Lorsqu’on observe très bien la scène politique guinéenne des trois dernières décennies, on peut être amené à s’interroger objectivement sur la finalité qu’il faut assigner à l’existence même d’un parti politique en Guinée, que ce dernier soit de l’opposition ou bien du pouvoir. Il suffit simplement pour s’en persuader, de se frotter à la réalité vivante et palpitante du climat politique et de son intrication avec les réalités sociétales et pécuniaires du pays.
En effet, alors que les partis politiques sont généralement censés jouer un rôle majeur dans l’organisation et la régulation de la démocratie en Guinée, on peut se demander pourquoi la réalité politique du terrain reste encore marquée d’une part, par l’impossibilité d’un dialogue constructif entre ces partis, par la violence, le chaos, la personnalisation du pouvoir et la faiblesse des règles constitutionnelles en leurs propres seins et d’autre part, lorsqu’il y a dialogue, que celui-ci soit souvent entaché de saveurs démagogiques trahissant ainsi l’esprit même de parti politique. Pourquoi donc tant de désastres ?
Des factions désorganisées et personnalistes
Au-delà de leur existence formelle en tant que telle, les partis politiques guinéens sont caractérisés par des pratiques personnalistes et informelles difficiles à saisir. Très centralisés qu’ils sont, les actions qui y sont menées sont incohérentes et souvent mal coordonnées. De plus, ces partis sont rarement analysés en termes d’idéologie, de programmes et de plate-forme politique. Bref on y remarque généralement une absence totale de véritables clivages idéologiques entre eux.
Pour cette raison, il est logique de se demander s’il est vraiment approprié de qualifier les nouveaux acteurs politiques guinéens de « partis politiques ». Car, combien de ces nouvelles formations correspondent vraiment aux définitions classiques d’un parti politique ? Les noms de ces partis sont-ils simplement des étiquettes pour désigner des organisations qui sont en fait des factions désorganisées et personnalistes, rassemblées en hâte et de façon incohérente autour de dirigeants politiques en quête de positionnement, voire de visibilité ?
En scrutant la manière de fonctionner de ces partis, on y remarque généralement une absence abyssale de toute pratique démocratique. Voire même très souvent, l’existence d’une certaine forme de partisanerie à multiples visages, allant du régionalisme et de l’ethnicisme déguisés au clanisme amical, quant au traitement réservé à certains dignitaires par rapport à d’autres de la part des membres de ces partis.
Or, pour tout parti politique qui prétend conduire les destinées d’un peuple et qui veut incarner la différence avec les vieilles pratiques rétrogrades, comment gagner la confiance du peuple quand il est incapable lui-même d’observer les vertus fondamentales de justice, d’équité et de transparence en son propre sein ?
Du désespoir populaire au regain d’espérance
Bon nombre de guinéens sont désormais sur la réserve en ce qui concerne la « démocratie » comme mode de gouvernement de leur pays. D’autres, peut-être les plus extrêmes, arrivent même à déclarer leur amour à la « dictature » qui serait selon eux, le système de gouvernance qu’il faudrait à la Guinée. Ils sont sceptiques et ne font plus confiance au système démocratique. Ils croient avec conviction qu’un dictateur dévoué et bien intentionné pourrait redresser le pays et le mettre sur la voie du développement. En vérité, on peut consentir q’un tel scepticisme soit tout à fait justifié. Ce pays a fait tellement de déçus, tellement de désastres qu’un certain nombre de ses fils et filles ont fini par désespérer de son avenir démocratique.
Toutefois, à notre avis, la démocratie reste pour l’instant la meilleure solution politique pour la Guinée, comparée à des systèmes autoritaires ou dictatoriaux. Imaginez seulement ce qu’un État qui a été barbare sous la démocratie infligera à son peuple sous la dictature. Nous pensons que le combat qui doit être mené est celui de réfléchir à une meilleure organisation de la lutte politique dans notre pays.
Il faut s’interroger sur comment créer de la cohérence dans notre système démocratique en herbe afin de faire en sorte que la voix du peuple puisse compter et que les partis en lutte pour la conquête du pouvoir puissent dialoguer de manière civilisée et bien structurée ?
Tel est le genre de question sur laquelle nous sommes appelés à réfléchir. Car, en vérité, une dictature aussi bien intentionnée soit-elle au départ, finit toujours par dériver en monstruosité. L’examen historique de plusieurs pays dits « développés ou en développement » qui ont connu des dictatures montre que la dignité et la liberté humaine sont les derniers soucis de tels régimes. Or, pour nous, aucun développement ne peut être agréable à savourer sous un régime oppressif et nihiliste, où la volonté d’un seul individu ou d’un groupuscule s’impose par la force à une multitude de majorité qui, souvent, est pourtant mille fois mieux éclairée.