C’est un drame qui continue de garder ses mystères. Jusqu’ à ce jour, le nombre de combattants et l’armement, engloutis sous les eaux du Tinguilinta (Rio Nunez), lorsque leur bateau a chaviré, reste encore inconnu. C’est un devoir de faire un retour sur ce désastre qui a coûté la vie à de vaillants soldats, en 1974.
Ils seraient près de deux cents combattants de l’armée de libération du PAIGC (Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap Vert) à avoir péri dans ce désastre. Ils partaient, avons-nous appris, au front en Guinée-Bissau, encore sous domination portugaise.
C’est du camp d’infanterie de Boké que sont partis, jusqu’à la victoire finale, les assauts constants et décisifs menés, pour la libération de la Guinée-Bissau, Dans cette guerre pour l’émancipation de ce pays voisin et frère et jusqu’à la proclamation de son indépendance, le 24 septembre 1974, les combattants du PAIGC ont bénéficié de l’appui total et sans réserve, des forces armées de notre pays. Nos soldats n’ont pas hésité à consentir jusqu’au sacrifice ultime. Ils ont versé leur sang pour cet idéal de liberté et de panafricanisme. Bon nombre de ces soldats, tombés au champ d’honneur, reposent désormais au secteur Tamakènè, dans le quartier Baralandé, où une place des Martyrs est érigée en leur mémoire.
Mamadouba Tawel Camara, le maire de la commune urbaine de Boké, se souvient : « J’étais très jeune à l’époque, quand cette tragédie est survenue sur le Rio Nunez. C’est un bateau de l’armée de libération du PAIGC avec plus d’une centaine de soldats en partance pour le front en Guinée Bissau qui a chaviré, juste après son départ du port. Après tant d’années, il faut bien admettre que les circonstances réelles de ce douloureux évènement s’estompent peu à peu, cédant la place à l’approximation ou au mythe. C’est ainsi qu’ on n’est plus absolument sûr de l’exactitude des faits rapportés. On apprend que le commandant du navire avait oublié de lever l’ancre à l’arrière, au départ du port. Tout l’effectif à bord ou presque, a péri, englouti sous les eaux du fleuve Tinguilinta, appelé aussi, Rio Nunez. Ils étaient nombreux à se trouver dans la cale du navire, ce qui a, sans doute, rendu difficile leur extraction rapide et contribué à les noyer. Une scène d’apocalypse ! Nous avons vu des militaires guinéens repêcher sans arrêt, des corps de combattants du PAIGC, qui ont été enterrés à Tamakenè. Il y a beaucoup de fosses communes là-bas. Ce jour-là était vraiment un grand jour ! Tout le monde s’est rendu au port et c’était vraiment triste. Le PAIGC avait deux bases à Boké. Leurs hôpitaux se trouvaient au terrain qu’on aperçoit là-bas, (actuel stade du 1er Mai, situé au quartier Koulifanya », explique le maire, d’une voix émue.
A chaque commémoration de la date anniversaire de la création de l’armée guinéenne, les forces de défense et de sécurité viennent se recueillir devant ce monument.
A noter aussi , dans le même registre de la lutte contre la domination coloniale, que certains canons qui ont servi à la riposte de nos forces armées contre l’agression portugaise de 1970, tiennent encore debout, à la rentrée du Camp Kwame N’Nkrumah de Boké.