Lundi 06 février. Au tribunal de première instance de Kaloum, il y avait du beau monde. Parmi eux, des représentants de banques et avocats étrangers venus défendre la banque Panaméenne Banistmo, la filiale américaine de la Deutsche Bank, l’anglaise Standard Chartered, l’américaine Citibank N.A et la Banque of America. Cinq banques étrangères qui se retrouvent aux côtés de la Banque centrale de Guinée et de ses anciens dirigeants Lounceny Nabé, Baidy Aribot et Gnaga Komata Goumou pour répondre des accusations d’escroquerie de l’entreprise familiale Inversiones des Vénézuéliens Denis Rafael Perez Perozo et Carlos Andres Perez Leal, ainsi que d’autres parties civiles.
L’audience de ce lundi s’est limitée sur la forme. L’une après l’autre, la Banque centrale et Banistmo S.A ont soulevé des exceptions qui ont occupé tout le débat. La première, par son avocat Me Seryba Mory Kanté, a attaqué la citation (directe) en la qualifiant de « fantaisiste et irrecevable ».
En revanche, les avocats de la partie civile ont voulu que l’absence de la BCRG soit constatée et que le tribunal ordonne l’ouverture des débats. « Ecouter les parties avant la BCRG, c’est entrer dans un cercle vicieux qui débouchera finalement sur un renvoi… Par ailleurs, aller au fond de cette affaire c’est ouvrir le doute sur la possibilité pour le tribunal de se prononcer sur l’exception soulevée par la BCRG », dira le représentant du ministère public, le procureur Mohamed Bangoura. Soutenant la position de l’avocat de la BCRG, le représentant du ministère public a voulu que le tribunal se prononce d’abord sur l’irrecevabilité ou non de la citation avant les débats sur le fond. Pas question pour Me Cécé Victorine Théa et son confrère Gilbert Tohon Camara. Ce dernier oppose à l’argument de la défense « l’obligation faite à un prévenu (personne physique ou morale) régulièrement citée de comparaître » et dénonce « la position incongrue » du ministère public qui, à l’audience précédente, avait cité la BCRG à comparaître.
Le tribunal finira par décider pour l’ouverture des débats. Mais plusieurs autres exceptions seront soulevées par Banistmo dont les avocats se sont attaqués à la compétence même du tribunal. Alors qu’une représentante de la Banque était à la barre, les avocats ont révélé que le contrat qui liait leur client à Inversiones prévoyait que tout différend qui en découlerait serait jugé par les juridictions panaméennes. D’ailleurs, ils ont indiqué que Banistmo n’a jamais posé d’acte en Guinée (en tout cas dans cette affaire) et n’a aucun lien juridique avec la Banque centrale de la République de Guinée. Tous ces actes ont été posés au Panama et avec ses banques intermédiaires. « Les règles de procédures et de compétences restent d’ordre public. Nous sommes en pénal, ce n’est pas volonté des parties qui prime… », a répliqué le représentant du ministère public qui s’est cette fois-ci opposé à l’exception. « Nous sommes en matière de transfert international d’argent…Dès lors que vous avez compétence sur la BCRG, vous avez compétence sur les autres », estime Me Théa. « Les faits poursuivis ne se sont pas entièrement déroulés au Panama », a-t-il ajouté.
Pour les avocats d’Inversiones, Banistmo ne saurait être occulté dans cette affaire dans la mesure où « elle est la pièce maîtresse ». Sur cette exception soulevée par Banistmo, la décision du tribunal est attendue mercredi 8 février.
Une affaire qui vient de loin…
C’est en septembre 2017 que les Vénézuéliens sont arrivés en Guinée. Salon VIP, cortège biens sécurisé, présence d’autorité à l’aéroport… A l’époque, ils avaient été accueillis en toute pompe par les autorités guinéennes.
L’idée de venir investir dans l’or guinéen est partie d’Espagne où sont installés Denis Rafael Perez Perozo et son fils Carlos Andres Perez Leal qui sont à la tête de l’entreprise familiale Inversionnes DD CSA. C’est là qu’une femme d’affaires espagnole du nom de Mayra leur a présenté le Gambien Koutoubou Sylla. Ouest-africain, Koutoubou est présenté aux Perez comme un fin connaisseur de la Guinée où « on peut faire de bonnes affaires d’or ». A son tour, Koutoubou présente le Guinéen El Hadj Boubacar Diallo aux Perez. « Quand on a rencontré El Hadj Boubacar Diallo, il nous a dit qu’on ferait la transaction avec le gouvernement guinéen. C’est ce qui nous a beaucoup rassuré », nous expliquait récemment Denis Rafael Perozo.
Plus de 2 millions de dollars en jeu
Convaincus, les Vénézuéliens arrivent en Guinée où ils sont rassurés par les autorités de l’époque. « En Guinée, nous n’avions plus à faire seulement à El Hadj Boubacar même si c’est lui qui nous a introduit à la BCRG. Parce que la loi guinéenne dit que toute transaction d’or en Guinée passe par la BCRG qui vérifie et autorise l’exportation », se justifie le Vénézuelien Denis. Ils disent avoir versé deux millions quatre cent vingt-trois mille dollars américains (2 423 000) pour recevoir 75 kilogrammes d’or. A l’époque (entre 2017 et 2018), un kilogramme d’or coûtait environ 33 mille dollars américains. Mais ils disent n’avoir jamais reçu il ne serait qu’un kilogramme d’or. Les Perez ont donc porté plainte devant le TPI de Dixinn. El hadj Boubacar Diallo et des cadres de la BCRG auraient été condamnés dans cette affaire. Mais les Vénézueliens disent n’avoir jamais reçu la grosse du jugement. A la Cour d’appel de Conakry, on leur aurait dit que le papier est perdu. Ce qui les amené à initier le procès devant le TPI de Kaloum. Alors qu’ils réclament 2 millions de dollars aux banques, les Perez affirment avoir perdu 3 millions de dollars entre les frais d’hôtel, les frais de séjour et autres honoraires des avocats…
Pour les Vénézuéliens, il s’agit tout simplement d’une »escroquerie en bande organisée, effectuée par la BCRG et ses banques partenaires ».
A suivre