L’abandon des villes et de l’aménagement urbain à leur sort est un dénominateur commun aux nombreux gouvernements qui se sont succédé en Guinée jusqu’à maintenant. Ce délaissement, par les autorités du pays, de l’urbanisme en tant que science de l’aménagement et de l’organisation des villes en tenant compte des facteurs géographiques, sociaux, architecturaux et climatiques, a fait des villes guinéennes des lieux d’entassement de populations dans un désordre chaotique où il devient de plus en plus difficile de se repérer.
Au 21e siècle, les villes guinéennes sont parmi les rares au monde où l’on continue encore de se localiser au moyen de repères naturels et artificiels ou de noms de famille de quelques notables des quartiers, villages ou districts. Ainsi, y retrouve-t-on des dénominations comme « Manguébounyi (sous le manguier), Kondébounyi (sous le baobab); ou encore Soribaya (chez Soriba), la maison près de la mosquée, la clôture en face du camp militaire, etc. ». Cette manière de se situer dans l’espace existe depuis l’homo faber, il y a plus de 2 millions d’années, au temps où l’homme apprit à fabriquer des outils pour améliorer son existence, se loger et assurer sa survie.
Aujourd’hui, les bourgades guinéennes doivent dépasser cet état végétatif d’inexistence de toponymie et être complètement restructurées pour s’émanciper au stade de véritables villes. À cet égard elles doivent s’inscrire dans le contexte de leur époque et réunir les conditions de durabilité requises face aux nombreux défis climatiques et environnementaux des temps présents et futurs. Dans cette perspective, les autorités transitoires auront un important rôle à jouer. Elles devront planter le décor en commençant par poser les premiers jalons de cette réforme urbaine, qui doit être sérieuse, courageuse et profonde pour être efficace et porteuse de résultats qui permettront au futur gouvernement responsable issu des élections présidentielles prochaines de continuer l’œuvre entamée sans s’embrouiller.
Pour ce faire, un accent particulier devra être mis sur la première démarche de cette restructuration complète de nos villes, à savoir la mise à mort de l’insécurité foncière, source de manœuvres perfides occultes, de conflits interminables entre individus et familles, ainsi que de nombreux autres problèmes sociétaux. Viendra ensuite le besoin de restructurer les quartiers urbains à travers une mise à jour des plans directeurs d’aménagement et d’urbanisme des villes pour prendre en compte les enjeux du climat et de l’environnement. Une cartographie aérienne complète de l’ensemble du territoire national doublée d’un réseau d’antennes pour les systèmes de localisation par satellite (GPS – Global Positioning System) devrait être réalisée afin de permettre à chaque contrée, commune, quartier, village ou district, d’avoir sa propre carte.
Les problèmes des transports urbains et de congestion des voies routières devront être examinés et étudiés. Des ébauches de solutions adéquates devront être élaborées et archivées à l’intention du futur gouvernement qui aura pour mission de les concrétiser en diverses étapes. Ensuite, pour rendre nos villes pratiques et fréquentables, une commission de toponymie des noms de lieux et de rues devra être mise en place pour entamer les réflexions sur la manière de nommer les rues, les places publiques et les lieux historiques.
Enfin, l’Etat devra s’employer davantage à élaborer un ambitieux plan de construction de logements sociaux à prix modiques afin de résorber le déficit de logements décents dans nos villes. Par ailleurs, un programme spécial d’aménagement et de construction de toilettes publiques dans la capitale nationale devra être lancé et des propositions concrètes devront être dégagées à cet égard afin de permettre de doter la capitale guinéenne de lieux d’aisance publics dignes de ce nom. Cette période transitoire doit nous permettre de réfléchir et de proposer des solutions à tous ces problèmes, il ne faut pas rater cette chance car c’est tout le monde qui en bénéficiera.