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Les mariages consanguins : risques et avantages

En Afrique, les cousines sont vraiment faites pour les cousins ? Epouser sa cousine ou son cousin est-il une bonne chose ? Choisir son conjoint ou sa conjointe dans la famille n’engendre-t-il pas de problèmes ? Un sujet banal mais qui mérite l’attention dans ce monde où tout va très vite.

Les mariages consanguins appelés « Badénya Foudou », en langue Maninka, sont légions dans les communes et quartiers de la capitale, mais particulièrement plus accentués en rases campagnes. Les mariages dans les familles entre les cousins et les cousines ne gênent nullement dans certaines communautés. Il existe encore de nombreuses familles qui restent profondément attachées à ces pratiques qui, selon elles, contribuent à conserver ou à perpétuer les liens et les valeurs sociétales de la lignée. Mais voilà ! Des voix s’élèvent du côté de la médecine moderne pour dénoncer ce qu’elle qualifie de vieilles pratiques aux conséquences désastreuses. D’ailleurs, quel est réellement le regard de la population sur ces unions consanguines ?

Pour paraphraser le célèbre couple non-voyant et chanteur malien, Amadou et Mariam, dans leur célèbre chanson : « les dimanches à Bamako, c’est le jour des baptême et mariage », nous reprenons pour chanter : « les week-ends à Conakry, c’est les baptêmes et les mariages », dans les familles. Les derniers jours de la semaine sont prisés pour la célébration des cérémonies de mariage.

Le vendredi dernier à Mafanco-Corniche, dans la commune de Matam, au domicile de la famille Cissé l’on a célébré l’union d’Abdoulaye et Sona. Les tourtereaux se connaissent bien. Ils sont cousins. Et cela ne gêne aucune personne. Selon le vieux Alpha Cissé, l’officiant du mariage du jour, qui est d’ailleurs l’oncle du couple, une telle union est bénéfique. Elle vise à renforcer les liens familiaux. « Normalement, cela est conseillé dans notre coutume. Ces mariages servent à renforcer les liens familiaux. La famille ne se disperse pas. Et même l’économie de la famille reste stable. Les biens sont conservés dans les mains des parents, et puis, on ne sait jamais ! On ne doit pas accepter n’importe quelle famille. Il faut compter avec l’éducation et des maladies héréditaires… Tout ceci nous conforte dans notre position de pratiquer le mariage consanguin », précise le patriarche. La plupart des mariages célébrés dans le pays sont consanguins, c’est entre les cousins de frères et des cousines de sœurs.

Au quartier Lambayi-Wariah, dans la commune de Ratoma, Boubabar B. vit sa vie de couple avec Fatima B, sa belle cousine. De cette union sont nés quatre beaux enfants. « Le papa de mon épouse et ma maman sont cousines. Avant de m’engager, j’ai pris le soin d’en parler à mes sœurs qui n’ont pas trouvé d’inconvénient. Elles ont apprécié mon choix porté sur cette jolie cousine que vous voyez-là. Quand j’ai mis mon oncle sur le coup, il a accepté d’organiser le mariage ». Binta et son époux semblent tirer le bonheur dans ce mariage. « Jai un mari attentionné. Il est toujours à mes côtés. Tout ce que je lui demande, il me le donne sans gêne. Il me supporte pendant des moments difficiles. C’est une bonne personne. Mais, je vous apprends que je n’ai jamais rêvé épouser un parent, un cousin…, non ! Mes idées étaient ailleurs. Bon ! Dieu a voulu qu’il en soit ainsi. Pour l’heure, je ne me plains de rien. Je ne regrette pas non plus d’être marier en famille. Nous sommes entre nous frères et sœurs. Tout se règle en famille », affirme à cœur joie dame Fatima B, toute souriante.

La pratique s’est perpétuée de génération en génération.  Elle ne rencontre pas l’adhésion de tous. Surtout dans les rangs de la nouvelle génération. « Nous sommes en Guinée. Aujourd’hui, les choses ont évolué. Les mentalités ont changé avec l’ouverture d’esprit. Cette affaire de marier un cousin, cette vieille pratique n’est plus intéressante. Il y a tellement d’hommes sur la terre, je ne vois la nécessité de contracter un mariage dans la famille. Tellement de femmes, de belles femmes dehors pourquoi prendre une femme entre les jambes d’une tante ? On peut chercher son âme sœur partout. Et c’est ce qui intéressant. Je ne trouve pas que ce soit une bonne chose d’aller épouser un cousin dans la famille. C’est un frère. On ne peut en faire un époux. On peut renforcer les liens familiaux autrement. Ce n’est pas forcement en épousant son frère de cousin ou sa sœur de cousine », désapprouve ainsi le mariage consanguin, Rabi, caissière dans une banque de la place.

Quant à Soul Dioubaté, le mariage entre des cousins et cousines est source de division dans la famille. « Les mariages consanguins sont souvent l’objet de division totale des familles. Moi, j’ai donné ma fille en mariage au fils de ma sœur. J’en sais quelque chose. Chaque fois qu’il y a des brouilles, des petites disputes entre eux, ma sœur défend son fils et moi, je défends ma fille. Quand ça atteint un certain niveau entre eux, ça été la division dans la famille. Ma sœur et son mari ont décidé de ne plus m’adresser la parole. Depuis lors, elle n’a jamais mis pieds chez moi. »

Aïssatou S. en garde le mauvais souvenir. En classe de 10ème année, alors qu’elle n’avait que 15 ans, elle était retirée de force de l’école pour être donnée en mariage à son cousin âgé de plus de 30 ans. « J’étais en 10ème. Je préparais l’examen du BEPC, quand mon cousin s’est intéressé à moi. Mon père est venu me voir un soir pour me demander si ma mère m’a informée. De quoi ? rétorquai-je… Je vais te donner en mariage. Je l’ai supplié de me laisser continuer mes études. Il a refusé catégoriquement. Pis, il a menacé de renvoyer ma mère. J’étais donc obligée d’accepter sa proposition. Et je me suis mariée à mon cousin ». C’est le début du calvaire pour Aïssatou. « Quelques jours après le mariage, mon mari a complètement changé. Il était devenu violent, brutal, nerveux… Je ne le reconnaissais plus. Il crie à la maison à la moindre occasion. Mon mari n’hésitait pas à porter main sur moi. Il me frappait, me terrorisait… Il peut me réveiller en pleine nuit, il suffit que je lui dise que je suis fatiguée et il se jette sur moi… Presque toutes les nuits je subissais… J’avais maigri parce que j’étais stressée à chaque approche de la nuit… Mes amies m’interrogeaient, je ne savais pas comment leur raconter mon calvaire… Quand j’explique à mon père, il me dit c’est ton mari. Et d’ailleurs ce n’est pas à cause de moi leur famille va se disloquer. C’est quelques temps après, quand il s’est rendu compte de mes souffrances, qu’il a demandé à sa sœur de prendre son fils et lui il reprend sa fille. C’est ainsi que j’ai divorcé d’avec mon mari… Aujourd’hui je me suis remariée d’avec celui que j’aime et qui m’aime », relate avec soulagement Aïssatou S. Ces mariages consanguins sont le plus souvent officiés par des guides religieux.

Mais que dit l’Islam à ce sujet ?

Pour en savoir plus, nous nous sommes adressés à un responsable religieux. El Hadj Ibrahima Barry, 2ème Imam de la Mosquée du quartier MakyaTouré, dans la commune de Matoto. « Pour le mariage en famille, mariage entre les cousins, c’est bel et bien conseillé par la religion. Le Prophète (PSL), qui est notre modèle, est l’un des initiateurs des mariages en famille. Il a donné sa fille Fatima à Ali, son cousin. J’ai l’habitude de célébrer ces genres de mariages. En tant que guide religieux, on me prend souvent pour être témoin. Et ça marche ! Il n’y a aucun problème », tranche l’homme de Dieu.

Et la médecine dans tout ça ?

Pourtant, les mariages consanguins a des inconvénients médicaux, selon Dr D. Mady. responsable des services d’urgences dans une clinique privée de la place. « Le mariage consanguin ou le mariage entre les cousins n’est pas à l’avantage du couple et de la population. Parce que le fruit de cette union, peut être dramatique : le cas des enfants drépanocytaires, les enfants qui naissent avec la malformation et autres handicaps graves… Ces cas sont fréquents dans nos hôpitaux. Et généralement, il est difficile de les guérir. C’est compliqué… Imaginez un homme drépanocytaire et une femme drépanocytaire se mettent en couple, sous-prétexte qu’ils sont cousins et qu’ils peuvent se marier. Mais, ils mettront au monde un enfant drépanocytaire capable de faire des formes majeures et graves. »

En dépit des multiples sensibilisations, certaines familles sont restées attachées à ces vieilles traditions qui, selon elles contribuent à consolider la lignée.

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