Depuis quelques temps, on n’arrête pas d’entendre parler de l’entrée sur la scène politique, de la nouvelle génération. Plus les jours passent, plus cela devient un refrain, jusqu’à aller proposer au CNT, soixante-et-quinze ans comme l’âge limite des futures candidats aux présidentiels de 2024. On trouve la classe politique actuelle «vieille et dépassée ». Alors il faut la pousser à la porte pour laisser la place à une nouvelle génération. Ils sont donc nombreux, les jeunes qui souhaitent ne plus voir les Sidya Touré, Cellou Dalein Diallo, Bah Oury, Kouyaté…sur la scène politique parce qu’ « ayant fait leur temps ». Face à cette revendication pressante, les Guinéens s’interrogent s’il y a au niveau de cette nouvelle génération, des personnalités pour l’incarner ? Quels jeunes capables de prendre en main la destinée de la Guinée ? Et quels sont les critères qui vont prévaloir dans la désignation de ces jeunes ?
En politique l’incarnation est fondamentale. Si jeunes leaders il faut, la Guinée a besoin de quelqu’un qui incarne la volonté d’un peuple. Quelqu’un qui fait corps avec elle. Qui fait siennes ses aspirations. Pour avoir la réponse à toutes ces interrogations, nous nous sommes rendus sur le terrain et interroger les Guinéens.
Les jeunes toujours à l’avant-garde de la scène politique
Pour Elhadj Sékou A Soumah, ancien député du PUP, premier à intervenir à notre micro, le problème de la présence des jeunes sur le terrain ne s’est jamais posé en Guinée : « La question générationnelle n’est pas nouvelle en République de Guinée. Même du temps du régime du premier président, feu Ahmed Sekou Touré, cette question était au cœur des préoccupations ! C’était le parti unique ! A chaque congrès il y avait des renouvellements au niveau des bureaux des jeunes, on opérait des changements pour faire émerger les jeunes au sein du parti. Une place importante leur était réservée. Après la révolution, la question fut au cœur des débats politiques dans les partis politiques. Les jeunes comme Cheick Traoré, le plus jeune député d’alors du régime Conté, le cas de l’ex vice-gouverneur de la BCRG, feu Fodé Soumah, parrain national du PUP, il y avait aussi les jeunes bouillants comme Sékou Koureissy Condé, leader du parti ARENA qui se sont signalés et ont fait irruption sur la scène politique. Même si malheureusement ceux-ci à un moment donné s’étaient retrouvés dans la nasse à pédaler comme les autres, ils avaient continué le combat à ce qu’ils deviennent aujourd’hui des vétérans», nous apprend l’ex parlementaire de la deuxième république. Avant d’affirmer que beaucoup de ces jeunes qui s’agitent actuellement ne sont pas nouveaux dans l’arène politique : « Quand les gens en parlent aujourd’hui, on a l’impression que c’est un phénomène nouveau. On pense que la classe politique est vieille ? Mais il y a des jeunes qui sont dans la longévité à l’ombre des leaders politiques ! Beaucoup parmi eux sont dans la vie publique depuis des années. Ça fait des décennies ils sont au cœur de la vie publique. Par rapport à quelqu’un de 75 ans qui vient à peine d’embrasser la politique. Ceux qu’on nous présente aujourd’hui comme jeunes, ils ne le sont pas en politique ».
(…) Les jeunes guinéens à la solde des leaders politiques
Les jeunes d’aujourd’hui refusent de prendre leur responsabilité contrairement au passé. Cet avis de l’ancien député du PUP est partagé par plusieurs politologues guinéens qui pensent que la jeunesse guinéenne suit aveuglement les leaders politiques et se plient (les opportunistes et autres arrivistes Ndlr) devant le pouvoir pour avoir de quoi vivre. Dans ce cas, elle ne pourra jamais prendre le devant de la scène politique. « Rappelons-nous de l’engagement politique de feu président Ahmed Sekou Touré. C’était à son jeune âge ! Tout ne lui a pas été donné sur un plateau d’or ! Aucune loi n’a été votée pour qu’il prenne les rênes du PDG-RDA. C’était son engagement politique qui avait fait de lui un leader. Il appartient aux jeunes d’aujourd’hui de faire pareil. Ils ne doivent pas attendre que le Colonel Mamadi Doumbouya fasse chasser Sidya Touré et Cellou Dalein pour leur dérouler le tapis rouge. Ça ne se décrète pas. C’est un combat. C’était à cause de leur dynamisme et leurs engagements que les Guinéens a remis le pays à Sekou Touré et ses amis. Que font les jeunes d’aujourd’hui ? Prennent-ils leurs responsabilités en créant leurs propres organisations, leurs propres appareils pour prendre le pouvoir ? Ou bien restent-ils attentifs qu’on leur donne tout? Voilà les questions que l’on se pose »
Qu’on arrête le fantasme de juvénilisation de la classe politique guinéenne !
Après tout ce qui vient d’être dit, « la nouvelle génération tant demandée n’existe pas, ou si elle existe, elle ne s’assume pas. On la cherche avec torche en plein jour », nous dira Hadja M. A une observatrice de la scène politique guinéenne. Agacée, cette ancienne ministre du régime Conté n’approuve pas l’idée d’exclure certains politiciens, pour le problème d’âge « On nous dit que les vieux doivent partir. Et cela se chante à longueur de journée. Ceux qu’on qualifie de vieux politiciens ont mérité la place qu’ils occupent aujourd’hui. Ce ne sont pas des héritiers à qui on a cédé le flambeau. Ils ont réussi à cristalliser des espérances. C’est ça la politique ! Des anciens premiers ministres qui ont la culture de la gestion des hommes, de l’économie, plusieurs fois candidats aux élections présidentielles, on va les écarter au profit d’une jeunesse incapable de se battre et qui attend qu’on lui offre tout sur un plateau d’or. Qu’on arrête ce fantasme de juvénilisation de la classe politique guinéenne. On m’évoquera les cas d’Emmanuel Macron en France, de Trudeau au Canada et de Kurt en Autriche mais ce n’est pas la même chose. Chez nous ici on ne voit aucune ombre d’un jeune politicien porteur d’un programme ou qui a une vision et qui une connaissance de l’Etat, de l’administration ».
Au regard de ce qui précède, il y a un besoin d’avoir à la tête de la Guinée une personne qui sera en capacité d’innover suffisamment, non pas de manière théorique, mais dans la pratique. Celui qui ira vers ce peuple de Guinée pour lui parler avec son cœur. Celui-là qui a le souci d’utiliser un Etat pas comme un appareil pour lui mais un outil pour la population. Peu importe l’âge.