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Monnaie commune de la CEDEAO : un universitaire parle de ses avantages et inconvénients

La Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est décidée à concrétiser un projet vieux de 36 ans, celui d’une monnaie commune pour la sous-région. « Eco », c’est le nom de cette monnaie que la CEDEAO veut mettre en circulation dès 2020. Pour y arriver, il y a des préalables que les 15 Etats membres doivent remplir. Ce sont les critères de convergence qui sont au nombre de dix essentiellement. Mais que peuvent être les avantages et les inconvénients de la réalisation d’un tel projet. C’est ce que Guinéenews a abordé avec l’universitaire, Dr Alhassane Makanéra Kaké.

Dans un entretien téléphone, Dr Kaké s’évertue d’abord à lever la nuance qu’il y a entre  les concepts  »monnaie unique » et  »monnaie commune ».  « La monnaie commune suppose que chaque pays peut avoir sa propre monnaie et avoir une autre monnaie qui est commune à tous les Etats. Par exemple, la Guinée peut avoir le Franc guinéen, le Sénégal le Franc CFA et après l’Eco devient la monnaie commune. De l’autre côté, il y a la monnaie unique. Ça veut dire qu’il y a une seule monnaie », a-t-il indiqué d’entrée de jeu.

Pour Alhassane Makanéra Kaké, pour aller à la monnaie commune, tous les pays de la zone monétaire doivent remplir les critères de convergence : « D’abord pour aller à une zone monétaire, il faut que les critères de convergence qui sont d’ordre économique et budgétaire soient remplis. Donc cela exige une discipline budgétaire. Si on adhère à une zone monétaire alors qu’on ne remplit pas les critères, on n’aura que des inconvénients. Donc, il faudrait que les économies aient la même taille et que la gestion budgétaire soit à peu près la même taille, la même discipline. C’est comme une course qu’on organiserait entre le cheval, l’âne et la tortue. Ils font la même course, mais on connait déjà celui qui sera à la queue. »

Il est difficile que tous les 15 pays de la CEDEAO puissent remplir les critères de convergence en même temps. Mais si c’est le cas, M. Kaké voit assez d’avantages : « si tout le monde remplit les critères de convergence, ce sera une bonne chose pour la simple raison qu’on aura une convertibilité régionale par rapport aux autres monnaies. Donc le commerce entre Etats ne sera pas très difficile au niveau des échanges. Les échanges en matière économique, y compris les services, le mouvement des capitaux, tout devient simple. C’est cela l’avantage. Donc on peut avoir une rente économique du fait qu’on est dans une zone monétaire. Ça peut être avantageux pour tous ceux qui produisent. »

La productivité, sinon le niveau de développement, voilà des choses qui pourraient étouffer les économies des pays très pauvres membres de la zone monétaire. Maintenant, poursuit-il, s’il y a inégalité entre les pays sur le plan économique, les pays dont l’économie est faible reste à la queue. Poursuivant, il déclare: « ils subiront les conséquences. Un pays plus développé et un autre moins développé auront la même monnaie, la même fiscalité, la circulation des biens et des marchandises est automatique, ça veut dire la même taxe et à peu près le même prix. Si ton pays n’est pas compétitifi il deviendra simple consommateur. Par exemple, le prix de la pomme de terre produite en Guinée est élevé par rapport aux autres pays. Finalement, avec l’importation massive en Guinée, on va détruire le secteur pomme de terre. Si on prend le gaz butane, le prix est élevé en Guinée et si vous le comparez au Sénégal, vous verrez que le prix est bas. Finalement les vendeurs de gaz en Guinée vont disparaitre. Vous verrez qu’un certain nombre d’activités économiques vont disparaitre à la rencontre avec l’économie la plus puissante. Et si notre système bancaire n’est pas solide, on ne fait pas une bonne discipline budgétaire, on aura peu d’argent en Guinée. A ce moment les gens iront là où la compétivité est vraiment importante. »

La même situation pourrait également se faire sentir au niveau des services, car, dit-il, si le médecin est mieux payé au Sénégal qu’en Guinée alors que les deux pays ont la même monnaie, il finira par quitter la Guinée : « il faut que les économies aient la même taille, parce qu’on sera obligés d’avoir les politiques sociales communes, le même niveau de salaire. La conséquence, nos meilleurs médecins, nos meilleurs enseignants, nos meilleurs physiciens vont quitter, parce que c’est la même zone, pour aller travailler ailleurs. Un docteur d’Etat a peine 4 millions GNF en Guinée. Au Sénégal c’est entre 1 et 2 millions F CFA. S’il a la possibilité de choisir, pensez-vous qu’il va rester en Guinée ? »

Plus loin, l’universitaire se dit très pessimisme par rapport à la volonté des pays de la CEDEAO à adopter une monnaie commune, malgré les volontés affichées : « Je vous dirai en réalité que les pays de la CEDEAO ne sont pas prêts à aller vers une monnaie commune au service du développement de la CEDEAO, parce que nous avons un problème de maitrise budgétaire. On a un problème d’orientation économique. Nos économies sont extraverties, c’est-à-dire qu’elles sont tournées vers l’Occident, vers le commerce intra zone, c’est-à-dire entre les pays de la CEDEAO est très faible par rapport au commerce extra zone. Il faut y tenir compte. Et finalement si la Guinée produit la bauxite et l’envoie à l’extérieur, ça n’a pas d’impact direct sur le marché de la CEDEAO. Donc si le Nigeria préfère vendre son pétrole à l’étranger que la Guinée, ça aurait moins d’impact alors que ces systèmes sont déjà calés. Donc il faut que tous ces préalables soient levés pour qu’on puisse gagner dans le cadre de la compétitivité et surtout en matière de la monnaie unique. »

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