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Les politiques africaines de Chirac et de Sarkozy : du paternalisme au-delà des mots

Par Youssouf Sylla, analyste à Conakry.

Le premier est beaucoup plus chaleureux avec les chefs d’Etat africains, il est avec eux dans une relation émotionnelle, alors que le second, est un peu plus distant, et intéressé par les affaires avec un regard condescendant et arrogant sur les africains. A Sarkozy qui a dit dans son discours controversé de Dakar que «Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire», Chirac répondra que :«L’homme africain est entré dans l’Histoire. Il y est même entré le premier. On ne peut avoir à son égard que du respect, le respect que l’on a pour un ancêtre commun.». Malgré cette différence de perception entre les deux, ils ont poursuivi au-delà des mots, les mêmes politiques paternalistes à l’égard du continent, héritées de De Gaulle.

Jacques Chirac. Etant maire de Paris, il déclarait ceci en 1990 : « Le multipartisme est une sorte de luxe que les pays en voie de développement, qui doivent concentrer leurs efforts sur leur expansion économique, n’ont pas les moyens de s’offrir. ». En pleine période d’effondrement du  marxisme, celui qui allait devenir le président de son pays de 1995 à 2007 annonçait déjà les couleurs. Une fois président, il est l’intime ami de certains présidents (Paul Biya au Cameroun, Denis Sassou-Nguesso au Congo Brazzaville…), encore en exercice plus d’une décennie après son départ. Des présidents dont le bilan démocratique laisse à désirer. En réalité, la démocratisation des régimes africains n’était donc pas le point fort de sa politique envers le continent. La Politique chiraquienne en Afrique s’inspire de la politique paternaliste du général De Gaulle, personnage qui l’inspire dans haute idée qu’il se fait de la France. Chirac s’entoure aussi de J. Foccart qui l’initie aux intrigues des relations franco africaines.

Après Chirac, vint Nicolas Sarkozy, de 2007 à 2012, avec la forte ambition au départ de nettoyer les relations franco africaines de ses réseaux officieux connus sous le nom de la « Françafrique». Il estime qu’il faudrait débarrasser les relations franco-africaines « des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés ».

Même s’il avait fait disparaitre la cellule africaine de l’Élysée, cela n’a pas empêché les réseaux officieux, qui ont la vie dure, de reprendre le dessus sur les circuits officiels. Ainsi, l’intervention militaire française en Lybie et en Côte d’Ivoire pour aider au délogement de leurs présidents respectifs, trahit bien la posture de non-ingérence prônée jusque-là par N. Sarkozy, et traduit au plus haut point, la mise en avant des préoccupations mercantiles et amicales, sans lien avec la démocratisation de ces deux pays.

L’intervention de N. Sarkosy dans les crises politiques africaines fut un désastre pour la paix et la sécurité dans le continent. Il s’est lourdement planté en Côte d’Ivoire et en Lybie, deux pays où il prétendait, faussement, apporter comme un messie la démocratie et la liberté. Espérant en finir Laurent Gbagbo, gauchiste et anti français selon lui, il a apporté tout son soutien diplomatique et militaire à travers la Force Licorne, dans des conditions fort contestées à l’arrestation de L. Gbagbo et à l’élection d’Alassane Ouattara à la présidence, son ami, et protecteur à son avis des intérêts français en Côte d’Ivoire.

Sur la Lybie en 2011, Sarkozy avait réussi à mobiliser la Communauté internationale contre Mouammar Kadhafi, malgré les doutes de l’Union africaine et les réticences de départ de Barack Obama très tôt vaincues, par Hillary Clinton, sa secrétaire d’Etat. Dans son édition du 14 septembre 2016, le Journal le Monde expose quelques extraits poignants du rapport d’enquête de la commission des affaires étrangères du parlement anglais qui jugeaient erroné le processus décisionnel mis en avant pour justifier la chute de Kadhafi.

Selon le rapport du parlement anglais, « Le gouvernement britannique] n’a pas pu vérifier la menace réelle que le régime de Kadhafi faisait peser sur les civils ; il a pris au pied de la lettre, de manière sélective, certains éléments de la rhétorique de Mouammar Kadhafi ; et il a échoué à identifier les factions islamistes radicales au sein de la rébellion. ».

Selon le même journal, qui rapporte les propos de Sidney Blumenthal, conseiller de Mme Clinton, les objectifs du président français en faisant tomber Kadhafi étaient d’atteindre cinq objectifs: « Le souhait d’obtenir une plus grande part de la production de pétrole libyenne » ; celui d’« accroître l’influence française en Afrique du Nord » ; de « permettre aux armées françaises de réaffirmer leur position dans le monde » ; de « répondre aux (…) projets de Kadhafi de supplanter la France en Afrique francophone » et, enfin, la volonté d’« améliorer sa situation politique en France ».

Depuis la mise à mort de Kadhafi en octobre 2011 par ses opposants, la Libye peine à retrouver un gouvernement unique accepté de tous ses habitants. On assiste plutôt à l’émergence des rancœurs tribales et à une sorte de somatisation du pays.

Ainsi, on peut juger que les actions de N. Sarkozy en Lybie et en Côte d’Ivoire, au lieu d’y apporter la paix, la démocratie et l’ordre, y ont été nuisibles en y ont apporté le chaos et la désolation. Il a usé du statut de son pays et de son influence dans le monde pour détruire deux pays et deux peuples.

Lire ou relire : La politique africaine des prédécesseurs de Macron depuis l’indépendance du continent

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