Le Pr Hassane Bah, chef des services de médecine légale, a comparu devant le tribunal criminel de Dixinn ce 22 janvier 2024 en tant que témoin. Dans son témoignage, Pr Hassane Bah a affirmé que le 28 septembre 2009, un responsable des services de santé de l’armée l’a appelé pour lui demander de venir à la morgue d’Ignace Deen, pour recevoir les corps des personnes décédées, dans la matinée. Quand il est arrivé, c’était aux environs de 19h. Après la prière, dit-il, il a trouvé à l’arrière cour de la morgue d’Ignace Deen, des confrères médecins de l’armée, en tenue militaire.
“À la morgue, nous avons reçu un premier camion militaire qui contenait 21 corps. Ce camion était accompagné de militaires.
Pendant qu’on faisait le réaménagement pour recevoir les corps, puisque la morgue ne peut recevoir que 10 corps, un second camion est arrivé avec 7 corps. Un 3e camion contenant 15 corps est arrivé”, a-t-il déclaré. C’est ainsi qu’il a réquisitionné la morgue de Donka. 24 corps sont restés à Ignace Deen, alors que Donka en avait 34. Les jours qui ont suivi le massacre, il y a eu d’autres morts. Le 29 septembre, a-t-il ajouté, il y a eu 6 corps, décédés aux services des urgences médico-chirurgicales, un décédé en chirurgie générale, un autre malade en chirurgie thoracique et un corps déposé par les sapeurs-pompiers. Au 3e jour, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a déposé 2 corps et les services de neurochirurgie ont déposé 2 autres corps. Au 5e jour, il y a un autre décès au niveau des services de neurochirurgie. Ce qui fait un total de 58 corps.
À en croire le rapport de la médecine légale, les responsables des atrocités avaient agi pour vraiment tuer les victimes, car la majorité ont été touchées au niveau de la tête ou du thorax: “Nous avons trouvé qu’il y avait des personnes qui sont décédées par armes à feu, sur lesquelles nous avons trouvé des lésions d’origine balistique avec des orifices d’entrée et des orifices de sortie. Nous avons trouvé 13 corps qui avaient des orifices d’entrée avec trois orifices de sortie, autrement dit, les projectiles sont entrés et sont ressortis. Sur les 13, les 9 étaient tirés dans le dos. Sur ces 9 cas, il y a 2 cas au niveau du segment céphalique, dont 1 cas à bout touchant. Donc on a mis l’arme au niveau temporal ici avec un tir à bout portant qui a projeté le cerveau. On a eu 2, au niveau de l’abdomen, avec des éviscérations et des hémorragies abondantes. Ensuite on a eu 27 cas de polytraumatisme, c’est-à-dire des fractures multiples. Parmi ces 27 cas, on avait 10 cas de plaie par instruments piquants et par instruments piquants, tranchants. La plupart des lésions qu’on a observées sont des lésions localisées au niveau du segment céphalique et du thorax, qui sont des segments mortels. Il n’y avait pas de lésions observées au niveau des membres inférieurs”.
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Pr. Hassane Bah a fait savoir que 31 corps formellement identifiés ont été restitués aux familles, alors que les 27 autres corps dont 11 en état de putréfaction, n’ont pas identifiés. Ce sont ces corps, dit-il, qui ont été exposés à la mosquée Fayçal. Ce jour-là, 2 corps auraient été reconnus par les femmes et les 25 autres ont été embarqués et inhumés par la Croix-Rouge au cimetière de Cameroun.
Alors que beaucoup de familles se plaignaient de n’avoir pas retrouvé les leurs, il a demandé l’exhumation des corps pour la recherche de l’ADN : “J’ai proposé qu’on fasse une exhumation des corps et demandé aux personnes qui ont perdu des proches de venir pour qu’on prélève le sang, les cheveux pour rechercher l’ADN.”
Un échantillon a été prélevé et déposé à un laboratoire de Paris, qui n’a pas pu faire les analyses à cause de la complexité. C’est ainsi qu’un laboratoire de biologie moléculaire de l’Inde a été saisi et les échantillons ont été déposés à Nantes (France). Mais aucune des personnes prélevées n’avait de lien avec les personnes décédées. Donc le résultat était infructueux. Le Pr Hassane a précisé quand même que ce ne sont pas tous les corps inhumés qui ont été exhumés, mais juste un échantillon.
