La Guinée, représentée par le ministre d’Etat chargé des investissements et du partenariat public-privé a participé à la treizième édition du conclave CII Exim Bank sur les projets Inde-Afrique qui a eu lieu, à New Delhi lundi 27 mars 2018. Il était accompagné d’une forte délégation guinéenne.
À cette occasion, nous livrons en intégralité l’intervention d’Ibrahima Kassory Fofana. Lisez !
Mesdames et Messieurs les Ministres ,
Mesdames et Messieurs les représentants d’entreprises,
Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,
Chers participants,
C’est avec plaisir que je prends part à cette 13emes édition du Conclave CII-Exim Bank sur le Partenariat de Projets Inde-Afrique, et à ce panel consacré à la sous région Ouest Africaine.
Mesdames et Messieurs,
Il est important d’analyser nos similitudes historiques, sociales et économiques pour créer ensemble face à la mondialisation un avenir du Développement Sud-Sud avec un leadership indo- africain.
Ainsi lors de cette rencontre destinée à partager les expériences et les réflexions sur les partenariats à envisager entre notre continent et l’Inde, nous devons inscrire ces partenariats sous le signe de la confiance, du pragmatisme dans les approches du mode opérationnel et la célérité dans l’action.
A ce titre il est impératif de revoir les mécanismes de mise en oeuvre des lignes de Crédit indienne pour réduire les délais de la mise en œuvre des projets.
Il convient également d’harmoniser les conditions de financement d’origine indienne avec celles du FMI et de la Banque Mondiale pour tenir compte des exigences des programmes d’ajustement auxquels la plupart de nos Etats sont assujettis.
Il est tout aussi souhaitable que les outils financiers de Développement s’adaptent aux exigences d’intégration régionale pour faire face aux besoins d’infrastructures du Continent.
Comme vous le savez, je suis en charge des Investissements et des Partenariats Public-Privé en Guinée mon pays, vous comprendrez donc que je souligne que le Partenariat public -Privé est d’un intérêt cardinal pour le continent africain de manière générale et pour l’Afrique de l’Ouest en particulier.
En effet le PPP apparaît comme une des meilleures réponses à la problématique du Développement du Continent.
Notre conviction est qu’il faut y voir une opportunité, pour les investisseurs privés Indiens Et Africains comme pour les pouvoirs publics, de faire des PPP un vecteur puissant de dynamisme économique pour une prospérité partagée.
Nous pouvons constater que l’Afrique n’a pas pu atteindre ses objectifs du millénaire pour le développement (OMD), précisément en raison du manque de financement.
En effet, l’un des axes majeurs de ces objectifs du millénaire portait sur la réduction de moitié de l’extrême pauvreté dans le monde à l’horizon 2015.
Le constat, a posteriori, pour le continent africain, a été quelque peu décevant. Si ailleurs dans le monde cet objectif a été effectivement atteint, notamment ici en Asie, L’Afrique n’a pas comblé les attentes.
Selon la Conférence des nations unies pour le commerce et le développement, la CNUCED, le niveau des investissements requis devraient être d’au moins 25% des budgets nationaux. Seule une dizaine de pays africains, dont la Guinée, mon pays, continue de consentir un tel effort d’investissement.
En effet, conséquence de la crise de la dette des années 1980, les investissements publics ont suivi une tendance baissière sur l’ensemble du continent africain, passant du niveau record de 11,5% en 1982 à 5% de PIB environ en 2012.
– Pour les économies avancées, un tel niveau serait très apprécié.
– Pour les économies en développement comme les nôtres, cependant, un tel niveau d’investissement reste faible, considérant les défis à relever.
Il y a donc nécessité de recourir à des instruments de financement innovants, à même de suppléer aux insuffisances des ressources traditionnelles que sont les budgets des États et l’aide publique au développement (APD).
C’est en cela que le recours aux Partenariats Public-Privé se justifie pleinement.
Faut-il rappeler que depuis la crise de l’endettement des années 1980, la logique de stabilisation macroéconomique, notamment l’assainissement des comptes publics, a constitué l’objectif principal des politiques économiques menées dans nos Etats, au détriment donc de l’investissement, qui, on le sait, est fondamental pour la croissance économique.
Mesdames et Messieurs, chers invités,
Prenant la mesure des défis qui se posent ainsi à l’Afrique pour son développement en infrastructures, le leadership politique africain s’est engagé à juste titre dans une vision panafricaine du développement, à l’occasion du Jubilé d’Or de l’Union Africaine en 2013. L’Agenda 2063, qui vise une transformation structurelle de l’économie Africaine est l’expression même de cette volonté politique commune.
Cet agenda confirme notamment la priorité accordée aux infrastructures, conformément aux orientations définies par le NEPAD, le Nouveau Partenariat Pour le Développement de l’Afrique, qui comporte un Programme des Infrastructures de Développement en Afrique, le PIDA en abrégé.
Le PIDA, en guise de rappel , porte sur quatre axes prioritaires :
- l’amélioration des infrastructures de transports, routières, portuaires et ferroviaires ;
- le développement des infrastructures énergétiques, nationales et sous régionales ;
– l’amélioration de la connectivité numérique;
– et enfin la gestion partagée des eaux transfrontalières, illustrée par l’exemple du fleuve Sénégal, que la Guinée a en commun avec le Mali, le Sénégal et la Mauritanie.
Mesdames et Messieurs, chers invités,
En évoquant les grandes lignes de cet agenda de développement économique, je voudrais souligner l’important besoin de financement que requiert sa mise en oeuvre, pour notre continent dans son ensemble et plus particulièrement pour l’Afrique de l’Ouest, mais aussi mettre en relief les opportunités qu’il offre au secteur privé international et plus particulièrement à vous secteur privé de ce Pays exceptionnel qu’est le votre l’Inde.
Votre pays est aujourd’hui cité en exemple pour le rythme de son Développement économique et industriel, avec une croissance soutenue depuis plus d’un quart de siècle.
Pour exemples:
– Vous avez amélioré vos infrastructures, l’éducation est au centre de Votre Développement, ainsi vous êtes devenu un pays expert en Nouvelles Technologies, vos ingénieurs sont les princes de laSilicon Valey,
– vous avez transformé Votre agriculture tout en permettant l’auto-emploi dans les zones rurales.
C’est ce que nous ambitionnons nous aussi.
Réussir en Afrique comme vous en nous reposant sur le modèle PPP.
Les besoins de l’Afrique en infrastructures concernent l’ensemble de l’économie, en particulier les secteurs de l’énergie, les routes, les télécommunications et le management des ressources en eau.
La Banque mondiale, à travers le Diagnostic National des Infrastructures Africaines (AICD) estime à 93 Mds$ par an le niveau des financements requis. Sachant que les financements actuellement mobiliséss’élèvent à 43 Mds$, soit un gap annuel de 50 Mds$.
Selon les estimations disponibles, ce gap financier affecterait négativement le potentiel de croissance économique du continent à hauteur de 2%, limitant ainsi la productivité du secteur privé africain.
Vous l’aurez compris, l’indisponibilité des financements constitue un frein au développement de l’Afrique. Et c’est en cela que le mode de financement PPP trouve toute sa justification, en ce qu’il apporte une réponse appropriée à l’insuffisance des ressources d’investissement public et de l’aide publique au développement.
L’Afrique entend faire de ce handicap une opportunité qui mobiliserait le secteur privé pour la réalisation des infrastructures.
Les 16 projets identifiés dans le PIDA relèvent tous du secteur marchand. Aussi leur réalisation offre-t-elle la possibilité de bâtir des PPPviables, et d’impulser ainsi une dynamique de croissance des économies africaines et des relations Economique Indo-Africaine.
Je voudrais insister ici sur l’ambition africaine d’une croissance inclusive.
La réalisation d’un tel défis appelle une transformation de la structure même des systèmes productifs du continent africain, comme vous l’avez réussi en Inde.
L’investissement est le principal moteur de la croissance. Les économistes s’accordent aujourd’hui sur le constat que la reprise perceptible dans la plupart des régions économiques n’a pas d’incidence notable sur les populations, ni en termes de réduction de la pauvreté et des inégalités, ni du point de vue de la création d’emplois.
Nous sommes en face de ce que les anglo-saxons qualifient de joblessrecovery.
Pour les économies africaines, les infrastructures de base sont essentielles à la création d’emplois décents et à la réduction de la pauvreté. Elles sont tout aussi essentielles à une croissance véritablement inclusive.
Mesdames et Messieurs, distingués invités,
Nos populations, jeunes et connectées, sont devenues plus exigeantes. La réalité de nos succès économiques, faute d’avoir favorisé une croissance inclusive, n’a pas permis d’opérer un véritable changement de paradigme. Si nous voulons renforcer la confiance dans la conduite des affaires publiques économiques, il apparaît impératif de faire de cette problématique la clé de voûte de notre action.
Pour relever ce défi, il est crucial que les Etats africains entreprennent et poursuivent les reformes de structure, afin d’établir un cadre législatif et réglementaire structuré et transparent, susceptible de favoriser l’implication du secteur privé et de garantir un meilleur environnement des affaires.
Vous me permettrez, à ce titre, de partager l’expérience guinéenne en la matière, qui produit déjà des résultats encourageants.
Depuis l’élection du Professeur Alpha Condé à la magistrature suprême, la Guinée a amélioré de façon remarquable son environnement des affaires, en entreprenant une série de réformes, dont les effets sont salués par la communauté des investisseurs, et se traduisent par une croissance de plus en plus forte (environ 7%).
L’environnent institutionnel a été renforcé par la mise en place d’un Conseil présidentiel des investissements et des partenariats public-privé, l’établissement d’un guichet unique de l’investisseur pour faciliter les formalités liées à la création d’entreprises en 48hrs (avec la digitalisation, la création d’entreprise se fera d’ici la fin de l’année 2018 en 24hrs), la redynamisation et digitalisation des services de l’agence de promotion des investissements privés (APIP), la création d’une cellule en charge des contrats PPP, ainsi que la création d’un tribunalde commerce.
De même, le dispositif législatif a été ajusté, avec l’adoption d’un nouveau code des investissements, d’un nouveau code minier, d’une loi anti-corruption, et enfin d’une loi spécifique sur les partenariats public-privé.
Cette loi sur les PPP date du 4 juillet 2017(promulguée en octobre 2017). Elle vient moderniser l’arsenal juridique national en la matière, en l’alignant sur les meilleures pratiques internationales. Cette loi, au champ d’application large, porte un certain nombre d’innovations : la qualification juridique des PPP est posée ; tous les secteurs économiques sont concernés, même si des exceptions sont prévues pour les secteurs miniers et pétroliers ; une Unité PPP et un Comité PPP sont créés pour concevoir et mettre en œuvre la politique publique en matière de PPP, en concertation étroite avec les acteurs privés ; les procédures de passation des marchés PPP sont précises.
La nouvelle politique PPP prévoit enfin un régime fiscal et douanier favorable aux investisseurs, notamment des garanties découlant de la règlementation des changes et du code des investissements.
Outre ce dispositif institutionnel, législatif et règlementaire, un cadre de dialogue public-privé, le Guinée Business Forum, a été mis en place en décembre 2017, en vue de promouvoir la concertation entre pouvoirs publics et opérateurs économiques sur les questions relatives à l’amélioration du climat des affaires et l’accompagnement des projets et opportunités d’investissement.
Les différentes réformes engagées ont permis de stabiliser significativement l’environnement macroéconomique, avec notamment une dette publique et une inflation maîtrisées.
Elles ont également permis de relancer notre secteur minier, la Guinée étant aujourd’hui un acteur de tout premier plan sur les marchés mondiaux de la bauxite et de l’alumine, et bientôt, nous l’espérons, du fer, dont nous détenons les plus importantes réserves non encore exploitées au monde.
Nos performances dans la conduite des réformes ont par ailleurs payé en termes de taux de croissance (7%) et de renforcement de l’attractivité économique de la Guinée.
– Nous venons en 2017 de gagner dix places au classement Doing Business de la Banque mondiale.
– Le Forum sur la compétitivité des investissements, une nouvelle structure de la Banque mondiale, a par ailleurs reconnu l’an dernier la Guinée comme étant l’un des cinq pays les plus réformateurs au monde.
Les résultats du Groupe consultatif pour la Guinée en novembre 2017 à Paris, a permis de mobiliser 21 milliards USD, de même que le partenariat stratégique que nous avons conclu en septembre dernier avec le Gouvernement chinois nous assure 20 milliards USDd’investissements, ces évolutions témoignant de développements très positifs pour l’économie guinéenne.
Chers amis,
La délégation guinéenne ici présente se tient à votre disposition, à noter qu’un Stand Guinée est ouvert dans la salle d’exposition du Conclave, pour vous faire connaitre les opportunités d’affaires offertes par notre pays, en particulier dans le cadre du Plan national de développement économique et social (PNDES).
A titre d’illustration, de nombreux projets de PPP ont déjà été conduits avec succès en Guinée, portant sur les infrastructures portuaires, aéroportuaires, mais aussi énergétiques.
Il est utile d’évoquer en particulier le projet de barrage hydroélectrique de SOUAPITI. Ce projet en cours de réalisation est sans doute le plus grand projet de PPP dans la sous-région ouest africaine, et peut-être aussi le plus complexe en termes de montage financier. Ce projet vise à doter la Guinée d’une capacité de production de 550 Mégawatt, pour un coût de financement de 1,5 milliard de dollars.
Mesdames et Messieurs, chers invités,
Il me faut insister sur les infrastructures concernant le secteur de l’énergie.
Le potentiel énergétique de l’Afrique reste largement inexploité. Seules 7% des capacités hydroélectriques et moins de 1% des capacités géothermiques africaines sont exploitées. L’Afrique a le plus faible niveau d’électrification au monde, avec seulement un tiers de la population ayant un accès régulier à l’électricité. En Guinée, il s’agit d’un quart de la population. L’Espagne à elle seule produit plus d’électricité que toute l’Afrique sub-saharienne (en excluant l’Afrique du Sud).
Il y a lieu de saluer l’Initiative Africaine pour les Énergies Renouvelables, lancée en 2015 à l’occasion de la COP21 à Paris, simultanément à l’Alliance Solaire Internationale (ISA) initié par l’Inde.
Cette initiative, portée par le Président de la République de Guinée, qui est aujourd’hui le Président Coordinateur en charge des Énergies Renouvelables pour l’ensemble du Continent Africain a déjà mobilisé une première tranche d’investissements de 4 Mds€, destinés au financement de Projets d’ici à 2020, les 25 premiers projets identifiés sur notre continent sont déjà en cours.
J’insiste sur le secteur énergétique parce qu’il est, comme celui des télécommunications, intensif en capital, et qu’il présente des taux de profit plus élevés, de l’ordre de 18 %.
Voilà donc un secteur où l’approche PPP est indiscutablement pertinente. L’amplification du recours au PPP dans ce domaine peut rapidement être mise à profit pour traiter de manière tout aussi pertinente la problématique du déficit énergétique de l’Afrique, tout en garantissant au secteur privé des niveaux de profit élevés.
Mesdames et Messieurs, distingués invités,
Je ne saurais conclure sans proposer
que La réflexion soit approfondie sur certaines de nos interrogations :
suivant quels voies et moyens serait-il possible de concevoir de façon optimale l’intégration de la femme et son rôle dans le Développement de nos économies et de notre partenariat.
comment permettre des financements rapides mais rigoureux pour voir réussir le secteur privé Indien et Africain, dans une approche PPP ?
Comment l’Inde peut-elle appuyer le renforcement du capital humain en Afrique à l’instar de son expertise, Pour permettre d’accélérer le Développement Economique et sociale Et particulièrement la valorisation de la jeunesse Africaine ?
Comment l’Inde pourrait elle envisager des solutions urgentes pour lever les contraintes de transport aérien et maritime frein au Développement du commerce et des Investissements avec l’Afrique ?
A mon avis, » le boom économique » prévu pour l’Afrique » ne saurait s’inscrire réellement dans la dimension Sus-Sud souhaitée par nos Etats respectifs, que si les financements s’adaptent pas à l’urgence des situations.
C’est sur ces pistes de réflexions que je souhaiterais, Mesdames et Messieurs, chers invités, conclure mon propos.
Je vous remercie.