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Mort de Giscard D’Estaing : ce qu’il faut retenir de l’arrivée de ce grand artisan de la réconciliation franco-guinéenne à Conakry, Labé et Faranah

C’est avec émotion que nous apprenons le décès de Valéry Giscard d’Estaing, ancien président de la République française. Il est mort du Coronavirus, à l’âge de 94 ans. Ce président qui est arrivé au pouvoir en 1974, à 48 ans, aura initié pendant son septennat, l’unique qu’il ait fait, des réformes novatrices de la vie sociale et politique française. Il était perçu comme un visionnaire, un jeune technicien, dynamique et moderne aux idées libérales.

Certains faits marquants, tant en France, qu’en direction de l’Afrique, l’Europe ou le monde arabe, le prouvent aisément. En termes de réformes entreprises ou réussies, l’on peut citer la protection de la femme à travers la création d’un secrétariat d’Etat à la condition féminine et la légalisation de l’avortement. L’on notera également sa contribution effective à la construction de l’Europe en tandem avec son homologue allemand Helmut Schmidt. Quant au monde arabe, les rapports sont surtout mis au compte de la realpolitik qui visait à garantir à son pays un approvisionnement correct en pétrole.

Le fait de déboulonner Jacques Foccart de son piédestal de ‘’Monsieur Afrique’’ de l’Elysée a été un signal fort envoyé en direction du continent, notamment dans la zone d’influence française. Par ce geste, il a supprimé, sinon atténué les effets nuisibles d’un symbole rétrograde de triste mémoire, appelé la françafrique. Une institution de l’ombre, hermétiquement close, connue pour ses grenouillages infinis destinés à déstabiliser les états jugés indociles par le maître colon reconverti en partenaire sourcilleux, paternaliste et pilleur de ressources.

Valéry Giscard d’Estaing est cité comme le premier chef de l’exécutif français à visiter en 1975, l’Algérie qui sortait à peine de sa guerre d’indépendance.  En plus nuancé, on évoque sa politique menée dans maints autres pays africains où guerre et paix ont souvent alterné. Au Zaïre, avec l’intervention armée à Kolwezi pour la libération d’otages européens, au Tchad avec moult rebellions et surtout en Centrafrique où sa passion pour la chasse au gros gibier et ses accointances avec le maréchal et empereur Jean Bedel Bokassa, personnage fantasque et controversé, ont conduit à la révélation par le ‘’Canard enchaîné’’ du fameux dossier des « diamants de Bokassa. » Une affaire autant sulfureuse que gênante, jamais élucidée pour de bon et qui a été pour lui un vrai boulet aux pieds, des années durant.

A l’échelle de notre pays, nous dirons qu’il a fallu une réelle détermination des deux dirigeants français et guinéen de l’époque pour aboutir à la reprise sincère et totale des relations entre nos deux États.

Après les énormes contentieux cumulés depuis le fameux ‘’NON’’ du 28 septembre 1958, toutes les misères subies : déstabilisations, privations, dénigrements, étouffements, après dix-neuf ans de brouille totale, les choses ne se présentaient pas sous de meilleurs auspices. Il fallait vaincre ces préjugés qui sont autant d’obstacles à la réunification. Il fallait surtout de la résilience pour amorcer le dialogue et renouer les liens historiques passés.  Il fallait dompter les égos, refréner les doutes et les rancœurs, fonder l’espoir en un avenir commun de coopération nouvelle, égalitaire et mutuellement avantageuse. Il fallait tout ça. Il fallait beaucoup ! Notre pays y croyait déjà.

Pour preuve, l’année d’avant, au moment du sacre du triplé du Hafia football club au stade du 28 septembre, le Président Ahmed Sékou Touré avait lancé l’idée de la reprise de nos relations avec la France et nos deux voisins, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Et il a tenu parole ! Les historiens en témoignent mieux que nous.

L’arrivée du Président Giscard D’Estaing dans notre pays a été célébrée avec éclat, tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays. Partout, les populations semblaient émerveillées comme si, par analogie, elles associaient cette visite à l’idée du retour de quelqu’un qu’elles ont longtemps pratiquées avant d’en être séparées par une longue brouille parsemée de remous incessants qu’elles croyaient à jamais insurmontables. Et elles acceptaient ainsi, librement et sans aucun complexe, de renouer avec l’ancienne métropole.

En dehors du caractère festif et des discours qui ont meublé ce séjour historique, quelques faits et événements symboliques ont retenu notre attention.

Ce sont, entre autres, l’atterrissage du Concorde à Conakry. Cet avion mythique et extraordinaire, sans doute le plus grand et le plus rapide de son époque, avait impressionné tous ceux qui l’ont vu.  Le baptême de l’université de Faranah du prestigieux nom de l’illustre hôte, polytechnicien et énarque français de bonne réputation.  La nomination de monsieur André Lewin au poste d’ambassadeur de France en Guinée. Un diplomate chevronné qui a concouru pleinement à asseoir une réelle coopération basée sur une amitié sincère et une confiance mutuelle entre nos deux pays.

Et pour finir, le geste du Président Ahmed Sékou Touré qui avait surpris tout le monde à Labé. Avec la réactivité et le sens de l’à-propos qu’on lui reconnaît, il a élevé de la tribune, le secrétaire fédéral de la localité au rang de gouverneur (l’équivalent de préfet actuel).

Il a attendu pour cela que l’hôte de marque finisse son discours adressé aux milliers de personnes venues l’accueillir au stade fédéral de Labé (non baptisé à l’époque). Nous retranscrivons de mémoire avec l’aide de l’artiste Sow Baїlo qui était notre condisciple dans l’orchestre fédéral, le Kolima jazz de Labé, les paroles du Président Ahmed Sékou Touré à l’adresse de son homologue français : « Monsieur le Président, vous avez dit par trois fois monsieur le gouverneur pendant que c’est le fédéral qui parlait. Mais, pour respecter votre parole, nous élevons au rang de gouverneur de Dalaba, le secrétaire fédéral de Labé. »

Les raisons de cet acte exceptionnel ?

Tout simplement, pour aller dans le sens de l’hôte français qui avait nommé comme tel, dans un lapsus, celui qui lui avait souhaité la bienvenue au nom des populations de Labé. Au lieu de dire secrétaire fédéral (la plus haute fonction politique de l’époque dans les régions administratives), il l’avait appelé monsieur le gouverneur. Et cela avait suffi pour sceller l’avenir de l’intéressé.

Ainsi donc, à l’occasion de cette visite historique, le secrétaire fédéral Amadou  Dieng (dont une université de la place porte le nom) devenait, de façon extraordinaire, le nouveau gouverneur de Dalaba. Il remplaçait à ce poste Djely Bakar Kouyaté, décédé.

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