Si la sculpture était considérée avant comme un métier rentable, aujourd’hui, c’est le contraire, notamment à N’Zérékoré, la capitale forestière où les sculpteurs rencontrent assez de difficultés dans l’exercice de leur métier. Des difficultés dues au manque de clientèle pour l’écoulement de leurs œuvres d’art. Une situation qui représente un véritable casse-tête pour ces artisans. Et qui pousse certains d’ailleurs à jeter carrément l’éponge. Rencontrés à la maison artisanale de N’Zérékoré, certains pratiquants de ce métier ont ressassé quelques-uns des calvaires auxquels ils sont confrontés dans leur quotidien.
C’est le cas de Lancinè Camara, alias Farafina qui explique pourquoi il a choisi la sculpture, un métier qui ne nourrit plus son homme.
« C’est l’amour de l’art qui a fait que j’ai choisi ce métier. Parce que mon grand-père était un tisserand donc à partir de là, j’ai compris que l’art est quelque chose dont j’ai hérité, surtout que l’art est un élément important dans la culture africaine c’est ainsi que j’ai opté pour la sculpture. C’est la créativité, c’est un métier noble », a-t-il expliqué avant de ressasser quelques difficultés auxquelles ils sont confrontés, dans la ville de N’Zérékoré.
« Actuellement nous avons assez de difficultés. Comme la clientèle par exemple. Depuis l’apparition de la covid-19, jusqu’à présent les activités sont paralysées à notre niveau. Ce n’est pas du tout facile. Ça fait que plusieurs artisans sculpteurs ont jeté l’éponge parce qu’on ne peut pas travailler pour ne rien avoir. Il n’y a presque rien dans le centre d’exposition artisanale de N’Zérékoré. Moi, ma vie est collée à l’art, c’est la raison pour laquelle je suis encore là. J’ai fait 18 ans dans ce métier. Vous savez que nos matières premières c’est principalement le bois mais compte tenu de la situation actuelle, il n’est pas facile d’avoir le bois. On est obligé d’évoluer en dents de scie », a-t-il indiqué, tout en précisant que sa source d’inspiration.
Même son de cloche chez cet autre sculpteur rencontré aussi au centre d’exposition artisanale de N’Zérékoré.
« J’ai grandi avec ce travail de sculpteur. C’est une partie de moi. Mais le problème est que nous rencontrons beaucoup de difficultés. Nous travaillons pour nous-même et tout ce qu’on fait c’est par nos propres moyens. Nous n’avons aucune aide. Pour gagner les matériels ce n’est pas facile pour nous. J’essaie de joindre les deux bouts et j’espère que ça ira un jour », espère Me Sidiki Traoré qui a intégré le centre d’exposition artisanal depuis son inauguration.
« J’étais ici bien avant la construction du centre d’exposition artisanal. On ne nous a pas imposé de payer la location mais c’est nous qui faisons les entretiens de la cour et quelques petites dépenses. C’est nous qui payions les gardiens avant. C’est récemment que l’Etat a pris la paye des gardiens en charge, sans quoi on ne pourra pas continuer parce que sans le tourisme ça ne marche pas », a-t-il mentionné.
Poursuivant, il indique que le ministère de tutelle a promis de mettre le cap sur la situation du centre qui se trouve aujourd’hui quasiment abandonné par les artistes.
« Le ministère de la Culture lors de son passage dans la région, nous a promis beaucoup de choses. On vient d’avoir un nouveau directeur du centre qu’on n’avait même pas . On était lié au bureau préfectoral mais qui ne faisait rien absolument. Mais avec l’arrivée du nouveau directeur du centre, même si rien n’est fait pour le moment, ils nous ont promis de faire chose comme la rénovation du centre. On garde notre mal en patience puisqu’on a l’espoir que ça finira par changer », a dit Sidiki Traoré.
Pour ces sculpteurs, chaque œuvre d’art incarne une valeur culturelle et une utilité. Le Limba baga, le Matcholi et le Massagui au pays toma en sont des illustrations parfaites.
« Le Limba Baga, c’est la déesse de la fécondité. Il était représenté sur les billets de 5000 GNF, Le roi de la culture Toma ou protecteur du royaume Toma appelé Massagui. Si un Toma jure sur le Massagui, ce qui veut dire qu’il tiendra à cette chose jusqu’au bout. Il sortait une fois par an lors de la prise des grandes décisions ou les grandes festivités au cours desquelles le roi sort avec son épouse. Le Matcholi est quant à lui, le protecteur de la pêche. C’est pour les peuples vivant au bord de la mer. C’est une boussole qu’on posait sur la pirogue qui permet de les diriger vers la bonne direction », a précisé Sidiki Traoré.
Pour le rayonnement de leur métier, ces artisans sollicitent l’aide du gouvernement.
Mais si rien n’est fait pour la promotion de la sculpture dans la préfecture de N’Zérékoré, elle risque de disparaître au grand dam des professionnels de ce métier.