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Le ministre Alpha Bacar: «dans les écoles de Santé, on forme des assassins potentiels»

Dans le secteur éducatif guinéen, le mal est profond, mais il est encore plus profond dans l’enseignement technique. C’est un tableau sombre du secteur qu’a dépeint ce 1er juillet 2022 lors d’une conférence de presse. C’est entre autres, des écoles de formation professionnelle qui n’ont aucun équipement, d’autres qui manquent d’enseignants, d’encadreurs, des écoles de santé qui déversent sur le marché de l’emploi des agents très mal formés. Cette triste réalité a été mise à nue grâce à l’immersion du Gouvernement à l’intérieur du pays entre mai et juin 2022.

« Pour ce qui est de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, les centres de formation professionnelle de proximité, de Conakry jusqu’à N’Zérékoré, n’ont pas été rénovés depuis une décennie. C’est vous dire dans quelles conditions nous avons trouvé ces infrastructures, dans quelles conditions nous avons trouvé les équipements et dans quelles conditions nous avons trouvé les apprenants. L’enseignement technique c’est 30% de formation technique et 70% de formation pratique. Vous avez des équipements qui étaient en panne depuis plus d’une décennie, qui n’ont jamais été réparés.  Vous avez des écoles qui ont des équipements, qui ont des infrastructures, qui ont des élèves, mais qui n’ont pas d’énergie pour faire fonctionner les équipements. Je parle notamment des Ecoles nationales des arts et métiers (ERAM). Ce sont des grandes infrastructures qui sont finies depuis 2017, mais qui n’ont jamais fonctionné. Ensuite vous avez des écoles de proximité qu’on appelle des centres d’apprentissage et de formation post-primaire et secondaire. Ce sont des écoles aménagées pour nos compatriotes qui sont en situation d’abandon scolaire, qui ne sont jamais allés à l’école mais qui ont envie d’apprendre un métier et de s’insérer dans le tissu socioéconomique. Pour le cas du CFP de N’Zérékoré, vous n’avez pas une seule machine de menuiserie qui fonctionne et vous avez une filière de menuiserie. Vous n’avez pas un seul équipement d’électricité alors que nous avons une filière électricité. Les enfants sont obligés de se débrouiller », a expliqué le ministre de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Alpha Bacar Barry.

En fin d’année, plusieurs fonctionnaires, dont des cadres de l’enseignement technique, ont été mis à la retraite. Ce qui va aussi avoir un impact sur le secteur, car le temps d’avoir un formateur de qualité, il faut au moins trois ans, selon Alpha Bacar Barry : « Pour ce qui est de l’enseignement technique, pour avoir un formateur de qualité il faut compter au minimum 3 ans, de la formation initiale de base à la mise en situation de classe. Ensuite il faut compter les perfectionnements et les formations continues. […] Il n’y a pas de formateurs en quantité pour pouvoir assurer la formation optimale de l’ensemble des apprenants qui sont dans ces écoles. Et vous n’avez pas de personnels d’encadrement. Il y a de ces écoles qui ont des directeurs, des directeurs adjoints, des directeurs de groupes jusqu’au niveau du SAF, tout le monde était intérimaire, parce que les titulaires étaient allés à la retraite

L’autre problème auquel sont confrontées ces écoles de formation professionnelle, c’est notamment le manque d’équipements : « Vous avez des filières qui existent dans les écoles, mais il n’y a aucun formateur. Il n’y a pas de chef d’atelier, il n’y a pas de chef de travaux. Ce sont là les constats. Ces constats sont partagés dans toutes les régions que nous avons visitées. Vous avez également dans ces écoles un problème de capacité de fonctionnement. Pour faire de la pratique, il y a un besoin de matières d’œuvre. La matière d’œuvre, c’est un investissement récurrent. Il faut du ciment, du sable et du gravier pour les apprenants en maçonnerie, il faut du bois pour les apprenants en menuiserie, il faut des fils pour les apprenants en électricité. Et à chaque fois qu’ils utilisent cette matière d’œuvre il faut la renouveler, parce que les pièces qui ont été conçues suite à ces sessions pratiques on ne peut pas les démonter pour récupérer par exemple le ciment ou le sable. Donc c’est un investissement récurrent qui ne se retrouve pas dans le budget du ministère. »

Selon le ministre de l’Enseignement technique, la pourriture se trouve dans les écoles de santé où il n’est pas rare de voir des apprenants sortis de ces écoles incapables de faire une perfusion. Il va jusqu’à dire que ce sont « des assassins potentiels » qui sont formés dans ces écoles : « Nous avons constaté une pagaille totale dans certaines filières  de l’enseignement privé. Je parle des écoles de santé et au niveau du public, mais surtout au niveau du privé qui, aujourd’hui, n’ont aucun cadre d’évaluation. Il n’y a pas de cadre pour vérifier la qualité de la formation et pire, nos écoles de santé forment des assassins potentiels. La formation pratique n’est pas de mise, les sessions de stage ne sont pas assurées. Et vous trouvez des structures de santé à l’intérieur du pays, plus de stagiaires que de malades. Vous pouvez rencontrer des diplômés des écoles de santé qui ne savent pas faire une simple perfusion, qui n’ont jamais vu un mannequin pour la pratique. C’est grave, c’est alarmant. »

Les problèmes ne se situent pas seulement qu’au niveau de l’enseignement. Le cadre de travail des membres du ministère était, avant le 5 septembre dernier, une autre problématique qui ternissait même l’image du département. Car des hauts cadres se rendaient dans le quartier pour aller aux toilettes.

«Moi j’ai hérité d’un ministère où il n’y a pas de manuel de procédure, on n’a pas revu et adapté les missions des différentes structures du ministère. Pour ceux qui connaissent le ministère de l’Enseignement technique à Tombo, franchement ce n’était pas un ministère, ce n’était pas un bâtiment dans lequel vous pouvez inviter un de vos cadres pour travailler. Les Directeurs nationaux, les directeurs généraux se débrouillaient dans les quartiers pour aller aux toilettes. Nous avons trouvé ça indécent, inacceptable. Et on a rapidement pensé à nous doter d’un siège décent », a fait savoir le ministre Alpha Bacar, avant d’ajouter qu’il n’a trouvé que 3 ordinateurs fonctionnels et qu’à date, il n’y a que 4 véhicules pour son département : « Ensuite, sur un semble de près de 1000 travailleurs, nous n’avons pas trouvé plus de 3 ordinateurs fonctionnels. Jusqu’à présent où je vous parle, il n’y a pas plus de quatre véhicules dans l’ensemble du département. Comment voulez-vous que les gens travaillent dans ces conditions ? »

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