Les artisans du centre d’exposition artisanale de N’Zérékoré sont désorientés. Construit sous le règne d’Alpha Condé à l’occasion des fêtes tournantes, ce centre est occupé gratuitement par les artisans depuis son inauguration. Avec l’arrivée du régime militaire dirigé par le général Mamadi Doumbouya, les artisans sont sommés de payer la location des différentes cases du centre sous peine d’être expulsés. Ces informations proviennent de plusieurs artisans ayant requis l’anonymat par crainte d’intimidation de la part des responsables du centre.
C’est l’ONPA (Office National de Promotion de l’Artisanat) qui impose cette décision. Les artisans expriment leur désarroi face à cette situation et déclarent qu’ils sont contraints de signer des contrats qui leur sont présentés par les responsables de l’ONPA.
Selon eux, privatiser le centre en ce moment n’est pas opportun vu la conjoncture économique du pays. Ils soulignent l’instabilité politique qui dissuaderait les investisseurs dans ce secteur et la faible affluence touristique, qui constitue leur clientèle potentielle.
« Nous ne pouvons pas compter sur l’État. Nous devons nous en remettre à nous-mêmes car nous n’avons aucun espoir. Aujourd’hui, il n’y a aucune promotion ni aucun tourisme. Malgré cette situation, on nous demande de commencer à payer les loyers des boutiques. Nous n’avons pas le choix, nous paierons, mais comment pouvons-nous payer sans clients ? Nous avons toujours été nourris par l’espoir, sinon personne ne serait ici. Imaginez, le gouvernement d’Alpha Condé a investi des milliards de francs guinéens dans cette construction alors que nous n’arrivons même pas à obtenir un financement pour nos œuvres depuis dix ans. Nous sommes toujours là. Je n’ai aucun message à adresser au gouvernement guinéen pour l’instant. Ceux qui sont venus pour collecter les loyers ne sont pas venus par hasard.
C’est l’État qui les a envoyés. Il s’agit de l’Office National de la Promotion de l’Artisanat (ONPA). Nous sommes contraints de payer, sinon on nous oblige à quitter le centre parce que c’est pour eux. Il y a du business ou pas, ce n’est pas leur problème. Avec cette catastrophe que nous vivons maintenant, on va demander aux artisans de payer le loyer alors qu’on ne vend même pas une pièce dans le mois », a déploré un artisan sous le sceau de l’anonymat.
« Ce n’est pas ce que Bill de Sam nous a promis. Quand il est venu, il nous a promis la promotion et le développement de l’art, pas le paiement du centre. Mais rien n’est encore fait. Pas de promotion, pas de vente, rien. Ils ne savent même pas s’ils peuvent avoir deux touristes par an. Comment va-t-on payer le centre?
C’est à ce moment que nous avons reçu notre papier de contrat. Nous avons accepté en attendant de voir. Si ça marche, on paie et si ça ne marche pas, on sera obligé de quitter. Je ne peux pas vous dire le vrai secret de notre survie ici parce que vous n’allez pas croire, tellement que l’on souffre. Mais c’est ce qu’on a appris et nous aimons ce que nous faisons », a-t-il laissé entendre.
Même son de cloche chez cet autre artisan qui ne sait pas à quel saint se vouer. « C’est après l’arrêté du ministre qui vient de partir (Alpha Soumah) qui avait dit que les cases devraient être désormais payées par les occupants. Mais, il n’avait pas déterminé le moment où on devrait commencer à payer. C’est l’ONPA qui gère maintenant le centre. Ils ont dit qu’ils vont organiser de telle sorte qu’il y aura un comité de gestion et que ce comité en collaboration avec le chef de centre, le représentant de l’ONPA doivent gérer. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. L’ONPA a pris la décision qu’à partir de maintenant, nous devons payer. Nous avons demandé une doléance à Mme la directrice nationale en lui signifiant que rien ne marche actuellement. Ils nous ont demandé combien on peut payer, on leur a dit que nous pouvions payer 200 000 GNF par case puisqu’ils avaient proposé 300 000 GNF. Mais dans la situation dans laquelle nous vivons aujourd’hui, rien ne marche. C’est pourquoi nous avons fait une doléance auprès de la directrice de nous aider jusqu’à la fin de la transition. Nous ne refusons pas de payer. Parce que nos partenaires étrangers, nos clients qui venaient de la Côte d’Ivoire, de l’intérieur comme de l’extérieur, tout est bloqué pour le moment. Rien ne marche. Ils ont dit niet qu’il faut que les cases soient payées. Ils ont fait les fiches de contrat qu’on nous demande de signer. Que celui qui ne veut pas payer n’a qu’à libérer la case », a expliqué notre source.
Interrogé sur la situation, le représentant de l’ONPA Joachin Théa, est revenu sur la genèse de l’initiative : « Nous avons reçu l’arrêté du ministre de la Culture qui date du 18 janvier 2023, dans cet arrêté il est dit que l’ONPA doit dorénavant verser des recettes au niveau du trésor. Vu que le Gouvernement a investi dans la rénovation des centres artisanaux, il a été demandé à l’ONPA de donner les recettes. C’est ainsi que l’initiative est partie pour le paiement des cases d’exposition occupées par les artisans. Ces derniers ont dit que ce n’est pas facile pour le moment. On a attendu jusqu’à la fin des activités de rénovation. Nous avons dit que chaque case doit payer 500 mille à raison de trois artisans par case. Mais ils sont nombreux ici. Donc l’ONFP a dit cinq personnes à 500 mille. L’ONPA est revenu leur demander ce qu’ils peuvent payer. Ils ont dit 100 mille par personne deux occupants par case. Donc chaque case doit payer 200 mille par mois. Ce qui ne couvre même pas les dépenses du centre mais l’ONPA a accepté. On doit tirer le courant qui nous coûte près de 40 millions. Ce montant est même insignifiant parce que le personnel doit être payé dans ça, le centre doit être animé aussi en créant un site pour la promotion de l’artisanat. »