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Liberté et sécurité : Deux droits incompatibles en Guinée ?

La protection de la vie humaine, des biens publics et privés dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression à travers les manifestations politiques, se présentent encore en Guinée, comme des valeurs incompatibles entre elles. Ici, liberté et sécurité sont en conflit ouvert. Pourtant, le binôme liberté et sécurité devrait former un couple qui fait bon ménage. Autant la liberté de manifester est fondamentale dans une société libre et tolérante, autant l’est aussi le droit à la sécurité qui comprend le droit à la vie.

En observant de près le film des manifestations politiques en Guinée, on se rend compte d’un côté que l’exercice de la liberté de manifester dans la rue ses opinions politiques est dans certains cas, contrarié par un régime d’autorisation préalable alors que le principe en la matière est la déclaration. De l’autre côté également, la mise en œuvre effective de la liberté de manifester porte largement atteinte, en de nombreuses occasions, au droit à la vie et à la propriété privée et publique.

La question qui se pose est de savoir comment concilier ces deux droits d’égale valeur dans une société démocratique ? Autrement dit, quand ces deux droits sont en concurrence, le quel doit l’emporter sur l’autre ? La plupart du temps, les autorités publiques, sous le contrôle du juge, doivent s’assurer que la mise en œuvre de la liberté de tenir une manifestation politique n’affecte pas gravement et sérieusement un autre droit fondamental, en l’occurrence le droit à la vie et à la propriété privée et publique. Dans les faits, la liberté de manifester qui n’est pas absolue, comme toute autre liberté d’ailleurs, peut être restreinte, circonscrite voire même dans les cas extrêmes interdite, si son exercice dans une circonstance particulière crée un danger clair et imminent pour la société.

Pour en arriver à cette conclusion exceptionnelle, la décision de l’autorité publique, qui peut être déférée à la censure du juge, doit être rigoureusement motivée et être précédée d’une appréciation circonstanciée et objective des faits. Le juge s’assure que l’autorité publique avant d’interdire une manifestation, a procédé à une analyse in concreto et non in abstracto de la situation.

Cohabitation explosive de la liberté de manifester et du droit à la sécurité en Guiné

En Guinée, les manifestations politiques dans les rues mettent directement en danger dans certaines circonstances la vie des manifestants, des agents des forces de l’ordre et des journalistes. Les leçons à tirer des dangers induits par cette situation est un exercice ultra-sensible, lorsqu’on sait que la question des manifestations politiques divise plus qu’elle ne rassemble l’opinion.

Cette question est à l’intersection des passions politiques les plus folles et des tensions ethniques les plus irréductibles. En effet, l’histoire de la lutte politique en Guinée est généralement caractérisée par une répression sanglante jamais soldée. S’il faut faire un tableau de cette évolution, on constatera que la courbe des violences politiques, de l’indépendance à nos jours, n’est pas rectiligne. Elle est fluctuante avec des moments de pic, par exemple dans les années 1971, 2007 et 2009.

A l’état actuel des choses, le positionnement des uns et des autres sur la question des violences dans les manifestations à caractère politique est tel que chacun se rejette la responsabilité. Les conséquences juridiques des violences politiques n’étant pas réglées, du moins pour l’instant, on constate que la notion de victime et du bourreau de ces violences est devenue en Guinée, une notion hautement interchangeable, selon l’appartenance ethnique et politique des uns et des autres.

Rompre le cercle vicieux des manifestations meurtrières

Toute manifestation politique vise à obtenir gain politique : faire pression sur le gouvernement, alerter l’opinion nationale ou internationale ou encore montrer une capacité de mobilisation populaire.

Si ce type de manifestation a donné de solides acquis à la jeune démocratie guinéenne, force est cependant de constater qu’il y a d’autres manifestations qui donnent l’impression de reposer presque uniquement sur un concours de victimisation entre les parties prenantes.

Dans ce second type de manifestations, on se retrouve dans des situations où d’une part, le pouvoir en place cherche à mettre en évidence les arrières pensées insurrectionnelles et anarchistes de l’opposition, lorsque les agents des forces de l’ordre sont blessés ou tués ou que les biens publics privés et publics sont vandalisés. D’autre part, l’opposition à son tour se livre au décompte de ses partisans blessés et tués pour montrer à la face du monde qu’elle a en face d’elle, un régime liberticide et criminel.

Dans un camp comme dans l’autre, on se livre au décompte macabre des morts et des blessés, de surcroît dans son propre rang, dans le but de diaboliser son adversaire auprès de l’opinion nationale et internationale. La stratégie de diabolisation d’un adversaire politique, élaborée sur le nombre de personnes tuées ou blessées dans son propre camp, procède d’un gravissime état psychologique de banalisation de la mort pour la conquête ou la conservation du pouvoir.

L’atteinte d’un tel niveau de deshumanisation dans la confrontation politique est à la fois le signe ultime de l’immoralité en politique et de l’atterrissage sur un terrain propice à la commission du pire. Et la Guinée, n’a pas besoin de cela.

Face à l’urgence de sauver les vies humaines et à l’impératif de leur donner le sens qu’elles méritent dans les religions, les traditions et le droit du pays, il convient aujourd’hui que les parties prenantes dans les manifestations politiques (partis politiques, pouvoirs publics, forces de l’ordre) prennent la mesure du danger qui guettent la société et acceptent de créer entre elles un espace de concertation renforcée et de règlement des questions sensibles.

La pire adversité en politique n’est pas synonyme d’absence de communication. Rappelons qu’en 1962, les Etats-Unis d’Amérique et l’URSS (union des républiques socialistes soviétiques) étaient sur le point de déclencher une guerre nucléaire, suite à la crise des missiles à Cuba. Pour éviter le pire à eux-mêmes et à l’humanité, les deux pays décidèrent d’installer en juin 1963, le téléphone rouge pour permettre à leurs présidents de discuter en cas d’urgence absolue.

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