«Il n’y aura aucune sécurité sans contrôle. La collaboration active de la population nous est indispensable pour l’accomplissement correct de notre mission de protection des usagers en rase campagne»
La gestion de la sécurité routière dans notre pays est assurée par la police dans les centres urbains et la gendarmerie en rase campagne. Cette dernière est déployée sur tout le réseau inter urbain et les axes routiers reliant les zones rurales parmi les plus isolées ou inaccessibles du pays.
Huit compagnies sécurité routière placées sous l’autorité directe du commandement de la gendarmerie routière sont basées dans les capitales régionales et à Guéckédou. Les effectifs de ces différentes unités s’emploient à assurer en permanence une sécurité optimale le long de ces milliers de kilomètres de routes en rase campagne, intensément fréquentées. L’activité n’est pas aussi simple qu’elle en a l’air. Le quotidien des gendarmes sur le terrain est fait de problèmes divers. L’état du réseau routier en certains endroits, celui des véhicules en circulation, les comportements peu corrects de la majorité des conducteurs, sont autant de facteurs qui font le lit de l’insécurité routière. Cette situation entraine de nombreux accidents dont les conséquences affectent dangereusement le développement socio économique du pays.
Pour faire une meilleure lecture de la situation qui prévaut dans ce secteur de la rase campagne, nous sommes allés à la rencontre du chef d’escadron Michel Koly Sovogui, commandant du commandement de la gendarmerie routière dont le siège est au quartier Cochery, sous-préfecture Manéah, au PK 43 sur la nationale n0 1, Conakry- Coyah.
Guinéenews : pour entamer cet entretien, il nous semble nécessaire de faire ample connaissance avec votre commandement. Les citoyens en général et surtout ceux qui vivent en zone urbaine ne sont pas très habitués à voir les gendarmes sur la route. Il y en a qui vous confondent aux militaires. Parlez-nous de votre mission ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : ceux qui nous confondent aux militaires n’ont pas tout à fait tord. Nous relevons du ministère d’état à la Défense nationale et sommes une partie intégrante de l’armée. Nous sommes des militaires de la gendarmerie assurant des missions particulières de sécurité. Entre autres, nous avons en charge la lutte contre l’insécurité routière qui est notre raison d’être pour citer le Général de corps d’Armée Ibrahima BALDE, Haut Commandant de la Gendarmerie Nationale, Directeur de la Justice Militaire, Commandeur de l’ordre national du mérite.
La Gendarmerie Routière a pour mission, la surveillance du réseau routier en rase campagne où la commission des accidents est plus élevée.
Investie de cette responsabilité, son rôle est d’employer toutes les prérogatives que la loi lui confère et tous les moyens dont elle dispose pour inverser le chiffre croissant des accidents de la route : personnes tuées, blessées et dégâts matériels.
Guineenews : n’avez-vous pas d’autres missions qui vous soient dévolues, en dehors de celles que vous venez d’évoquer?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : je ne pourrais pas vous dérouler toutes nos missions. Nous sommes un corps de sécurité qui a des règles strictes qu’en aucune manière nous ne devons violer. Néanmoins, nous pouvons vous dire que nous avons parmi nos objectifs, la lutte contre l’insécurité sous toutes ses formes. C’est dans cette optique que nous plaçons la lutte contre les coupeurs de route, les vols de véhicules et tous autres crimes. Nous assurons également les missions d’escorte de personnalités. En somme nous sommes formés pour garantir partout, en toutes circonstances et par tous les moyens, la sécurité des personnes et de leurs biens, ainsi que la défense opérationnelle du territoire.
Guineenews : vos hommes sont sur le terrain en permanence pour le contrôle routier et la prévention des accidents. Quel résultat avez-vous obtenu. Pouvez-vous nous présenter un bilan ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : vous savez, en matière de bilan, on attend toujours la fin de l’année. Cependant, je vais quand même satisfaire votre curiosité en vous livrant les statistiques des accidents de la circulation constatés en rase campagne par la Gendarmerie routière, pour la période allant du 1er Janvier au 14 juin 2018, soit les six premiers mois de l’année en cours.
Il n’est pas agréable de faire souvent cas des accidents de la route, mais nous sommes obligés d’en parler, tant que cela arrive. Une manière aussi de présenter les dangers liés à la circulation routière afin que chacun prenne ses responsabilités, car c’est un réel problème de santé publique.
Nombre d’accidents: 200
Nombre de Véhicules en cause 367
Privés 273
Etat 04
Etrangers 06
Motos 82
Vélos 03
Dégâts Matériels importants 261
Dégâts Matériels légers ……. 70
Véhicules indemnes 36
Nombre de victimes: 485
Tués : 100
Hommes: 75
Femmes : 25
Blessé Graves 230
Hommes: 149
Femmes : 81
Blessés Légers : 155
Hommes: 85
Femmes : 70
Guineenews : pour une période de six mois, ces chiffres sont révélateurs d’une situation grave et préoccupante qui doit interpeller tout le monde. Le nombre de morts et de blessés est considérable, de même que les dégâts matériels. Quelles sont les causes de tous ces accidents ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : aucun de ces accidents n’est le fruit du hasard ou de la fatalité. Pour chacun d’entre eux, il a toujours fallu la commission d’une infraction au code de la route. Nous en avons dressé un répertoire par ordre décroissant, qui se présente comme suit :
1/ Excès de vitesse 74
2/ Circulation à gauche 40
3/ Changement de direction sans précaution 22
4/ Dépassement défectueux 20
5/ Défaut d’entretien Technique 20
6/ Non-respect de la distance de sécurité 10
7/ Poids excessif 05
8/ Fausse Manœuvre 03
9/ Sommeil au volant 02
10/ Stationnement gênant la circulation 02
11/ Divagation d’animaux 01
12/ Obstruction de la chaussée 01
Guineenews : parlant des véhicules en cause dans les accidents, vous avez fait état des engins à deux roues dont le nombre est en hausse depuis un certain temps. Qu’en pensez-vous ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : vous avez raison et c’est connu de tous, le nombre de motos est en très nette évolution dans notre pays. L’usage de ces engins comme moyen de transport de passagers a suscité un engouement considérable chez les jeunes pour lesquels c’est devenu une activité lucrative à plein temps. En rase campagne qui constitue notre zone d’intervention, les motocyclistes, surtout les motos-taxi sont très présents avec des comportements à risque qui les exposent aux accidents. Généralement ils n’ont pas tous la parfaite maitrise de leur engin et sont ignorants du code de la route. On les voit, roulant très vite, en surcharge et en grande imprudence. Ce phénomène est entrain de prendre de l’ampleur, c’est ce qui explique ce chiffre élevé de 82motos. Quelques années auparavant, nous n’atteignions jamais la dizaine dans nos statistiques.
Guineenews : avec la saison des pluies qui s’installe, ne pensez-vous pas que la situation va encore s’aggraver ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : oui, sans doute que la saison des pluies est une période pendant laquelle les accidents ont tendance à se multiplier. Je voudrais profiter de cette opportunité pour demander à tous les usagers de la route d’être prudents en ce moment. Comme on l’a souvent dit : la pluie et la chaussée ne font pas un bon mariage. La visibilité est réduite, la chaussée glissante, on constate souvent la défaillance du système de freinage. Voyez cet accident macabre de camion citerne qui s’est produit la semaine dernière pendant la nuit sur le pont de Manéah avec des pertes en vies humaines et des dégâts matériels très importants. Il illustre parfaitement ce que nous vous disons. Perdre un seul guinéen par suite d’accident, c’est déjà trop ! Alors un seul conseil : Prudence sur la route !
Guineenews : quelles sont les difficultés qui plombent vos activités et compromettent l’atteinte de vos objectifs ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : dans l’exécution de cette lourde mission de sauvegarde des vies humaines sur les axes routiers inter urbains, nous rencontrons plusieurs difficultés dont entre autres :
-Le manque de moyens adéquats pour traquer les délinquants routiers et surtout pour lutter contre les coupeurs de route ;
-Le refus d’obtempérer des conducteurs ;
-L’indiscipline des chauffeurs qui crée des difficultés : embouteillages inutiles, accrochages inexplicables.
Guineenews : que vous manque-t-il comme moyens à ce jour, pour vous permettre d’atteindre pleinement vos objectifs ?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : la Gendarmerie Routière est avant tout préventive, donc à vocation dissuasive ; elle englobe également la recherche et la répression des infractions graves génératrices d’accidents. Ainsi cette action suscite l’obtention des moyens qui permettent de mener à bien la mission traditionnelle qui est la sécurisation des usagers de la route et de leurs biens en rase campagne, zone dévolue à la Gendarmerie Nationale.
Pour renforcer les capacités opérationnelles de la Gendarmerie routière et réduire considérablement les accidents de la route, il faut intervenir dans trois directions:
1- La formation :
-Pérenniser la formation des agents de la route ;
-Prendre en charge les filles motocyclistes formées, non matriculées ;
2- L’équipement :
Doter la Gendarmerie Routière des moyens logistiques : véhicules tout terrain, motos de grosses cylindrées, grues (poids lourds et poids légers), ambulances, moyens de communication (Radio talkie) ;
-Des équipements spécifiques :
-herses, cinémomètres, alcootests, imperméables, panneaux de signalisation (HALTE GENDARMERIE-ATTENTION ACCIDENT), tenues conformes à la sécurité routière.
3-Les infrastructures :
-Construire un centre de formation au Commandement de la Gendarmerie Routière ;
-Construire des locaux du commandement de la Gendarmerie Routière sise à la Cochery ;
-Construire des locaux devant abriter les huit (08) Compagnies Sécurité routière basées dans les Régions Administratives ;
Ainsi qu’on le voit, les besoins sont énormes. Ils sont à la dimension de nos ambitions et des objectifs qui nous sont fixés. Leur satisfaction qualifierait considérablement nos activités sur le terrain et partant, augurerait de résultats probants dans l’accomplissement de notre mission.
Par ailleurs, dans un autre volet, nous allons encourager et appuyer toute activité contribuant à :
-sensibiliser la population riveraine sur les axes inter urbains ;
-Libérer les emprises de la route en rase campagne.
Guineenews : un mot de fin?
Chef d’escadron Michel Koly Sovogui : pour finir, je demande une synergie d’action de tous les acteurs impliqués dans la gestion et la sécurité de la circulation routière et surtout la collaboration active de la population sans laquelle notre existence sur la route n’a pas de sens, car nous sommes là pour elle. Qu’elle sache aussi que ce sont leurs fils et filles qui se trouvent sur nos routes et il n’y aura aucune sécurité s’il n’y a pas de contrôle, alors qu’elle se soumette aux injonctions des agents routiers.
Que Dieu, le Père Tout Puissant, exauce nos prières et qu’il y ait moins d’accidents sur toutes nos routes inter urbaines. Amen !
Entretien réalisé par Diao Diallo