Le président de la République, à travers un communiqué de son parti rendu public lundi 31 août 2020, s’est déclaré candidat à sa propre succession, après tant d’hésitations. Alpha Condé semble miser sur la dispersion de l’opposition, encore perdue dans ses calculs, sur la stratégie à adopter pour le contrer, à seulement deux mois du scrutin, pour se lancer dans la joute électorale. Il n’y a aucun doute désormais qu’il sera candidat à sa propre succession. Crédit photo : page Facebook Alpha Condé.
Les quatre principaux facteurs qui lui sont favorables pour l’instant…
Il y a premièrement, l’absence d’une stratégie commune des forces de l’opposition à cet instant critique où elles devaient former un bloc solide. Quelques partis politiques, certes de poids moindres, ont clairement exprimé leur volonté de participer au scrutin, alors que la principale force de l’opposition (union des forcées démocratique de Guinée de Cellou Dalein Diallo) attend les consignes de sa base. Cette situation est profitable au pouvoir en place qui ne manquerait pas d’y trouver un moyen de crédibilisation de l’élection à venir et d’acceptation de l’idée d’un troisième mandat longtemps rejetée. Ainsi, l’image d’une union sacrée qu’affichait il y a quelques mois le FNDC (front national pour la défende) de la constitution), un regroupement de la société civile et des partis d’opposition contre la volonté d’Alpha Condé de se pérenniser au pouvoir est en train de s’effondrer.
En second lieu, l’accalmie dans les protestations de rue provoquée ou imposée par l’état d’urgence sanitaire au nom de la lutte contre la pandémie du Coronavirus qui n’épargne pas la Guinée. Cette crise sanitaire est donc mise à profit par le pouvoir pour affecter sérieusement les capacités de mobilisation de l’opposition.
Puis, la rapide capacité de mobilisation des moyens logistiques de l’Etat et autres moyens financiers par le parti présidentiel pour animer sa campagne pour la présidentielle. C’est aussi pour nombre de barons du pouvoir et de leurs sbires une occasion d’or pour s’enrichir sur le dos du contribuable, sans craindre de rendre compte.
Là d’ailleurs, il faut souligner que depuis mathusalem, les mouvements de propagandes sont devenus un moyen pour s’attirer les yeux doux du chef de l’Etat mais aussi pour profiter et puiser l’argent du contribuable guinéen dans les caisses poreuses de l’Etat pour les financer. Un raccourci pour beaucoup de Guinéens pour non seulement s’enrichir mais aussi espérer avoir un poste de responsabilité après les élections.
Il est connu par tous que dans la gouvernance d’Alpha Condé, les compétences sont foulées au sol au profit de la médiocrité. C’est ce que que les esprits malins ont compris pour se distinguer non pas pour travailler dans l’intérêt du pays mais pour l’enrichissement illicite et personnel par bande organisée exacerbé par l’impunité, le copinage et le système mafieux pour dilapider les ressources de la Nation…
Pour y exceller, il faut en faire ou passer directement à la « caisse » quelque soit son genre et son rang. Et les gens sont prêts à tout pour y arriver !
Et enfin, l’inféodation des institutions publiques et de la cour constitutionnelle aux désidérata du parti au pouvoir. Dans un pays comme la Guinée, l’administration publique a l’habitude comme par devoir d’allégeance de renoncer à son principe constitutionnel de neutralité pour être engagée dans les causes politiques du chef de l’exécutif.
Faut-il ajouter un autre facteur non des moindres qui milite en faveur du président. Le contexte sous-régional marqué par la candidature « tolérée » de Ouattara par les puissantes occidentales qui se trouvent elles contraintes de fermer les yeux sur le cas Guinéen. Elles ne peuvent pas cautionner le cas Ouattara et condamner celui d’Alpha Condé de la Guinée…
Face à ces facteurs qui jouent en faveur de la candidature du président de la République, on est en droit de se demander de quelle manière l’opposition politique pourrait inverser la situation en sa faveur. Autrement, quelles sont ses marges de manœuvre ? On peut en citer au moins trois.
La première est sans nul doute la poursuite en toute logique du processus qui consiste à enlever toute légitimité à l’élection présidentielle d’octobre prochain. Cette démarche visera à conforter son opposition au sein du FNDC à la nouvelle constitution et à tout ce qui en sort comme un mandat de plus pour le président en exercice. Pour donner à cette stratégie tout son sens, la cohérence dans l’action de l’opposition exige qu’elle boude la présidentielle. Non sans un risque cependant, qui est la désolidarisation de certains partis de la même opposition.
La deuxième marge de manœuvre est la contestation dans la rue de l’acceptation d’un mandat de plus pour le président sortant. Mais là aussi, l’opposition risque d’être confrontée à deux choses : les restrictions imposées par l’état d’urgence sanitaire et la confrontation avec les forces de l’ordre susceptible de donner lieu à d’autres dégâts matériels et à des cas de morts d’hommes.
Enfin, la troisième marge de manœuvre est la mobilisation de l’opinion publique internationale. Le bénéfice à tirer de cette mobilisation est mitigé car les États membres des organisations africaines (l’Union africaine et la Cedeao) ne parlent pas d’une seule et unique voix sur la question des troisièmes mandats. Si certains États condamnent la chose, il serait par contre hâtif de conclure que c’est la position officielle de ces organisations. En effet, ces organisations sont encore muettes sur la démarche du président ivoirien, Alhassane Ouattara de briguer un mandat de plus.
En ce qui concerne les États puissants de la communauté internationale, ils sont aussi divisés sur la question. La Chine et la Russie font bande à part et ne condamnent aucun pays qui empruntent cette voie, tandis que les puissances occidentales (France, USA, Allemagne, Royaume Uni et Japon), entre temps intransigeantes, se montrent de plus préoccupés par d’autres soucis liés à la reprise des activités économiques en pleine épidémie de Coronavirus et électoraux, que par la situation politique explosive dans des pays africains qui se sont librement inscrits sur la dangereuse pente de régression socio politique et économique.
Au final, dans le duel qui va encore opposer le pouvoir à l’opposition, il est loisible de constater qu’il y a dans les positions sur le terrain un déséquilibre des forces au profit du pouvoir en place, même si un retournement inattendu de l’opinion ou de situation n’est pas à exclure pour remettre les choses à plat.
De toutes les manières, la Guinée semble être abandonnée à son propre sort, les Guinéens dans un rapport de force sans concession, en feront ce qu’ils voudront. Et cela pour le meilleur ou le pire.