« Je suis très révolté par le fait qu’au lieu que le gouvernement ne cherche à découvrir la vérité et punir les coupables, il cherche plutôt à sanctionner ceux qui ont fait des révélations en décidant de saisir la Haute Autorité de la Communication (HAC) comme si celle-ci était devenue un instrument de lutte contre le changement. Nous allons nous opposer à toute velléité du statu quo, à toute solidarité dans le mal. Nous voulons le changement »
Suite aux révélations de Guinennews d’un présumé détournement de plus de 200 milliards GNF par la ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Zeinab Nabaya Dramé, le gouvernement a qualifié cela d’« informations diffamatoires sans moindre preuves. » Une attitude qui, au lieu de remonter le moral de Zeinab pour cette solidarité gouvernementale, risque de produire des effets contraires ébranlant tout le gouvernement.
Joint au téléphone, Mamady Kaba, ancien président de l’Institution nationale indépendante des droits humains (INIDH) se dit très révolté par cette solidarité du gouvernement : « Je suis très révolté ce matin parce que j’ai appris que le gouvernement s’est saisi de la publication faite par Guineenews sur un détournement de fonds par de hauts responsables d’Etat. Je m’attendais à ce que le gouvernement annonce qu’il allait travailler à faire la lumière sur cette situation là afin que le changement qui a été promis par le président de la République soit une réalité en termes de lutte contre la corruption. Maintenant, je suis très révolté par le fait qu’au lieu que le gouvernement ne cherche à découvrir la vérité et punir les coupables, il cherche plutôt à sanctionner ceux qui ont fait des révélations en décidant de saisir la Haute Autorité de la Communication (HAC) comme si celle-ci était devenue un instrument de lutte contre le changement. »
Le président de la Ligue pour les droits et la démocratie en Afrique (LIDDA) dit détenir en sa possession les mêmes informations publiées par Guinéenews et affirme qu’il en a d’autres plus accablantes : « J’ai même les informations que Guineenews a publiées et j’ai d’autres informations plus sérieuses allant dans ce sens. »
Mamady Kaba dit qu’il s’opposera à toute solidarité dans le mal : « Nous allons nous opposer à toute velléité du statu quo, à toute solidarité dans le mal. Nous voulons le changement, nous voulons la lutte contre la corruption et nous allons l’obtenir grâce à la mobilisation. Peut-être que nous serons tous en prison, mais nous n’accepterons pas que l’essentiel des richesses produites par l’Etat soit reparti entre des clans. »
La Guinée a d’énormes richesses naturelles mais sa population reste très pauvre. Selon le président de la LIDDA, cela est dû aux détournements des deniers publics : « Nous voulons désormais que c’est le peuple qui profite des richesses créées par l’Etat. Et toute personne, quelle soit sa personnalité, quelle que soit son obédience qui va travailler à s’accaparer les biens de l’Etat devra payer très cher afin que désormais toutes les richesses créées par l’Etat soient reparties entre les populations. Si les richesses produites par l’Etat guinéen aujourd’hui étaient correctement gérées, je vous assure que la Guinée n’aurait pas besoin de tendre la main à qui que ce soit pour son budget. Elle aurait les moyens de ses ambitions. Mais ce sont les individus qui s’accaparent les richesses créées par l’Etat. »
Pour lutter contre la corruption et le détournement des fonds publics, Mamady Kaba pense qu’il faut que la presse soit encouragée à s’impliquer dans l’investigation, mais aussi que les mis en causes dans des cas de détournements répondent de leurs actes : « Nous voulons désormais que toute révélation faite dans la presse soit prise au sérieux par le gouvernement et que des mesures soient prises pour faire toute la lumière. S’il y a des coupables, que ceux-ci soient punis. Je pense que ce n’est pas celui qui a fait des révélations de payer le prix de ses révélations à la place de celui qui est accusé d’avoir commis des crimes contre l’Etat. Je pense que les sanctions doivent cibler les auteurs des crimes et non pas ceux qui font des révélations. Il n’y a pas une lutte contre la corruption sans que des journalistes d’investigation soient encouragés. Je pense que la presse doit être encouragée à mener des investigations. »
Après la proclamation des résultats définitifs de la présidentielle du 18 octobre par la Cour constitutionnelle le 7 novembre 2020, le président Alpha Condé a promis de lutter contre la corruption. Mais avec la réaction du gouvernement, tout laisse croire que cette promesse n’en restera qu’une. Et M. Kaba pense que le président est mal entouré : « Cela montre que le président ne réussira pas la lutte contre la corruption avec à son entourage des personnes opposées au changement, des personnes qui pensent que leurs intérêts sont au-dessus des intérêts généreux. »
Dans son communiqué du jeudi 26 novembre, le gouvernement a demandé à la HAC de « veiller à l’application des règles d’éthiques et de déontologie ainsi qu’au respect des dispositions pertinentes de la Loi sur la liberté de la presse ». Une façon pour lui de demander à la HAC de sévir contre tout média qui cherchera à fouiner dans ses affaires. Mais là aussi, Mamady Kaba rappelle que les institutions ne doivent pas être des instruments de consolidation de la solidarité dans le mal : « Les institutions de la République ont pour mission de contribuer à l’encrage démocratique et à l’Etat de droit. Elles n’ont pas vocation à servir d’instruments de règlement de compte ou d’instruments de consolidation de la solidarité dans le mal. »
Plus loin, il prévient la HAC contre toute complaisance : « Si jamais la HAC s’hasardait à prendre des décisions de complaisance contre des journalistes pour servir les intérêts des clans, nous allons demander que tout le peuple et toute la presse s’engagent dans une dynamique de déchéance à son égard. Nous allons déclarer la guerre à la HAC et nous allons demander sa dissolution. »