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L’incivisme, le cancer de la société conakryenne

Selon le dictionnaire Larousse, l’incivisme dérive du mot civisme qui désigne un acte de dévouement envers la collectivité ou plus généralement l’État. Ainsi, le civisme commande au citoyen de respecter les lois, les règlements et les codes culturels de la société dans laquelle il vit. Il lui enjoint de participer régulièrement aux activités de la collectivité, de collaborer à la protection de ses biens et de concourir à la préservation de l’environnement collectif en vue d’assurer la santé et la sécurité publiques.

À contrario, l’incivisme se définit comme l’opposé du civisme et concerne les actes non citoyens qui sapent les fondements de la loi dans une société organisée. L’incivisme se dit de la conduite d’un citoyen qui n’accomplit pas les actes exigés par le dévouement à la chose commune, bien plus, qui laisse libre cours à ses intérêts ou à son égoïsme et porte atteinte aux biens communs. De fait, l’incivisme dérive d’une mauvaise volonté et de la perte du sens du vivre en société. Il doit toujours être imputé à un manquement, rien ne peut l’excuser. C’est pourquoi, au temps de la cité grecque antique, à Athènes, on pouvait mettre un homme en accusation et le condamner pour incivisme, c’est-à-dire pour défaut d’affection envers l’État.

À Conakry, la vie quotidienne est rythmée par des comportements inciviques à visage découvert. Partout où l’on se tourne, notre regard peut surprendre un individu en train de poser un acte dérogatoire à la dignité de citoyen. Cela commence par des gestes aussi bas qu’un crachat à terre dans les cours familiales et se répand jusque sur la voie publique. Il n’est pas rare de voir les habitants des quartiers en train de verser leurs eaux usées domestiques et leurs ordures ménagères dans leurs arrières cours, sur des terrains appartenant à leurs voisins ou sur la voie publique. D’autres transforment les terrains nus et les immeubles en construction non surveillés de leurs voisins en lieux d’aisance. Pareil pour les côtes maritimes et les plages situées près des quartiers surpeuplés de la presqu’île du Kaloum ainsi que les abords des cimetières abandonnés près des banlieues urbaines, tous ces lieux sont utilisés par les résidents comme étant des toilettes publiques. D’autres encore envahissent les rues pour en faire des lieux de célébrations de mariage, de baptêmes ou d’autres futilités mondaines, bloquant ainsi le passage à d’autres usagers. Pire, de tels comportements inciviques sont plus répandus encore sur les routes et les autoroutes urbaines où l’on aperçoit des passagers, pendant qu’ils roulent en voitures, jeter par la fenêtre des résidus de nourriture, des cannettes et des bouteilles de boissons vides, ne respectant ni l’environnement ni la santé et la sécurité publiques. De même, on voit régulièrement des automobilistes se garer pêle-mêle en plein milieu de la chaussée sans égard aux autres usagers, bloquant la circulation et occasionnant une longue file de bouchons. D’autres circulent ostensiblement à contresens mettant en danger leur propre vie, celle des passagers et celle des usagers arrivant de droit en face.

Sur plusieurs bretelles urbaines et le long des transversales Ti (i = 1, 2, 3…) menant à la Nationale, des marchés informels et des marchands ambulants ont pris d’assaut les chaussées, empêchant la circulation de se dérouler correctement, sous le regard impuissant des policiers faméliques plus préoccupés par la recherche de leur pitance journalière que par la sécurité routière. S’ajoute à ce désordre l’attitude irresponsable des conducteurs d’automobiles qui pour la plupart, n’ont rien à faire du code de la sécurité routière et encore moins des signalements d’un agent de police.

Décidément, l’absence de civisme dans la société conakryenne est un cancer qui la détruit de l’intérieur et sape son développement. Elle est à l’origine de la désintégration sociale et la prolifération d’actes de loi de la jungle. On a l’impression de vivre dans cette ville ce que le philosophe anglais Thomas Hobbes appelait au 17e siècle « l’état de nature », c’est-à-dire la situation de l’Homme ou de la société humaine antérieurement à l’apparition de la civilisation, de la culture, des institutions communes, en particulier de l’autorité politique et de l’État. C’est en quelque sorte un état où l’Homme vit en tant qu’animal, avec ses besoins naturels, en l’absence de règles et de contraintes extérieures relatives à la liberté individuelle.
Certes, l’autonomie de l’individu est un but des sociétés modernes, mais en même temps l’apprentissage du savoir-vivre et des pratiques de respect des lois dominent dans ces sociétés, même si les rapports humains sont distendus. Ce respect est obtenu sur la base de l’éducation, de la participation à la vie politique, et du contrôle par l’État. Somme toute, c’est ce respect là qui est à observer, enseigner et exiger dans la société conakryenne en particulier et partout en Guinée d’une manière générale.

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