Depuis neuf audiences, c’est le capitaine Moussa Dadis Camara qui défile à la barre sous le feu des questions du tribunal, mais surtout des différentes parties au procès des événements du 28 septembre 2009. Me Paul Yomba Kourouma, un des conseils d’Aboubacar Diakité, avait déclaré dans la presse, avoir demandé à son collègue, Me Lanciné Sylla, d’agonir l’ancien du président du CNDD, l’asphyxier afin que lui il vienne l’achever. Ce lundi 16 janvier, Me Paul Yomba a eu l’opportunité de s’ « occuper » de l’ancien patron de son client.
Si face à Me Lanciné Sylla, il a préféré ne pas répondre à plusieurs questions, Dadis a changé de posture face à Me Paul Yomba. Il a répondu à la quasi-totalité des questions, des fois en faisant des commentaires. Mais à chaque fois, le président du tribunal l’a rappelé à l’ordre.
En plus de pousser Dadis Camara à revenir sur certaines de ses réponses, donc à se contredire, Me Paul Yomba a fait trois grosses révélations qui ont parfois choqué Dadis et il a même dit qu’il pourrait le poursuivre pour diffamation si ces accusations n’étaient pas portées lors d’un procès.
« Je me fais le devoir, parce qu’à force de toujours dire non, ça peut indisposer la cour. Je suis tenu obligé de m’efforcer quelque part pour ne pas que ce soit de la négation à la négation », dit-il. Face aux accusations de Me Paul Yomba, il affirme : « Si on n’était pas devant un tribunal, cela pourrait même susciter une plainte parce que c’est une accusation très grave. Aucune preuve tangible n’est avec vous. »
Si Dadis, a jusqu’à présent, nié connaître Bienvenu Lamah, Me Paul Yomba a réussi à le faire dédire en répondant par l’affirmative à la question de savoir s’il connaît le commandant du camp de Kaléa.
Le conseil de Toumba Diakité a ensuite indiqué que le capitaine Dadis était bel et bien sorti du camp le 28 septembre 2009. Il serait venu à Marocana situé à quelques mètres du stade. « Et si on vous disait que vous étiez au stade du 28 septembre? C’est une information que je n’avais pas voulue donner même à mon client Toumba, je ne la lui ai donnée que 72h avant aujourd’hui. Est-ce que vous n’étiez pas basé à Marocana à côté de la piscine? » a-t-il demandé, avant d’ajouter que Dadis a construit une cour arrière de son bureau dont il se serait servi pour sortir et venir près du stade du 28 septembre : « Vous avez trompé votre garde rapproché en vous construisant une arrière-cour non architecturale, pas prévue par l’ingénieur, avec une sortie arrière où la voiture était immobilisée et que vous pourrez sortir à tout moment. Oui ou non ? Parce que je vais demander le transport judiciaire ».
Une information que le capitaine Dadis n’a pas niée : « S’il vous plaît, maître. Je ne l’ai pas fait par rapport à votre client. »
L’avocat de Toumba affirme ensuite qu’à propos des corps dissimulés Dadis en sait quelque chose : « Le Général Edouard Théa ne peut pas agir sans vos instructions. Parce que vous lui avez instruit d’aller procéder au ramassage des corps. Il l’a fait effectivement et vous dites que vous n’en êtes pas informé ? »
Et le capitaine d’indiquer que ce ne sont que des allégations : « Je n’ai pas ordonné au Général Théa à [faire] quoique ce soit. C’est un condisciple à vous. Peut-être que vous voulez l’incriminer. Ce ne sont que des allégations. C’est de l’imagination. »
Poursuivant, Me Paul Yomba affirme que « le premier convoi des corps a été envoyé à Faban derrière l’aéroport, le 2e à la Marine nationale, parce que le chef d’état-major de la Marine nationale doit comparaître parce que tout est identifié, et c’est sur ordre de M. Dadis. Où avez-vous envoyé le 3e convoi ? »
L’avocat est ensuite orienté les débats vers un autre terrain que le président du tribunal n’a pas voulu laisser libre cours à lui : « Parlons maintenant de vos biens. N’avez-vous pas une propriété au Maroc achetée à 5 millions de dollars par Big-up (Boubacar Barry, ami d’enfance de Dadis et ministre en 2009, ndlr) et par Jayatte ? On va vous envoyer la photo. » Le président du tribunal l’interrompt pour lui demander sur quoi une telle question va aboutir, puisqu’elle n’a pas de rapport avec les faits pour lesquels Dadis est poursuivi. « Il parle de sa sainteté budgétaire », répond Me Paul Yomba, avant d’enchainer : « A la Riviera à Abidjan, vous avez acheté toute une cité. » Le juge Tounkara l’interpelle de nouveau. Et là aussi, il se justifie : « L’exaltation qu’il a faite de lui, il faut l’anéantir. »