Youssouf Sylla
Après 8 ans d’exil chez le President Ivoirien, Alhassane Outtara, un de ses protégés au plus fort de la crise ivoirienne, le retour de Compaoré dans son pays, sur ordre de la junte au pouvoir, revêt un double sens. Un redéploiement de la Françafrique au Burkina Faso et une tentative de faire cesser les attaques djihadistes. Attaques contre lesquelles, la junte au pouvoir se rend compte qu’elle a des limites.
En tout premier lieu, c’est un retour qui peut-être analysé comme un redéploiement de la Françafrique. Dans ce contexte, l’acte apparait comme le résultat d’un deal caché qui permet le retour dans son pays de Blaise Compaoré qui ne semble plus supporter l’exil, contre la clémence de la CEDEAO sur la durée de la transition proposée par la junte au pouvoir. A signaler que la fin de la transition dans ce pays est prévue en février 2025, du moins sur le papier. Cette clémence qui est vraisemblablement l’oeuvre des réseaux de la Françafrique, ne fait que rajouter à la crise de confiance de la CEDEAO, qui voit ainsi ses positions sur un pays évoluer au gré de facteurs extérieurs. Sur quelle forme d’autorité pourrait s’appuyer l’organisation sous regionale pour exiger plus de fermeté envers un autre pays, si à l’égard du Burkina Faso, il est possible de sentir le parfum d’un deal?
En seconde lieu, ce retour peut-être aussi regardé comme une tentative de la junte de faire cesser les attaques qui endeuillent les citoyens au Burkinabés. Personne n’ignore que c’est après la chute de Compaoré en 2014 que ce pays a connu des attaques djihadistes qui ne cessent d’ailleurs de gagner en importance. A son temps, Compaoré avait réussi à protéger son pays à cause des contacts serrés qu’il avait avec les responsables des groupes djihadistes, qui aussi, trouvaient en lui, un interlocuteur digne de confiance. Toutefois, depuis cette date, la géopolitique du Sahel a énormément évolué. La mouvance djihadiste s’est renforcée et ses réseaux sont devenus plus denses, avec désormais l’ambition d’etendre un contrôle plus important sur le golfe de Guinée. N’étant plus aux commandes, Compaoré aurait-il les moyens d’influencer ces réseaux et de réduire leur agressivité dans le Sahel, y compris dans son propre pays? Autant de questions sur l’étendue de ses marges de manœuvre dans contexte politico-securitaire completement renouvelé.
Quelque soit le sens qu’on collera à la décision de la junte d’autoriser le retour de Blaise Compaoré dans son pays, il n’en demeure pas moins que ce retour est un véritable coup de massue à la crédibilité de la justice Burkinabé, qui a travaillé d’arrache-pied, pour enfin établir à l’issue d’un procès contradictoire, la culpabilité de Compaoré dans l’assassinat en 1987, d’une des icônes du panafricanisme, le President Thomas Sankara. Au lieu d’être amené à purger sa lourde peine, les nouvelles autorités de la transition, l’invitent plutôt à contribuer à la réconciliation nationale, à travers une forme de « réhabilitation de fait », fêtée par ses partisans. Il y a bien évidemment là une raison d’être dubitatif sur l’atteinte de cet objectif si on regarde le Burkina dans sa diversité. Cette raison est liée à l’éventuelle montée en puissance du sentiment d’impunité et même de trahison chez tous ceux et celles qui se sont battus dans ce pays pour que la lumière soit faire sur l’assassinat de Thomas Sankara.