Le coût de la vie devient insupportable. Cette réalité est sur toutes les lèvres dans les rues, dans les salons, dans les bureaux, dans les gares, dans les marchés… C’est un débat qui est d’actualité. Il ne se passe pas de jour sans qu’il est un article de presse sur la cherté de la vie en Guinée. Le gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir pour faire baisser les prix. Plusieurs mécanismes ont été mis en place pour faire face à cette épineuse question qui asphyxie les populations. Des décisions sont prises par le gouvernement. Mais le triste constat est que rien ne change.
Les prix ne font que grimper même si certains ne souhaitent pas qu’on “donne l’impression que le marché flambe“. Une chose est claire. Comme le dit l’adage “On a beau chasser le naturel, il revient toujours au galop“. Les faits sont têtus et perceptibles sur le terrain. Le marché est cher. Tout le monde le sait y compris le gouvernement qui fait des pieds et des mains pour essayer désespérément de contenir cette situation. Les mesures s’avèrent-elles inefficaces ? En tout cas, la réalité est bien là. Les prix grimpent à tort ou à raison. Et les consommateurs en sont victimes. Ils n’en peuvent plus.
Le consommateur a l’impression d’être livré à lui-même
Après la visite du ministre de l’Industrie du Commerce et des PME dans les marchés de la capitale, après la rencontre du Chef de l’Etat avec des hommes d’affaires et bien sûr après la mise en place de la chambre de commerce et de l’industrie, nous nous sommes rendus au grand marché de Madina, pour prendre langue avec des commerçants. Mais quelle ne fut pas notre surprise de constater que jusqu’ici, rien n’a bougé de ce côté. Les prix sont toujours en hausse. Les commerçantes et autres vendeuses de produits vivriers soutiennent que depuis la dernière visite du ministre du Commerce dans les marchés, aucune décision n’est prise leur demandant de revoir les prix à la baisse. « Le ministre est passé ici le 7 mars dernier. Nous avions échangé avec lui et les membres de sa délégation. Mais rien n’est fait jusqu’ici ! Et pourtant nous lui avions expliqué nos difficultés allant de l’approvisionnement au transport des produits que nous vendons. En attendant nous maintenons les prix », nous dit Dame Mayeni B, vendeuse de condiments dans le marché de Madina.
C’est le même son de cloche chez Mamadou K D, boucher : « Nous attendons d’être soulagés. On a fait des propositions au ministre lors de son passage ici. Nos livreurs ont maintenu les prix. On ne peut pas diminuer à notre niveau », déclare-t-il avant de demander aux autorités d’intervenir dans la chaine de commercialisation. « Nous aimerions que le gouvernement revoie la chaine de commercialisation en remontant jusqu’aux éleveurs, aux vendeurs de bœufs et aux abattoirs. Et le plutôt serait le mieux ».
Devant cette triste réalité, le consommateur a l’impression d’être livré à lui-même. Que ce soit au niveau des produits saisonniers comme manufacturés, on note que le gouvernement essaie de faire des efforts mais le problème est que la population ne perçoit pas le changement. De sorte qu’on se demande si les méthodes utilisées sont efficaces. L’on dit gouverner c’est prévoir et anticiper. Il ne s’agit donc pas d’expliquer pourquoi c’est comme cela mais de faire en sorte que ce ne soit pas ainsi. Les Guinéens attendent de leurs dirigeants qu’ils fassent en sorte que le coût de la vie baisse. C’est tout ce qu’ils demandent. « Le contrôle est effectif sur le terrain. Les agents du ministère du Commerce sont dans toutes les régions du pays. Il y a environ une centaine d’agents de contrôle au ministère du Commerce face à plus des milliers de sites de commerces en Guinée. On ne peut donc pas mettre un agent contrôleur devant chaque boutique en Guinée, sachant qu’elles ouvrent à 7h pour fermer à 22h. Techniquement, ce n’est pas possible. Nous pensons que les consommateurs doivent venir avertir lorsque l’Etat fixe les prix. Si on vous dit que le kg de viande avec os est à 60.000GNF, ça devient un droit pour vous. Celui qui vous fait payer plus cher vous escroque. Les consommateurs doivent être conscients de cela. C’est au consommateur de refuser de payer plus cher», nous apprend vendredi soir, lors de la mise en place de la chambre de commerce, un conseiller du ministère de l’Industrie et du Commerce.
Face à cette assertion, plusieurs questions reviennent. Le gouvernement a t-il vraiment les moyens de faire le contrôle avec une centaine d’agents sur toute l’étendue du territoire ? Mais qu’est ce qui est fait par le gouvernement pour dissuader ces vendeurs qui augmentent les prix au vu et au su de tout le monde ? Une chose est certaine, le nombre de ces agents agréés pour le contrôle s’avèrent très insuffisants pour opérer un contrôle efficace. Nous sommes donc d’accord avec les cadres du ministère sur cette question. Ce petit nombre d’agents du ministère du Commerce ne peuvent même pas assurer efficacement le contrôle dans même une petite commune comme Kaloum. Car dès le passage du contrôleur, le commerçant véreux remet son ancien prix qui est cher. Le contrôle est donc inefficace.
Que d’anarchie au niveau des prix sur les marchés !
En Guinée, il n’a jamais été question de l’uniformisation des prix, ceux pratiqués dans les marchés sont fixés à la tête du client, sans égard aux prescriptions des autorités en charge du commerce:« C’est bizarre mais certains commerçants ne respectent pas la décision du gouvernement. Parce qu’un commerçant peut vendre un paquet du sucre à 20.000 francs, un autre à 22.000 francs et un troisième à 25.000 francs », regrette une consommatrice.
Houssein Barry, un commerçant rencontré devant sa boutique, justifie cette flambée de prix du fait « ‘que les commerçants détaillants paient les marchandises trop cher avec les grossistes ». Il précise que « les détaillants achètent le riz de 50 kilogrammes par exemple à 300.000 francs guinéens pour le revendre à 330.000 soit à340.000fg pour un bénéfice de 30.000 ou 40.000 francs guinéens seulement ».
Les commerçants disposent-ils de quantités suffisantes de denrées alimentaires stockées dans les magasins ?
Lors de sa dernière rencontre avec les opérateurs économiques, le colonel Mamadi Doumbouya a pointé un doigt accusateur contre les commerçants. Ils les accusent d’avoir prôné la politique de spéculation qui consiste à garder dans les magasins et dans les navires en haute mer des tonnes de marchandises (produits alimentaires) pour créer la rareté. Et c’est à juste raison ! Ce n’est pas la première fois qu’on subit la loi de spéculation. « Que ce soit les produits halieutiques, des produits alimentaires de premières nécessité tels que le riz, l’huile, le sucre, le lait, les commerçants ont toujours parqué dans les magasins ces produits pour les faire sortir quand on a le besoin se fera sentir. Sinon, il y a suffisamment de riz, de l’huile et tout ce que vous savez…il ne peut y avoir de l’augmentation », soutient un cadre du ministère du Commerce.
Interrogé à ce niveau, un conseiller du ministre nous a soulignés que le département ou l’Etat ne détient pas des magasins dans les quartiers ou dans les marchés pour savoir s’il y a suffisamment de denrées alimentaires dans les magasins. « Tous les jours, vous voyez les camions quitter le port chargés du riz, de produits alimentaires…Il y a suffisamment de stocks pour nourrir la population guinéenne ». Pour ce cadre, il n’y a pas de péril à la demeure.
Quelques solutions
Pour aborder autrement la problématique des prix fixés à la tête des clients, il faut régler la question de contrôle sur le terrain, à travers le ministre du Commerce, et envisager de recourir à l’installation de comités locaux dans les localités. C’est une méthode qui a déjà été expérimentée dans certains pays.
Pour la question des produits saisonniers, c’est une simple question d’ordre économique. C’est-à-dire une question de production et non de commercialisation que le gouvernement peut aider à résoudre. La production à contresaison peut permettre de résoudre le problème. A cet effet, l’Etat peut faire l’usage des fleuves dont dispose la Guinée pour développer un système d’irrigation qui permettront de faire de la production à contre-saisons. Surtout que la Guinée regorge d’assez de cours d’eau en plus des fleuves. Cela a été expérimenté ailleurs tels que l’Egypte et l’Israël qui produisent en plein désert à travers le système d’irrigation.
La Guinée dispose également de la technologie appropriée et des ingénieurs agronomes, aptes à faire face à la production à contre saisons. La véritable solution est la loi de l’offre et la demande. Il faut utiliser les produits de contre saisons et produire suffisamment afin que l’offre augmente significativement pour faire baisser les prix. L’augmentation de l’offre est également valable pour les produits manufacturés. Il convient par conséquent la mise en œuvre d’une volonté politique claire dans ce sens pour y parvenir. En tout état de cause, le gouvernement gagnerait à envisager d’entreprendre des mesures susceptibles d’apporter des solutions concrètes aux populations. Tout ceci, pour nous épargner le dictat des commerçants.
L’auto-suffisante alimentaire, l’éternelle préoccupation !
Depuis les années 1970-1980, cette expression revient dans tous les discours politico-économiques traitant du développement du Tiers-Monde. Une dizaine d’années environ après les indépendances, la concordance de phénomènes économiques et démographiques très défavorables aux économies fragiles a conduit au retour en force de la sous-alimentation, de la malnutrition et même de la famine. Le concept autarcique d’auto-suffisante alimentaire d’un Etat est apparu, traduisant une préoccupation majeure ancestrale et un peu surannée : un territoire doit nourrir ses habitants, en qualité et quantité
Ainsi, dans les années 60, la Guinée arrivait à nourrir sa population. On parlait à cette époque d’une forme plus pernicieuse de la famine, c’est-à-dire de l’équilibre alimentaire. Aujourd’hui, elle est obligée d’importer de grandes quantités de céréales pour nourrir sa population.
Depuis cette époque, le taux de croissance de la population s’est accru, et que par contre le taux de développement agricole n’a pas suivi : ce qui a entraîné un déséquilibre dans la production des cultures vivrières notamment. En effet, une rétrospective sur les cultures en Guinée, rend compte que les cultures de produits de rente (Hévéa, Palmier à huile, coton et à un degré moindre, le café, le cacao) a retenu très tôt l’attention des pays importateurs plus riches, alors que l’on savait très peu de choses des denrées alimentaires laissées pour compte. On a donc amélioré les techniques de production de ces produits de rente au détriment des produits vivriers qui sont par conséquent restées dans l’oubli, à la charge des paysans qui ont continué à les produire de façon traditionnelle.
De ce fait, aujourd’hui le gouvernement guinéen est obligé d’importer des céréales pour couvrir le déficit alimentaire de plus en plus important. Afin de réduire le recours à l’extérieur et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, on a entrepris de développer les cultures vivrières. Malgré les efforts effectués, il y a cependant toujours inadéquation entre l’augmentation des besoins et les ressources disponibles par le fait qu’il y a une mauvaise confrontation entre l’offre et la demande.
En effet, le caractère saisonnier de la plupart des productions vivrières et l’étalement de leur consommation sur toute l’année rendent leur stockage nécessaire sur une longue période. Or celui-ci est rarement assuré par les circuits commerciaux; par conséquent, le principal frein au développement se situe au niveau du système post-récolte et est notamment lié à des problèmes de conservation.