIMAS et de ses attributions ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : ENIMAS, c’était grandiose et quand je veux parler d’ENIMAS, j’ai des larmes aux yeux. Au sein de cette entreprise, se retrouvaient plusieurs artistes et sportifs. Je peux vous citer feu Talibi Traoré, Kouyaté ex-chanteur du Dirou band et tant d’autres.
Cette entreprise nationale s’occupait de l’importation et de la vente et de la distribution du matériel artistique et sportif. ENIMAS s’occupait de la commande, de tout ce qui est matériel de sport de toutes les disciplines confondues. L’entreprise s’occupait aussi, de tout ce qui est instruments de musique. Près de 66 orchestres étaient dotés en instruments de musique, le magasin de pièces de rechanges était bien étoffé et était géré par feu Talibè Traoré. Beaucoup de personnes, ont été formées pour la réparation des instruments qui tombaient en panne. Laissez-moi vous dire, que c’était extraordinaire. La fermeture de cette entreprise a causé plusieurs conséquences sur l’évolution de la musique guinéenne. Ce fut une véritable perte pour la jeunesse qui n’a pas eu ce qu’elle voulait. Elle a été bloquée à ce niveau.
Guinéenews : Pouvez-vous nous citer quelques impacts qui se sont répercutés sur la jeunesse, après la fermeture de ENIMAS ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Si ENIMAS existait, j’avoue que la jeunesse pourrait facilement se procurer des instruments de musique, et ils auraient appris à jouer les instruments de leur choix. Aujourd’hui, les jeunes sont obligés de jouer à la guitare, qu’on trouve facilement et ensuite, ils sont beaucoup plus intéressés au chant, pour bâtir une fragile carrière musicale, qui ne dépasse pas nos frontières. Cet état de fait a poussé cette jeunesse à pratiquer la ‘’musique facile’’, qui se définit par la mise en valeur des boites à rythmes, qui remplacent l’effort humain.
Guinéenews : En qualité de Directeur des ventes à ENIMAS, peut-on savoir à part la dotation des artistes et orchestres guinéens, est-ce que des particuliers bénéficiaient aussi de vos services ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : A titre d’exemple illustratif, le président feu Ahmed Sékou Touré (paix à son âme), avait offert un jeu d’instruments pour orchestre, au grand chanteur Salif Kéita. Pour l’histoire de ce cadeau, Salif fut un jour, invité à Yamoussoukro par feu Ahmed Sékou Touré, lors d’une visite d’Etat en Côte d’Ivoire. Ce chanteur, pour ses prestations et par manque d’instruments, avait utilisé ceux du Bembeya jazz national. Salif avait fait la requête auprès du feu président Ahmed Sékou Touré, qui l’invita à Conakry. Il lui a offert des instruments de musique et accessoires de haut standing. Ce jour-là, il est venu à mon bureau avec Jeannot Williams, accompagné par le fils du président, Mohamed Touré, pour l’enlèvement du matériel. Des offres se faisaient aussi au profit des ensembles instrumentaux, à travers des guitares acoustiques sonorisées. Les griots de ces ensembles pouvaient s’en servir pour animer les cérémonies de mariages, de baptêmes et autres.
Guinéenews : A part Salif Keita que vous avez cité, les orchestres nationaux et fédéraux, les ensembles instrumentaux, peut-on savoir à qui d’autres le président feu Sékou Touré faisait des dons de matériels sur le plan artistique et sportif?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : A part Salif Kéita, je n’ai pas connu une autre vedette ou formation orchestrale en dehors de la Guinée, qui ait bénéficié de dons. C’est moi qui servais tout le monde à l’époque. D’ailleurs, le président feu Ahmed Sékou Touré aimait à préciser, que toutes ces commandes sont destinées à la jeunesse guinéenne et rien que pour la jeunesse guinéenne.
Guinéenews : Pendant votre exercice en qualité de Directeur des ventes, pouvez-vous nous dire, combien de fois, les orchestres guinéens ont été dotés d’instruments ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Les orchestres ont été régulièrement dotés en instruments. Vous savez, les instruments de musique ne sont pas comme des véhicules, qui se gâtent ou tombent en panne à tout moment. Ces instruments peuvent résister avec un bon entretien, pendant des années. Il y a quand même des accessoires qui demandent à être renouvelés, à chaque fois que l’occasion se présente. Ce sont notamment les cordes de guitare, les peaux pour les congas, les baguettes des batteries, entre autres.
Guinéenews : comment s’effectuait tout ce processus de dotation ou de service après-vente de ces pièces de rechange ?
Mamadou Diawara‘’Baliaka’’ : Pour votre information, ENIMAS disposait d’énormes stocks d’accessoires pour les instruments de musique. Il y avait, à l’infini, des cartons d’accessoires de tous types, entreposés dans divers magasins. Chaque fois qu’il y avait nécessité, c’est généralement les chefs d’orchestre ou de groupe, qui exprimaient les besoins à travers des bons de commandes et ENIMAS honorait les différentes commandes.
Guinéenews : Ces différents bénéficiaires de matériels ne déboursaient aucun fond, en contrepartie?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Ah non ! Ce n’était pas cadeau. Ils déboursaient des fonds, à titre symbolique, soit par le comité régional de la JRDA, le comité de section, en tous cas l’argent était prélevé dans le budget du bureau fédéral.
Guinéenews : Pouvez-vous nous situer sur la valeur des montants à verser au minimum ou au maximum, pour l’achat d’un instrument de musique ou autre matériel de sport ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : J’avoue que les montants n’étaient pas exorbitants. Une guitare électrique livrée à l’époque pour un montant de 10.000 sylis, c’était vraiment un cadeau, à comparer aux prix des autres pays. D’ailleurs, le président, feu Ahmed Sékou Touré, voulait offrir en cadeau, tous ces instruments. C’est suite à l’intervention de feu Kaba Baro, ex-directeur de l’IMPORTEX, que des prix ont été fixés et pour la seule raison, dit-il à l’époque, de faire savoir aux bénéficiaires qu’il y a eu de l’effort fourni pour l’acquisition de ce matériel.
Guinéenews : Peut-on savoir les provenances de tous ces lots de matériel que commandait ENIMAS ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Si j’ai encore bonne mémoire, les différentes commandes provenaient de l’Italie et de la France. Je me rappelle du nom MEAZZI qui était un des fournisseurs d’ENIMAS basé en Italie. Il y avait aussi ADIDAS car, toutes les tenues sportives guinéennes étaient de cette marque ADIDAS. Pour plus de détails, vous pouvez avoir des renseignements auprès de Jean Baptiste Williams qui était là, pendant le débarquement du lot 2 en 1982. Tout le matériel en plus, était des sorties d’usine. Je me souviens de la livraison des commandes de 9.000 ballons de football, 6.000 ballons de basket-ball, 6.000 ballons de volley Ball, 3.000 ballons de hand-ball. Vous imaginez, que toutes ces quantités étaient destinées à la jeunesse guinéenne. J’étais fier de mon pays et de sa jeunesse, qui brillait partout en Afrique et dans le monde. Il faut se sentir heureux d’avoir vécu tous ces instants de gloire
Guinéenews : Musicien, comptable, chargé des ressources humaines, employé du conseil national du patronat guinéen, directeur des ventes, c’est en somme plusieurs fonctions que vous avez exercées dans votre parcours. Qu’est-ce que tout cela vous a apporté ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Ma qualité de directeur des ventes à ENIMAS, constitue la partie de ma carrière la plus brillante. Quand je me rappelle que tous les artistes guinéens, sportifs du Hafia, du Syli national, de tous les clubs de football du pays ont été des amis à moi, cela m’a toujours procuré de la joie au cœur, et une fierté. J’ai eu un cercle d’amis très vaste, qui m’a créé des relations qui m’ont servi, et qui continuent de m’apporter du bien.
Guinéenews : Parlant d’ENIMAS (entreprise nationale d’importation du matériel artistique et sportif), quelles furent les causes ou les véritables raisons de sa fermeture ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Mon cher frère, c’est pourquoi le coup d’Etat n’est pas bon pour un pays. Après un coup d’Etat, tout peut se passer et plusieurs décisions peuvent impacter négativement, l’évolution des secteurs de développement d’un pays. C’est ce qui est arrivé, surtout sur le plan culturel en Guinée et nous vivons aujourd’hui d’énormes conséquences de ces décisions fantaisistes des gouvernants d’alors. ENIMAS, s’est retrouvée dans le même cas. L’entreprise fut fermée et le personnel renvoyé. Je dirais, que c’est le changement de régime qui occasionna la fermeture de l’ENIMAS.
Guinéenews : Les employés d’ENIMAS renvoyés, certainement qu’il y avait encore des magasins pleins de matériels et des projets en cours. Qu’en dites-vous ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Honnêtement, je ne sais pas ce qui a été fait du matériel existant. Néanmoins, je confirme qu’il y en avait beaucoup dans les magasins. Je me rappelle aussi, d’un projet de réalisation d’un studio, dont le site était prévu au troisième étage du palais du peuple. Ce projet était financé à hauteur de 25.000 dollars versés à la Banque. Après le dépouillement des différentes offres et si j’ai bonne mémoire, c’est un Béninois du nom de Bernard Dohouno qui avait gagné ce marché. Pour la suite, je reste encore curieux de savoir ce qui a été fait de ce projet et de l’argent qui était logé à la Banque centrale.
Guinéenews : Comme plusieurs autres décisions prises après l’avènement du CMRN (Comité Militaire de Redressement National), est-ce que l’abolition d’ENIMAS n’a pas été une sévère mesure, qui a impacté l’évolution de nos formations musicales (nationales, fédérales, universitaires…) ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Bien sûr, la fermeture d’ENIMAS a eu plusieurs impacts, tant dans le domaine culturel que sportif. Toute activité culturelle ou sportive demande des répétitions ou des entraînements. Un musicien qui reste des semaines ou des mois, sans toucher à son instrument, est condamné à disparaître de la scène. C’est comme le footballeur, privé de son terrain d’entraînement ou de son matériel de sport, est à la longue obligé de raccrocher. Et nous avions même connu, des terrains de proximité qui ont eu des preneurs, pour en faire des boutiques et magasins de ventes. Les orchestres nationaux ont cessé d’être dotés d’instruments, leurs lieux de répétitions expropriés et comment voulez-vous qu’ils résistent face à ces situations pareilles ? De même, les permanences qui servaient de lieux de répétitions aux orchestres fédéraux, ont été vendues aux tierces personnes et les orchestres sont restés avec de vétustes instruments qui ne répondaient plus. Il faut que les autorités en charge de la culture se penchent sur cette question, afin de venir en aide aux artistes, qui ont besoin de soutien pour faire renaître la culture à son plus haut niveau.
Guinéenews : Aujourd’hui à la retraite, dites-nous quelles sont vos occupations actuelles ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Je m’occupe essentiellement de ma famille. Mes enfants qui sont un peu partout à l’étranger, veillent sur moi, et surtout sur mon état, qui a été un moment, très secoué. Donc je passe ma retraite en compagnie de ma famille, mes amis. Je suis toujours présent dans les affaires sociales et j’assiste à de nombreux évènements culturels, comme cet événement de présentation et de dédicace du livre du guitariste Kova Bavogui, que nous vivons ensemble maintenant, qui traite du parcours et de la connaissance de la troisième génération de musiciens du Bembeya jazz national.
Guinéenews : Pouvez-vous nous rappeler quelques meilleurs moments ou pires souvenirs que vous avez vécus durant votre parcours musical ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : Il y a plusieurs souvenirs qui me reviennent de temps à autre. A l’instant, je me rappelle le jour où le Ministre, feu Bella Doumbouya (paix à son âme), est venu se jeter dans mes bras en pleurs, quand j’ai interprété une chanson historique. C’était lors d’une soirée à Kouroussa et il était l’inspecteur politique de la Fédération de Kouroussa. C’est un beau souvenir d’une nuit pleine d’ambiance. Je me rappelle aussi, toujours à Kouroussa, quand feu Diallo Telly, après une soirée que nous avions animée, m’a invité à la villa, pour m’offrir un magnétophone et 3 habits (2 complets neufs et 1 complet déjà porté). J’ai longtemps gardé ces habits et malheureusement avec ces multiples déplacements, je les ai perdus. Alors, le plus mauvais souvenir reste le jour où je fus emprisonné à N’zérékoré, pour une absence, lors d’une soirée marquant une date d’anniversaire du PDG (14 mai). J’ai passé toute une nuit en prison et le matin, je fus libéré et j’ai été sérieusement sermonné par le gouverneur, feu Sidi Mohamed Keita. En ce moment, ce sont ces souvenirs qui me reviennent en mémoire.
Guinéenews : Avez-vous un dernier message pour clore cet entretien ?
Mamadou Diawara ‘’Baliaka’’ : A part d’être un dernier message, rassurez-vous que cet entretien sur votre site, était un projet pour moi. J’ai toujours souhaité m’exprimer à travers une radio, une télé, en tous cas un canal de communication. Je vous remercie très infiniment, pour cette occasion qui m’a été offerte. Je resterai toujours à la disposition de la culture guinéenne, pour léguer mes petites connaissances à la jeune génération. Bon courage à vous et vous faites un noble travail, celui de penser aux anciens qui n’ont rien à vous donner, sauf le mot merci.
Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews.