Si l’erreur est humaine, dans le monde médical, elle est très souvent passée sous silence. En Guinée, personne ne connaît le nombre officiel d’accidents médicaux. Des associations de patients et des ONG avancent des chiffres alarmants. Mauvais diagnostics, interventions chirurgicales ratées, infections…Chaque année, des patients sortent des hôpitaux, des cliniques plus mal qu’en y entrant. Que devient-on lorsque ceux qui doivent prendre soin de nous, nous font du mal ? Lorsque ceux qui préservent notre vie la menacent ? Des centaines voire même des milliers d’hommes et de femmes sont victimes d’erreurs médicales dans les hôpitaux chaque semaine que Dieu fait. Comment continuer à avoir confiance en la médecine ? Comment obtenir réparation et retrouver une vie normale après ce crime silencieux ?
Si parmi des milliers de personnes hospitalisées, la majorité des cas se déroulent sans soucis, parfois la situation dérape et la vie des victimes bascule pour toujours. La terrible histoire de Bountou C, commence il y a deux ans. La petite écolière qui vit dans une famille recomposée prend la route de Boffa afin d’y passer les vacances scolaires aux côtés de son père. Sur place Bountou va tomber malade qui va enchaîner des fièvres.
Elle va souffrir de paludisme. « Elle est allée chez son père. Au départ tout allait bien. On s’appelait régulièrement. Un jour j’apprends qu’elle est tombée malade et qu’elle a été emmenée à l’hôpital où on va lui faire une injection. Quelques jours après, son pied est gonflé. On lui prescrit des médicaments qu’elle va prendre. Malgré ce traitement, le mal empirait. On va la prendre pour Conakry où nous avons fait le tour des hôpitaux. Là encore, rien. Sa santé s’est complètement dégradée. Le pied était complètement foutu », raconte dame Hawa B, la mère de la petite écolière.
Renseignements pris auprès de sa tante à Boffa, le médecin aurait injecté à la petite Bountou l’antipaludéen à un endroit contre-inscrit. Selon les spécialistes de la médecine, « pour les enfants de son âge, ce genre d’injection doit se faire au milieu de la cuisse et externe ». Mais le médecin aurait fait en interne de la cuisse, au mauvais endroit. Cette opération va, selon toujours les médecins spécialistes, « léser les vaisseaux sanguins, les tissus environnants et limiter la circulation du sang dans la jambe » de la petite Bountou qui va alors souffrir de mycose. Or, pour les spécialistes, « une mycose, c’est la mort préparée des cellules ou des tissus musculaires causée par une irrigation sanguine».
Pendant plusieurs mois donc, la jambe de Bountou va être sérieusement affectée (l’inflammation et la liquéfaction). La privatisation d’oxygène va alors causer le dégât. Le pied sera amputé. Que s’est-il passé ce jour-là ? Manque de concentration ? Négligence ou manque d’expérience ?
Plusieurs questions, qui restent sans réponse. Seulement voilà la souffrance d’une mère qui voit sa fille payer cher les conséquences de cette erreur médicale.
Djenab D. a 27 ans. Elle vit à Gbessia-Port 2.avec ses parents. Il y a cinq mois, cette jeune fille sortait d’une opération délicate. Pendant dix ans elle avait une tumeur mandibulaire très avancée. « Elle avait une petite boule qui lui démangeait qu’on a essayé de traiter dans des hôpitaux. Mais hélas ! On a fini par la soumettre à une opération dont le résultat est là. Ma fille est défigurée », nous raconte cette mère inconsolable. Mais que s’est-il passé pour que la vie de Djenab bascule ? Comme beaucoup d’autres, cette jeune fille est victime d’une erreur médicale.
Elle a aussi mené le combat sans fin. Son adolescence a commencé dans le chaos le plus total. Nous sommes en 2012 dans la ville de Linsan, quand un médecin fait un mauvais diagnostic de ce qui était le début d’une tumeur. Le temps passe et la tumeur va passer à une phase terminale.
Et à cet instant il n’y a plus rien à faire. Les parents de la jeune fille sont persuadés qu’elle aurait pu se débarrasser de cette tumeur sans même une opération. Sa vie va alors basculer. Elle va interrompre ses études.
Les cas cités illustrent bel et bien l’existence de ce mal pernicieux qu’est l’erreur médicale. C’est aujourd’hui un véritable drame dans nos hôpitaux. Tout le corps médical en est conscient, mais refuse d’admettre. C’est vrai. Essayer de faire reconnaître une erreur est extrêmement compliqué.
Malgré des éléments parfois accablants, l’erreur est rarement reconnue par le corps médical. Quel est le combat des victimes des multiples erreurs médicales ? Leurs familles préfèrent réclamer la vérité, obtenir réparation, comment éviter ces erreurs et comment être indemnisé ? Pour l’heure les victimes d’erreurs ou fautes médicales sont les oubliés de notre société.
C’est douloureux. Comment quelqu’un peut-il prêter serment, prendre l’engagement, vouloir prendre soin de la santé des populations et ne pas faire son travail avec sérieux ?
Les responsables de nos hôpitaux sont-ils au courant de ce drame aux conséquences irréversibles ? Accepteront-ils un jour, de soulever un coin du voile sur ce crime silencieux?