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Que sont-ils devenus ?  A la découverte de l’artiste et du parcours de Yamoussa Soumah, ex-acrobate des Ballets africains

Le seul message qui me reste est celui pour attirer l’attention de tous, sur mon état de santé. J’ai souffert, et ma souffrance continue encore au vu et au su de tout le monde. Certainement que beaucoup ne sont pas au courant de ma situation. Je prie donc Dieu de m’aider à travers n’importe qui, désireux de m’apporter de l’aide, à recouvrer ma santé (…) Je travaille tout le temps assis, en donnant des instructions. Donc, c’est de cette façon, que je m’agrippe par amour et passion pour être encore opérationnel au niveau des arts. ’’

Artiste, danseur-acrobate, chorégraphe et metteur en scène, il s’appelle Yamoussa Soumah et il est né en 1951 à Forécariah (Benty). Il est le fils de feu Yatou Sana et de feue Yenkény Camara. Marié à 2 femmes dont l’une est décédée, Yamoussa Soumah est père de 10 enfants, dont 5 filles et 5 garçons.

Avec un cursus scolaire vide, Yamoussa Soumah n’a jamais connu le chemin de l’école française, pour pouvoir distinguer dans l’alphabet français, les voyelles des consonnes. Il a plutôt suivi de hautes études coraniques dans son village Mounkuru dans Saamou à Forécariah.

Artiste du peuple, ‘’musicien de devoir’’, près de 59 ans de carrière artistique bien remplie, Yamoussa Soumah a reçu votre quotidien d’informations en ligne, à son domicile sis au quartier Gbessia centre dans la commune de Matoto.

Malade mais d’un mental très fort, Yamoussa Soumah compte parmi les premiers membres recrutés dans le Ballet national Djoliba de Guinée. Il appartiendra aussi, après une fusion entre les deux (2) ballets, aux Ballets africains de Guinée.

De son village natal de Mounkourou (Saamou-Forécariah), en passant par Forécariah via Kindia-Conakry, Yamoussa Soumah nous parle de ses débuts, de sa participation en compagnie de la troupe ‘’Yamama’’, à la quinzaine artistique de Kindia et au Festival national des arts et de la culture de Conakry (1963), qui va déboucher à l’île de Kassa, au recrutement dans le Ballet national Djoliba de Guinée, de ce talentueux acrobate à l’âge de 13 ans.

A travers ces quelques lignes de votre rubrique ‘’Que sont-ils devenus ?’’, découvrez l’artiste et son parcours, son alarmant carnet de santé, le manque de soutien face à son état de santé, de quoi se compose ses revenus, le contenu de ses beaux et mauvais souvenirs.

Dans cette interview, Yamoussa Soumah avec sa puissante et impressionnante diction en langue vernaculaire, établit le parallèle sur le plan artistique, entre son époque et celle d’aujourd’hui.

Pour la suite de son interview plus captivante, accrochez-vous chers lecteurs et lisez !

Guinéenews : Comment à partir du village, aviez-vous pu escalader toutes ces marches pour vous retrouver, parmi les premiers acteurs recrutés dans le Ballet national Djoliba et plus tard, sociétaire, acteur des Ballets africains de Guinée ?

Yamaoussa Soumah : Tout a démarré vers les années 1962 en Sierra Léone où j’étais allé en congé pour rendre visite à mon grand frère. Il était acrobate et répétait le plus souvent à la maison. J’ai demandé à ce qu’il m’apprenne et il s’est catégoriquement opposé et me fera comprendre par la suite, que c’est une activité très dangereuse. C’est seulement à mon retour au village, que j’ai commencé à m’essayer et imiter le grand frère à l’acrobatie, en me culbutant et réalisant des roulades sur des pailles. J’ai constaté en un temps record, le progrès que j’accomplissais à ce niveau.

Quant à la danse, toujours dans mon village, je suivais les ainés qui interprétaient une des danses de chez nous, appelé ‘’Yamama’’. C’est une danse des masques, le long de laquelle, le danseur couvre toutes les parties de son corps. Je retenais facilement les pas de danses à l’époque et souvent, quand nous sommes en train de relever des butes autour des champs, j’accompagnais mon travail par des chants sur les pas de danse du ‘’Yamama’’. J’ai été vite repéré et jeté par la force parmi la troupe du village. Lors d’une visite du chef de l’Etat feu Président Ahmed Sékou Touré (paix à son âme) à Forécariah, notre troupe a été sélectionnée parmi tant d’autres pour des prestations au centre-ville. Plusieurs troupes furent retenues. Et à l’issue de cette représentation artistique, notre troupe a été encore retenue pour la quinzaine artistique à Kindia. De Kindia, les portes de Conakry se sont ouvertes pour assister au Festival national des arts et de la culture en 1963. C’est en 1964 qu’on nous a fait encore venir à Conakry, pour la création du Ballet national Djoliba. Des artistes ont été sélectionné à travers tout le pays. C’est ainsi que j’ai été recruté pour le compte de notre troupe. ‘’Yamama’’ de Forécariah.

Tout ce monde recruté a été transporté sur les îles de Kassa, où le Ballet national Djoliba a été créé.

Ce que Dieu exige de faire subir à l’homme à son jeune âge, nous avions été soumis à cette épreuve traditionnelle à Kassa (circoncision). Il y avait moi, feu Mamady Keita ‘’Dyémbé’’ fola, Sékou Tanaka, Lansana et Alkhaly. Comme dirigeants à l’époque du Ballet national Djoliba, je peux citer les regrettés Sékou Ahmed, Sory Kandia Kouyaté, Yansané, et N’Diaye (paix à leurs âmes).

Guineenews : Si le calcul est bon (1951-1964), vous êtes arrivé à 13 ans dans le Ballet national Djoliba de Guinée. Pendant combien d’années, aviez-vous servi ce ballet et parlez-nous de quelques-uns de vos rôles ?

Yamoussa Soumah : Comme vous le dites et si mon compte est aussi bon, j’ai été actif pendant 20 ans dans les Ballets Djoliba de 1964 à 1984, année à laquelle, la fusion fut faite entre Djoliba et Ballets africains. J’ai rejoint après la fusion, les Ballets Africains de Guinée, où, j’ai servi aussi pendant près de 12 ans. En 2008 et c’est plus récent, j’ai été nommé Chorégraphe et metteur en scène au sein du Ballet national Djoliba. J’exerce jusque-là, cette fonction, malgré mon état de santé critique.

En ce qui concerne les rôles joués dans les ballets Djoliba, je peux citer ‘’La mère’’, numéro dans lequel, j’ai été l’acteur principal, ainsi que ‘’Manden Mory’’. Il y a plusieurs autres numéros dans lesquels, je danse avec l’ensemble et assure l’acrobatie.

Dans les Ballets africains, je n’ai eu presque pas de rôle d’acteur principal, puisque pleins de numéros ont été montés avant notre arrivée. Néanmoins, j’ai toujours évolué sur scène dans presque tous les numéros. Il arrivait souvent aussi de remplacer Hamidou Bangoura dans le numéro ‘’Malisadio’’, comme acteur principal. Je me rappelle d’ailleurs, cela s’est produit pour la première fois en Allemagne.

Guinéenews : Revenons sur votre carnet de santé. Vous souffrez de quoi et comment tout cela vous est-il arrivé ?

Yamoussa Soumah : Je souffre des maux de reins et cela ne date pas d’aujourd’hui. Depuis le temps de la Révolution, j’avais fait des ratées lors des spectacles au palais du peuple, au cours de mes exhibitions en acrobaties. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, de faire des chutes et de tomber violemment sur le dos. Ce qui m’a valu le plus souvent, d’abandonner directement le spectacle à cause des douleurs. J’ai eu le même problème en Libye et en présence du Président KHADAFI. Il avait donné des instructions et j’avais fait des examens et des produits m’ont été livrés à l’époque. J’avoue que vu l’âge du moment, je n’ai pas trop accordé du sérieux pour pousser les examens médicaux. J’ai toujours cru que ce sont des douleurs passagères.

Guineenews : Alors depuis quand, vous vous êtes rendu compte que votre maladie s’aggravait et quelles sont les dispositions dont vous aviez prises, pour remédier aux douleurs ?

Yamoussa Soumah : J’ai été nommé par le régime du Président DADIS, comme metteur en scène au niveau du Ballet national Djoliba. En ce moment, malgré les pressantes douleurs, je parvenais à faire le sport et diriger sur scène les acteurs. C’est plus précisément à partir de 2010, que les complications ont commencé.

Guineenews : Vu l’aggravation de votre maladie et que vous ne pouvez plus marcher sauf qu’on vous supporte, un ou des médecins vous ont-ils examiné ?

Yamoussa Soumah : Je vous dirai d’abord qu’au temps du régime déchu, une dame s’était engagée pour mon évacuation à l’étranger. Elle a financé l’obtention du passeport et de la carte d’identité, dont je garde présentement par devers moi. Hélas ! jusqu’à présent, ce projet n’a pas vu jour et j’attends toujours. Tout récemment, c’est grâce à l’appui financier de Madame Paloma Bravo de nationalité mexicaine, qui est en formation de danses et musiques traditionnelles au niveau de nos différentes structures, que j’ai pu faire quelques examens cliniques. Il ressort de toutes ces contrôles, que je souffre de l’arthrose et ce cliché devant vous en dit long. D’après les spécialistes, je souffre d’une arthrose très aigue, qui s’est répandue à partir des reins, jusqu’aux deux genoux.

Pour ma dernière démarche, j’ai réuni mon dossier médical, que j’ai déposé au niveau du Ministère de la culture. Et jusque-là, je n’ai eu aucune suite à ma requête. Vous avez vu l’état dans lequel je suis, et la seule solution est que je m’en remets au Bon Dieu, qui est le Tout Puissant et qui détiens toutes les solutions aux problèmes de ses créatures.

Guinéenews : Dans votre état actuel, avec en charge plus de 10 bouches à nourrir, comment vous parvenez à vous en sortir pour la subsistance familiale ?

Yamoussa Soumah : Je suis un fonctionnaire à la retraite donc, je bénéficie de ma maigre pension, de mes droits d’auteurs au niveau du BGDA, et récemment inscrit et reconnu sur la liste des anciennes gloires, cette indemnité de 5.000.000 GNF m’a été accordée aussi. Donc c’est grâce à tous ces revenus, que je parviens à nourrir ma famille, bien que des difficultés subsistent la plupart du temps.

Guinéenews : Vous avez fait presque le tour du monde en compagnie de ses deux Ballets nationaux. Quels beaux et mauvais souvenirs, vous reviennent en ce temps précis ?

Yamoussa Soumah : C’est incontestable que nous avions exploré assez de pays de par le monde. Il y a d’énormes beaux et mauvais souvenirs vécus, le long de mon parcours. Le plus beau que je retiens, restera toujours, notre visite en Libye, chez le Président Kadhafi. Pour la simple raison, que c’est suite à ce voyage, ces formidables spectacles livrés en compagnie du Ballet national Djoliba, que le leader libyen a offert la télévision nationale à notre pays. Cela fait honneur. Le plus mauvais souvenir, est celui que je suis en train de vivre présentement. Ce sont toutes ces chutes, sur les planchers du palais du peuple et d’ailleurs, qui m’ont conduit dans cet état diminué.

Guinéenews : Quel parallèle sur le plan artistique, pouvez-vous établir, entre les ballets de votre époque et ceux d’aujourd’hui ?

Yamoussa Soumah : Il faut reconnaitre qu’à notre époque, chacun de son côté a œuvré à l’essor des arts, de la culture et des sports, sans contrepartie. Toutes les recettes que nous avions accumulées, étaient logées dans les caisses de l’Etat. Nous avions travaillé pour le pays avec patriotisme, sans bénéficier des intérêts de nos prestations. En plus, nous n’avions développé que des thèmes instructifs, porteurs de messages viables. Les acteurs d’aujourd’hui évoluant dans les ballets, sont en train de mieux bénéficier, comparativement à notre époque, où nous nous sommes contentés que du nom, l’honner en un mot. Les acteurs d’aujourd’hui, sont libres de tout mouvement vers l’extérieur du pays.

Sur le plan technique, les jeunes d’aujourd’hui sont aussi pétris de talents en danse. Sauf, qu’ils font assez d’emprunts au profit de la danse contemporaine. Quant à nous autres, l’exploitation de nos rythmes, la valorisation de notre identité culturelle était de rigueur. Voyez-vous aujourd’hui, tous nos ballets nationaux sont presqu’en veilleuse. Les relations culturelles sont moroses. Avant, le Chef de l’Etat, se faisait accompagner dans toutes ses visites d’Etat, de la culture de son pays, à travers les orchestres, les ballets, les ensembles traditionnels et autres. Plusieurs contrats de prestations avec des pays se ficelaient lors de ses visites.

Guinéenews : Aujourd’hui, peut-on croire que des regrets vous rongnte, face à tous ces efforts consentis pour votre pays, alors que vous n’apercevez en ces moments de douleur, aucun signal de retour ?

Yamoussa Soumah : J’analyse et place votre question sous deux angles oui et non. Je n’ai pas de regret car, c’est à travers l’art et la culture, que je me suis marié, avoir des enfants et voir ces mêmes enfants suivre mes pas. Le regret comme vous le dites, qui me rongent ces derniers temps, c’est le fait de me voir dans cet état presqu’invalide et abandonné à moi-même, sans aucun soutien de la part des autorités. Rassurez-vous qu’en bon croyant, je m’attends toujours au miracle provenant de Dieu, et c’est le jour qui n’est pas encore arrivé. Je n’en veux à personne et je ne discréditerai aucune âme qui vive.

Guinéenews : Malgré votre état de santé critique, êtes-vous toujours opérationnel ?

Yamoussa Soumah : C’est une belle question. C’est vrai malgré mon état de santé je suis encore opérationnel, certes pas à 100%. J’attire encore votre attention que c’est grâce à ce métier, j’ai été un homme, je me suis marié, j’ai eu des enfants et j’ai eu le nom, la renommée en somme sur le plan national et international. J’aimerai toujours ce métier et présentement, je suis encore le chorégraphe du Ballet national Djoliba. A chaque répétition, le Directeur du Ballet, Monsieur Célestin, très dévoué et humain, envoie une moto pour me chercher. Et là, il faut quelqu’un pour me soutenir par derrière jusqu’à destination. Je travaille tout le temps assis, en donnant des instructions. Donc, c’est de cette façon, que je m’agrippe par amour et passion pour être encore opérationnel au niveau des arts.

Guinéenews : Vous avez effectué beaucoup de voyages à l’étranger et à l’occasion, plusieurs artistes se sont exilés. Qu’estce qui réellement vous a empêché d’en faire autant ?

Yamoussa Soumah : Il faut reconnaitre qu’à notre temps, le patriotisme ancré dans l’esprit, l’idéologie pour l’amour du pays, l’attachement à la famille, nous avaient embaumés. Comme il aimait le dire ‘’ Tout pour le et par le peuple’’. Je vous donne un exemple, le coup d’Etat Diarra nous a trouvé en tournée entre les Etats-Unis et le Canada. Ce jour précisément, nous étions au Canada, et plusieurs parmi nous avaient manifesté le désir de ne pas retourner. Le chef de la délégation est venu nous rencontrer à l’hôtel avec tous les passeports en main et nous a dit ceci « Celui qui veut rester est libre de son choix et celui qui veut rejoindre le pays, peut retourner chez soi… ». J’ai pensé à mes enfants, ma famille, mes parents à tout ce beau monde laissé au pays, j’ai décidé de retourner et tout le monde a décidé comme moi et sous aucune contrainte. En conclusion, l’idée de m’aventurer ne m’a jamais traversé l’esprit et c’est un choix, une option.

Guinéenews : Vu votre âge avancé et nous vous en souhaitons plus que celui-là, avez-vous pensé à assurer la relève au sein de votre famille ?

Yamoussa Soumah : Alhamdoulilahi ! Plusieurs de mes enfants ont choisi l’art. Sékou Soumah qui est devant vous, il est percussionniste au sein de 2 troupes, l’une dénommée ‘’ Merveille de Guinée’’ et l’autre ‘’Camara percussion’’. J’ai une autre fille Mabinty Soumah, qui faisait la danse et présentement elle a abandonné. J’ai encore deux (2) autres, qui apprennent l’acrobatie au stade du 28 septembre, sauf qu’ils lient, les études aux arts.

Guinéenews : Au terme de cette interview, avez-vous un message à adresser, aux nombreux lecteurs de Guinéenews ?

Yamoussa Soumah : Le seul message qui me reste est celui pour attirer l’attention de tous sur mon état de santé. J’ai souffert, et ma souffrance continue encore au vu et au su de tout le monde. Certainement, que beaucoup ne sont pas au courant de ma situation. Je prie donc Dieu de m’aider à travers n’importe qui, désireux de m’apporter de l’aide, à recouvrer ma santé. Je n’ai pas de moyens et mes enfants non plus ; on ne fait et peut que se regarder dans cette maison, avec la peine et l’inquiétude dans le cœur de chacun. Je ne peux plus aller à la mosquée pour mes prières. Je ne rends plus visite aux parents et amis.

Je n’assiste presque plus aux cérémonies. Je suis tenu à la main pour faire mes ablutions ou mes besoins. Je ne parviens plus à pédaler cette machine à coudre qui est là à côté, car pour votre information, à part l’art, je fus un bon tailleur, couture homme. Ainsi, je demande humblement de l’aide de tout bord, en vue de me retrouver plus à l’aise dans une meilleure santé, pour léguer mes connaissances à cette jeune génération, qui en a droit et est nécessiteuse.

A vous, personnellement et à toute votre équipe, je souhaite longévité dans une parfaite santé, et que Dieu vous protège et guide vos pas vers le bonheur. Merci à vous, d’être la première presse en Guinée à penser à moi.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guinéenews

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