Par Youssouf Sylla, analyste-juriste à Conakry.
« La préservation de la qualité de l’air et de l’atmosphère incombe à l’Etat » dit l’article 65 du nouveau code de l’environnement adopté en juillet 2019.
Quant à l’article 66, il interdit l’émission directe ou indirecte dans l’air « de la suie, de la poussière ou du gaz toxique, corrosif ou radioactif ou toutes autres substances chimiques de nature à générer une pollution atmosphérique au-delà des limites fixées par voie règlementaire ». C’est au ministère en charge de la protection de l’environnement que revient la responsabilité de fixer par voie réglementaire (arrêté), la liste des « substances, fumées, poussières, vapeurs, gaz ou liquides et, de manière générale, de toute matière dont le rejet dans l’atmosphère est interdit ou soumis à autorisation préalable ». Mais aussi des seuils à ne pas dépasser en ce qui concerne le rejet de polluants dans l’atmosphère au titre du décret D/2019/087/PRG/SGG du 15 mars 2019 portant attribution du ministère de l’environnement, des eaux et forêts. En vertu de ce décret, il doit « promouvoir l’adaptation, l’atténuation et la résilience face aux effets du changement climatique », ou encore lutter contre toutes les formes de pollutions et veiller à la qualité du cadre de vie des populations urbaines et rurales.
Mais force est de constater que ce pouvoir réglementaire en matière de protection de la qualité de l’air est insuffisamment mis en œuvre. Cette lacune a été mise en évidence par exemple dans une étude de la multinationale Rio Tinto qui s’est retiré du projet d’exploitation du gisement de fer de Simandou en Guinée forestière en fin 2016. Dans son étude d’identification des normes applicables à la pollution de l’air en Guinée, faute de législation interne pertinente, Rio Tinto s’est référé notamment aux normes prévues par les législations européennes et par les directives de l’organisation Mondiale de la Santé (OMS).
Pour adapter notre droit au défi du changement climatique, il est tout à fait primordial de faire évoluer notre droit interne. D’adopter par voie réglementaire des règles efficaces et surtout de les mettre en œuvre. Les lacunes du droit guinéen sur ces questions peuvent être comblées par référence à quelques expériences étrangères. Ainsi, il est possible de s’inspirer à la fois des lignes directrices de l’OMS et des règlementations de certains pays limitrophes comme le Sénégal.
L’OMS
L’OMS estime que plus de deux millions de décès prématurés par an trouvent leur origine dans la pollution de l’air dans les villes et à l’intérieur des habitations. Les pays les plus touchés par cette situation sont les pays en développement. L’OMS a adopté des Lignes directrices relatives à la qualité de l’air et destinées aux États du monde dans le but de maîtriser les conséquences de la pollution de l’air sur la santé humaine. Publiées pour la première fois en 1987, ces lignes directrices font l’objet des mises jour.
Les normes édictées par l’OMS dans ses Lignes directrices ont une portée indicative et destinées aux États qui peuvent les adapter à leur propre contexte. Sans prétendre à l’exhaustivité, les Lignes directrices de l’OMS après compilation des données scientifiques ont porté sur quatre polluants de l’air : les particules, l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de soufre (SO2). Avant de recommander les valeurs indicatives de chaque polluant, les Lignes directrices l’examinent au regard de ses caractéristiques et de ses effets sur la santé humaine.
Sénégal
Ce pays s’est doté au travers de l’arrêté interministériel N°7358 du 5 novembre 2003 d’un texte réglementaire fixant les conditions d’application de la norme NS 05-062 sur la pollution atmosphérique. Cette norme a pour but de protéger l’environnement et les hommes contre la pollution atmosphérique nuisible ou incommodante et s’applique aux installations mobiles ou stationnaires. Selon la norme, les rejets des installations ne doivent pas dépasser certains seuils et doivent être conformes à ses annexes. L’annexe I concerne la valeur maximale des émissions, l’annexe II, les valeurs limites des émissions pour installations spéciales, l’annexe III, le tableau des valeurs pour les substances cancérigènes, l’annexe IV, la hauteur de la cheminée et l’annexe V, les conditions d’échantillons et de mesure de la pollution de l’air.
En outre, l’arrêté N°7358 consacre le droit à une information fiable et crédible sur la qualité de l’air à tout citoyen et rend l’État, garant de ce droit. Il prévoit également un plan de protection de l’atmosphère dans les agglomérations ou les valeurs limites prévues par la norme NS peuvent être dépassées sans oublier l’exigibilité des taxes pour toute installation mobile ou stationnaire et tout véhicule rejetant des polluants atmosphériques qui dépassent les normes admises.