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Présumé détournement de fonds de la BCRG : la filière Mauritanie-Dubaï de la société MSS encore épinglée

C’est le newsletter La Lettre du Continent (LC) qui révèle la supercherie portant sur un présumé détournement de devises appartenant à l’Etat, donc au contribuable guinéen, qui sont convoyées par la société Managed Security Services-Sarl (MSS-Sarl). Ce, au détriment de la Banque Centrale de la République de Guinée (BCRG), l’institution qui est la garante  par excellence de la stabilité monétaire du pays.

La Lettre du Continent, qui affirme avoir lu le rapport rédigé par le colonel Tiégboro, le Secrétaire général chargé de la répression des crimes économiques et du grand banditisme, évoque de : « l’existence d’un circuit parallèle qui permettait à certains de placer les dollars de la BCRG sur des comptes privés où ils généraient des intérêts significatifs. L’argent ainsi dégagé était utilisé pendant plusieurs mois pour alimenter des investissements privés, notamment dans le commerce de l’or, avant d’être reversé, en totalité ou en partie, sur les comptes officiels de la BCRG. MSS-Sarl a ainsi investi plusieurs millions de dollars dans une mine d’or à Mandiana. Le passif de ces opérations s’élève pour l’Etat à près de 20 millions $ (17,3 millions €), non restitués à la BCRG par les convoyeurs de fonds et leurs complices. »

En un mot, l’argent guinéen serait « emprunté » illégalement par le convoyeur pour générer frauduleusement des intérêts que la société empoche et se fait en même temps payer aussi pour le service de transport de fonds. Une escroquerie classique et bien répandue.

Quoique le gouvernement guinéen garde un silence embarrassé sur ces révélations qui contredisent la volonté manifeste du Premier ministre Kassory de « lutter contre les détournement et l’impunité »,  une telle pratique quasi mafieuse ne contribuera nullement à renforcer la confiance des Guinéens dans la capacité de gestion de leurs dirigeants.

Aux yeux des observateurs, deux révélations de taille méritent d’attirer l’attention sur ces pratiques très courantes d' »écumage » de maigres réserves monétaires guinéennes et qui consistent à capter les intérêts générés par des sommes n’appartenant pas à un individu qui contrôle le fonds.

1- La piste de Dubaï

Pour une deuxième fois, en moins de 5 ans, les Guinéens apprennent donc que les devises de la Banque Centrale et les lingots d’or ne sont plus entreposés dans les caveaux et coffres forts  sécurisés de la BCRG à Conakry, mais plutôt convoyés à Dubaï, un paradis fiscal plus « accommodant » que l’Europe et l’Amérique du Nord.

En août 2014, les douanes sénégalaises avaient saisi l’équivalent de 4 milliards de FCFA à l’aéroport de Dakar. Après avoir informé leur hiérarchie, les douaniers furent obligés de restituer les fonds sans qu’une explication rationnelle ne puisse répondre à la question: pourquoi avoir fait transiter autant d’argent par Dakar au lieu de faire un simple transfert interbancaire comme cela se fait couramment en matière de transferts de fonds importants d’État à État ? Ebola et la suspension par Emirates de son escale de Conakry, furent les prétextes donnés par les autorités de Conakry pour cette opération « peu orthodoxe », sans vraiment convaincre. Après un tollé dans l’opinion publique guinéenne, l’affaire fut oubliée. Aucune enquête officielle – quoique demandée « mollement » par l’opposition et la société civile – ne fut entamée.

Mais pourquoi Dubaï?

Difficile d’obtenir une réponse claire à cette question. La Guinée entretient des relations plutôt commerciales avec Dubaï, la riche enclave du golfe persique, la société minière EAG ayant massivement investi dans l’exploitation de la bauxite à Boké pour alimenter son usine d’alumine. Mohamed Condé, le fils du président et Conseiller spécial de son père a été cité et vu en avion entre la France et Dubaï pour, semble-t-il, attirer les investisseurs.

Le développement vertigineux de Dubaï ces dernières décennies comme capitale financière mondiale l’a mise dans la ligne de mire des institutions de surveillance. Un rapport du Centre for Advanced Study, un think thank américain décrit un schéma de blanchiment d’argent des profiteurs de guerre et des contourneurs de sanctions américaines, estimé à des centaines de millions de dollars investi dans l’immobilier de Dubai. Ce qui rend Dubaï comme une destination inhabituelle pour un pays comme la Guinée d’y domicilier ses devises et son or.

« Normalement chaque pays à des caveaux sécurisés qui gardent l’or, les devises et autres joyaux de la couronne », explique un expert qui a requis l’anonymat en raison de la sensibilité du sujet. « Aux États-Unis, c’est Fort Knox au Kentucky, à l’intérieur d’une forteresse militarisée antinucléaire. En Grande Bretagne, c’est à la Tour de Londres. En France, c’est une salle ultra sécurisée appelée « La souterraine » de 11.000 mètres carrés, située à 28 mètres sous terre, sous la Banque de France (1er arrondissement de Paris) qui abrite une partie de l’or et des devises. En Suisse, la légende dit que le fond du Lac Léman contient des abris anti atomiques ou l’or et les réserves sont stockés. Dans tous les cas, il est rare de déplacer de l’argent liquide puisque la majeure partie des transactions se fait par voie électronique », précise cet expert.

Selon des anciens employés de la Banque Centrale, au temps de l’ancien président Lansana Conté, les comptes en devises de la Guinée étaient domiciliés en Suisse, mais les billets restaient souvent dans les caveaux et coffres forts de la Banque Centrale à Conakry. Et le président Conté était notoirement connu pour s’être régulièrement rendu à la Banque Centrale pour y réclamer des devises sonnantes et trébuchantes. « Est-ce que le président Condé n’a pas confiance aux employés de la BCRG qu’il a ordonné de transférer les devises à Dubaï? Difficile de dire tant l’opacité règne sur les transactions financières au nom de l’État guinéen », s’interroge notre expert.

2- Le mystérieux transporteur mauritanien

C’est un Mauritanien, né en décembre 1978 et ayant apparemment vécu aux États-Unis où il aurait évolué dans l’informatique avant de créer une compagnie au Sénégal. Son nom Yacoub Abdallahi Sidya et il dispose d’une série de flottes de véhicules de transport et  sécurisés. Sa société se spécialise dans le transport de fonds de l’Afrique vers l’Europe et le Moyen Orient.

C’est après l’arrivée du président Alpha Condé, qu’en mars 2013 à Conakry, que Yacoub Abdallahi a enregistré auprès du notaire Me Yansané Soumah de Conakry, une société de droit guinéen dénommée Managed Security Services (MSS-Sarl), spécialisée dans le gardiennage, la sécurité et la surveillance, dont il détiendrait à 90% des actions. Curieusement, les deux autres actionnaires seraient, selon le rapport :  Amadou Dioum (7%) et Namory Condé (3%), un étudiant de 20 ans au moment des faits, qui serait le fils du  …. général Bouréma Condé.

Nommé ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation en février 2015, le général Bouréma Condé fut sous-préfet dans la zone diamantifère de Banankoro de 1996 – 2002 et Préfet de Madiana (2004 – 2007). A l’arrivée du président Alpha Condé, il fut nommé Chef d’Etat major particulier à la Présidence de la République. Par ailleurs, il a été, sous la junte militaire dirigée par le capitaine Dadis, gouverneur de N’Zérékoré puis ministre de l’Agriculture. Une nomination qui a été très mal perçue par certains militants du parti présidentiel à cause des répressions violentes dont le haut gradé se serait responsable contre des activistes du RPG du temps du régime Conté. Sa récente décision d’interdire les manifestations a été sévèrement critiquée par l’Opposition et la Société civile.

Toutefois, il faut souligner qu’il n’existe, pour le moment, aucune preuve établie contre le ministre dans cette affaire.

La société MSS Sarl est très peu connue dans le domaine du transport international d’argent. Le marché étant dominé par des géants tels que Brinks, G4S, Loomis, Prosegur, Garda etc… Il subsiste de fort soupçon sur le fait que la société MSS Sarl ait raflé ce marché lucratif en Guinée. Nombreux sont des observateurs qui s’interrogent si elle a été retenue à l’issue d’un appel d’offres ou pas.

Au dernières nouvelles, Yacoub Abdallahi aurait échappé aux services guinéens et se serait réfugié dans sa Mauritanie natale.

Guinéenews a appelé à plusieurs reprises, le gouverneur adjoint Baïdy Aribot et le gouverneur Louncény Nabé pour avoir des précisions sur ces zones d’ombre qui taraudent l’esprit des spécialistes de la bonne gouvernance. Aucun des deux n’a répondu.

« Quoique nominalement « indépendants », le Gouverneur et le Vice-gouverneur de la BCRG sont nommés et peuvent être révoqués par simple décret présidentiel », remarque un spécialiste de la gouvernance.

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