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Lélouma : pourquoi l’Etat traine toujours les pieds pour rendre opérationnel le centre de santé de Linsan-Saran (enquête)

Pour pallier ce déficit d’infrastructures sanitaires dans cette localité située à environ 120 kilomètres du centre-ville de Lélouma, les communautés ont mis les petits plats dans les grands pour construire un gigantesque bâtiment à plus de trois milliards de nos francs.

Ce bâtiment de plusieurs compartiments devait abriter le centre de santé amélioré. Mais hélas ! Depuis sa construction, il y a un peu moins d’une décennie, ce bâtiment flambant neuf n’est toujours pas équipé, donc toujours inopérationnel. Malgré le manque criard de services sanitaires (un centre de santé et deux postes de santé pour toute la sous-préfecture). Les communautés de cette localité où vivent près de douze mille âmes répartis en six districts, ne savent plus à quel saint se vouer. Pour avoir des soins de santé adéquats dans un hôpital préfectoral, il faut parcourir au moins 120 kilomètres. Face à cette triste réalité, la rédaction locale de votre site électronique Guinéenews s’est intéressé de très près à la situation.

Pourquoi construire un centre de santé amélioré à Linsan-Saran ?

La commune rurale de Linsan Saran est l’une des localités les plus enclavées de Lélouma. Parcourir les vingt kilomètres qui la séparent à la nationale Labé – Koundara est un véritable calvaire. En saison des pluies, l’axe est impraticable. Pendant la saison sèche, les populations sont confrontées à la dure montée ou à la fastidieuse descente de la chaine de montagnes qui ceinture la sous-préfecture. Du coup, les évacuations d’urgence sont coûteuses et assez compliquées pour les malades et leurs familles comme nous le confie le doyen El hadj Moussa Nimaga : « concernant ce centre de santé, ce sont nos ressortissants notamment basés en Angola, qui, compte tenu de notre enclavement et la longue distance sur des routes impraticables qui nous séparent des hôpitaux préfectoraux qui ont jugé nécessaire de se donner les mains pour construire cet édifice. Et ce, pour nous limiter les calvaires liés aux évacuations d’urgence. Parfois, pour les accouchements, les femmes rencontrent d’énormes difficultés. Surtout lorsqu’il y a des complications. Et parfois, on ne trouve même pas de véhicule pour les évacuer. Certaines accouchent en cours de route. Pour traiter d’autres maladies aussi, il faut aller jusqu’à Labé qui se situe à 120 kilomètres. Et pour rappel aussi, Linsan Saran se situe à 120km de Lélouma, de Gaoual et la même distance nous sépare de Mali-centre. Et comme vous le savez, avec une pareille situation, c’est assez compliqué pour les communautés. C’est ce qui aurait motivé la construction de ce bâtiment. « 

Dans la même optique, Mamadou Oury Diallo, le maire de la commune rurale confie : « effectivement, nos citoyens ont construit ce grand bâtiment destiné à abriter un centre de santé amélioré. L’objectif était d’offrir à nos populations ainsi que les populations riveraines de Gaoual et même de Koundara des soins de santé de qualité. Malheureusement tel n’est pas encore le cas. Le bâtiment est là mais sans équipements, donc non-opérationnel. Nous nous débrouillons avec l’ancien centre de santé qui commence à suinter et il y a quelques problèmes là-dessus. »

Quant à Elhadj Aliou Nimaga, l’un des promoteurs de la construction de ce centre, il explique comment l’initiative est née.  » En plus de notre enclavement, nous manquons énormément d’infrastructures dans cette localité. Il y a beaucoup de choses à faire à Linsan-Saran. Mais compte tenu des difficultés liées à l’accès aux soins de santé, nous avons pris l’initiative de construire par nos propres moyens un centre de santé amélioré. Parce que la santé est primordiale pour tout être humain. La pose de la première pierre a été effectuée en 2011, en présence des autorités régionales et préfectorales. Le bâtiment est achevé depuis quelques années.  Les travaux ont coûté près de 3 milliards 570 millions. Mais l’objectif n’est pas encore atteint. Car le centre n’est toujours pas opérationnel. Nous avons fait ce que nous pouvons. Maintenant la balle est dans le camp des autorités. Nous avons reçu la visite de trois ministres dans le site. Et je ne sais pourquoi on ne nous appuie pas pour équiper le centre« , a confié El hadj Aliou Nimaga.

Les causes de la non-opérationnalisation du centre

A travers les investigations menées par votre site électronique Guinéenews, nous avons découvert que pour avoir un tel hôpital, il faut d’abord des préalables. C’est ce qu’explique ici le Directeur Régional de la Santé de Labé :  » c’est vraiment un acte salutaire. Je félicité les ressortissants de Linsan-Saran. Ce bâtiment dont vous faites allusion, est un grand et solide bâtiment. Ils ont même introduit une demande auprès du ministère de la Santé. Leur souhait est d’avoir un hôpital. Le ministre nous avait instruit d’aller faire une évaluation « , explique Dr Mamadou Oudy Bah avant de poursuivre : ‘’vous savez, le ministère de la Santé a ce qu’on appelle une « carte sanitaire ». Dans chaque préfecture, il y a un hôpital préfectoral. Après l’hôpital, il y a les centres de santé dans les sous-préfectures. Dans les villages, il y a les postes de santé. Maintenant, les centres de santé améliorés sont destinés aux grandes agglomérations comme Yembérin. C’est pour vous dire qu’il faut un « nombre de populations très important » pour qu’on mette ici une structure améliorée. Parce que si tu mets par exemple un chirurgien dans une localité où il ne fait qu’une ou deux interventions par mois, il risque de se décourager.’’

Pour renchérir, le maire de la commune rurale déclaré non sans déplorer le manque de soutien de l’Etat :  » ce ne sont pas des techniciens de santé qui avaient procédé à la construction du bâtiment. Ce sont les citoyens, vue la nécessité, ce sont eux qui avaient pris le devant. Nous sommes aujourd’hui en train de chercher les moyens pour rectifier certaines choses sur le bâtiment. Et faire en même temps les toilettes, une fosse septique ensuite la salle d’accouchement, le magasin de stock et la pharmacie. Tout cela doit être corrigé. Vous savez aussi la situation sur le plan démographique est importante pour les structures sanitaires. Pour le moment, nous n’avons encore reçu aucun soutien de la part du gouvernement. »

A en croire Dr Oudy Bah, le directeur régional de la santé (DRS), il existe beaucoup d’autres conditions pour faire un centre de santé amélioré.

« Il faut de l’eau, du courant. Il faut aussi suffisamment de personnes. On a même calculé la population qui vient à Linsan-Saran. Le ratio est très faible. Nous sommes face à ce dilemme. Nous voulons vraiment aider. Mais devant l’impossible, nul n’est tenu. On est en train de réfléchir mais, on se demande comment garder un chirurgien là-bas et le motiver. Parce que c’est cela l’essentiel. Voyant aujourd’hui les besoins dans une sous-préfecture comme Linsan Saran comme Manda, Thiaguel Bori, on a besoin d’un centre de santé pour la consultation primaire curative, la prise en charge de la malnutrition et quand vous avez des états chirurgicaux, vous les référez. C’est là l’importance de l’hôpital de Lélouma ou de Labé », précise le DRS de Labé.

La colère et l’appel à l’aide des habitants de Linsan-Saran

El hadj Souleymane Kébé, notable de la localité, quant à lui, pense que même s’il y a eu quelques ratés dans la construction de cet édifice, il est du devoir de l’État de leur donner un coup de pouce.  » D’aucuns disent qu’on n’a pas pris le bon chemin. Mais non! Nous avons suivi le chemin. Par exemple, si ton fils te construit une maison pour l’habiter, tu ne peux pas dire comme ton fils ne t’a pas consulté bien avant, tu ne l’habites pas. Il faut que le gouvernement nous soutienne. En principe, c’est l’État qui devait construire cet édifice à notre place. Je demande donc son soutien », a-t-il lancé.

Aujourd’hui, El hadj Moussa Nimaga s’interroge pourquoi ce centre n’est toujours pas opérationnel avant d’appeler l’État de leur venir en aide : »avant la construction du bâtiment, nous avions effectué des démarches auprès des autorités. Mais je me demande où se situe aujourd’hui le blocage. On a tapé à plusieurs portes sans succès. Même les ministres sont informés de la situation. Et comme nous ne savons pas trop de l’administration, on demande des appuis. Nous sommes prêts à tout pour que ce centre ouvre pour le plus grand bien des populations. »

Quoi qu’il en soit le DRS se veut optimiste et espère qu’une solution ne tardera pas à être trouvée.

En tous les cas, l’espoir est permis et les citoyens de Linsan-Saran ont plus que jamais besoin d’une structure sanitaire de qualité pour abaisser les souffrances liées aux évacuations d’urgence.

 Abdourahamane Barry de retour de Linsan-Saran, Lélouma pour Guinéenews

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