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« Le football guinéen doit soigner ses plaies », dixit l’ex international Keita Mohamed Cheick alias « Cocody »

Rencontré au vieux stade du 28 septembre dans la commune de Dixinn, où il devait assister à une réunion des anciens internationaux du célèbre Hafia 77, malgré que l’attente fut longue,  Keita Mohamed Cheick alias ‘’Cocody’’, ex sociétaire du Hafia football club et du Syli national, finira par se prêter aux questions de votre site électronique Guineenews.

Le synopsis habituel de la rubrique ‘’Que sont-ils devenus’’ a été volontairement contourné par l’invité.

C’est ainsi qu’il s’abstiendra d’énoncer sa filiation, son état matrimonial, son cursus scolaire ou universitaire ainsi que sa fonction actuelle.

Rassuré pour le respect accordé à son vouloir, avec une réelle assurance, cet ex international guinéen remis en confiance, s’est livré aux questions de votre rubrique.

Keita Cheick Mohamed ‘’Cocody’’, dans cette interview, nous décrit comment il est venu au football, son parcours de la base au sommet.

‘’Cocody’’ relate aussi son plus beau souvenir en qualité de remplaçant de l’ex-international feu Papa Camara, lors d’un match qui a opposé la Guinée à la Tunisie, au stade du 28 septembre. Il colle à ce beau souvenir, un autre qu’il classe parmi les mauvais et qui constitue sa non-participation en qualité de titulaire, lors de la finale Hafia-Hearts of Oak du Ghana au stade du 28 septembre à Conakry.

Poursuivant, selon son point de vue, il fustige ce manque de main tendue qu’à développer et entretenu les dirigeants qui se sont succédé dans la gestion du football guinéen. Et finalement il déplore la place qu’occupe actuellement le football guinéen sur l’échiquier continental et condamne l’indiscipline qui règne au sein de l’effectif et le manque de rigueur de la part des encadreurs.

Il n’est certes pas médecin chirurgien de profession, mais Keita Cheick Mohamed conseille ceci au football guinéen: soignons nos plaies avant le jour J.

Lisez l’interview.

Guineenews : Bonjour M. Kéita. Comment êtes-vous venu au football. Et si vous profitiez de cet entretien pour relater votre parcours ?

Keita Cheick Mohamed ‘’Cocody’’ : Je souhaiterai tout d’abord vous dire comment ce pseudonyme ‘’Cocody’’ m’a été collé sur le dos. Très jeune, j’ai tellement aimé la Côte d’Ivoire et précisément cette ville dénommée ‘’cocody’’ (Cocody est en réalité un quartier huppé d’Abidjan, ndlr), que finalement ce nom me fut octroyer.

C’est aux îles de Kassa que j’ai commencé à jouer au football. Et permettez-moi de rendre hommage à cet instituteur du nom de Joe Wright qui a cru très tôt en mes qualités et qui tenait mes bras pour me conduire sur le terrain de football. Les aînés s’entrainaient à partir de 16 heures et il a toujours profité de faire valoir mes talents en compagnie de Billy qui aujourd’hui sert à Kamsar avant ces heures indiquées pour l’entraînement de nos aînés. C’est ainsi que j’ai commencé à mettre en exergue mes talents très tôt à bas âge.

Je me souviens encore, arrivé au collège toujours dans ces îles et précisément à Fotoba, je suis venu jouer au chef-lieu d’arrondissement d’antan qui est Kassa, au compte de Fotoba. Après ce duel entre Fotoba et Kassa, le lendemain, les amis m’ont conduit vers Ballakè qui était l’un des meilleurs sportifs des îles de Kassa. Ce jour par prédilection et je m’en souviens encore, cet aîné a dit devant tout le monde que j’appartiendrai un jour à un haut niveau dans le football.

Par la suite,  quand je suis venu à Conakry, j’habitais dans le quartier appelé à l’époque Momo Camara et c’est en Coronthie. Mon arrivée a coïncidé à l’organisation d’un tournoi inter quartier. C’est ainsi par le biais d’un de mes cousins du nom de Soumah Souleymane ‘’Kaido’’ que j’ai été présenté au chef de quartier du nom de Ernest, qui était à la recherche des joueurs pour représenter le quartier. Laissez-moi vous dire que c’est après de rudes tractations avec les dirigeants de Kassa, que je fus libéré pour venir jouer au compte du quartier Momo Camara dans la commune de Kaloum. Ce fut mes tout débuts dans la capitale Conakry. Un début qui m’a porté chance, puisque le quartier avait remporté la coupe cette année-là.

Après l’équipe du quartier Momo Camara, je fus sélectionné au compte de l’équipe du 3ème arrondissement. J’ai évolué plusieurs années dans cette équipe où finalement, j’ai failli me décourager à cause du comportement des dirigeants qui étaient injustes envers moi. Pour la petite histoire, c’était à la veille d’une compétition entre les arrondissements dénommée ‘’Coupe Andrée Touré’’. J’ai boudé l’internat puisque les dirigeants ne m’ont pas prévu en chaussures et pourtant, j’étais titulaire. Je n’avais qu’une seule chaussure et cela va certainement vous faire rire. Après chaque fin d’entrainement, j’envoyais cette chaussure au marché pour la faire coudre et la reprendre le lendemain pour l’entraînement. Ce cordonnier qui me faisait quotidiennement ce travail est un albinos, qui est toujours au marché Niger. Au match aller quand j’ai quitté l’internat, le 3ème arrondissement a failli perdre la rencontre. C’est ainsi que je fus réclamé et seulement qu’aucun dirigeant n’a eu le courage de venir me chercher à Domicile, sachant l’injustice dont j’ai été victime. C’est feu Sékou Oumar Kaba ‘’Orlando’’, (paix à son âme), qui viendra négocier mon retour avec l’appui de ma grande sœur. La suite m’a bien réussi et au bout du compte, buteur de surcroît, nous avions remporté cette édition.

Après cette finale, Maître Naby qui était alors Directeur technique national a dépêché l’entraîneur Sall pour venir me chercher et m’intégrer au sein de l’équipe nationale junior. J’ai longtemps évolué au sein de cette sélection et livré plusieurs rencontres internationales à Conakry et à l’extérieur.

Après la défaite du Hafia à Alger contre le Mouloudia club d’Alger, il y a eu la refonte des équipes et je fus sélectionné dans le Hafia football club en compagnie de feu Amara Touré ‘’Pelé’’, Jimmy, Seydouba Bangoura, Calva 2.

J’ai eu l’opportunité de faire partie de cette glorieuse équipe qui a remporté le triplé en 1977, bien que je n’aie pas été titulaire lors de la finale.

Guineenews : Après tout ce glorieux parcours, il y a certainement des souvenirs qui vous reviennent. Ils peuvent être bons ou mauvais. Que retenez-vous dans l’un ou l’autre cas de figure ?

Keita Cheick Mohamed ‘’Cocody’’ : Mon plus beau souvenir est le match en sélection contre la Tunisie à Conakry. Je n’étais pas titulaire du jour. Ce qui m’a marqué c’est d’être désigné pour remplacer feu Papa Camara. Il a été touché au genou ce jour. Imaginez l’immense responsabilité qui m’incombait ce jour en remplaçant un joueur de la  trempe de Papa Camara et qui était le capitaine. Tout le public s’était levé pour manifester du fait de sortir Papa Camara et faire rentrer le jeune ‘’Cocody’’. Je vous rappelle que son excellence Isto Keira faisait partie de ses supporters qui n’étaient pas d’accord sur la décision de Maître Naby. Ce sont eux qui dirigeaient la place ‘’Maracaña’’ du stade du 28 septembre.

Personnellement, je ne m’attendais pas à remplacer Papa. Sauf que je savais que lors des entraînements, Maître Naby avait confiance en moi et me prodiguais assez de conseils. Ce jour, j’ai profité de ses conseils et la première balle que j’ai reçue, j’ai contourné le Tunisien et ayant eu l’axe dans les 18 mètres, j’ai armé le tir qui est venu raser la barre transversale. Ce fut mon tonus ce jour car, tout le stade s’était levé pour l’applaudir et je suis rentré dans le match. Nous étions menés par le score de 1 but à 0. Finalement, c’est moi qui ai pu marquer le but égalisateur. Cela restera l’un des plus beaux souvenirs du parcours.

Le plus mauvais est ma non-participation à la finale de 1977 contre le Hearts of Oak du Ghana à Conakry. J’avais la conviction d’être aligné ce jour puisque, j’étais au top et véritablement en forme. Malheureusement, les pressions ont eu leurs places et des anciens qui devraient prendre la retraite ont été favorisés. Néanmoins, je faisais partie des 22 joueurs et j’ai obtenu ma médaille d’or. C’est un mauvais souvenir car, je voulais faire un miracle ce jour.

Guineenews : En tant qu’ancien international, quel est votre point de vue sur le football guinéen ?

Keita Cheick Mohamed ‘’Cocody’’ : Le football guinéen ne mérite pas ce que nous vivons maintenant. Les dirigeants qui sont venus après n’ont pas été sincères. Ils n’ont pas voulu associer les anciens, qui ont eu de l’expérience avant eux dans la gestion du football guinéen. Par contre, ils ont développé chez la jeune génération de footballeurs qui sont venus après nous, un esprit répulsif. Ces jeunes n’ont jamais voulu nous approcher et ces dirigeants ont encré dans leurs têtes que nous ne les aimons pas, puisqu’ils gagnent de l’argent et ils évoluent à l’extérieur. Cet état d’esprit est resté jusqu’à nos jours. Beaucoup d’anciens parmi nous ont été des dirigeants à plusieurs niveaux. Le football guinéen de cette union de plusieurs, pouvait le mener à bon port. Ce retard ne vient pas seulement des résultats obtenus par les footballeurs sur le terrain. L’esprit patriotique est en train de disparaître pour laisser place au mercantilisme. Tout le monde court derrière l’argent en oubliant la nation qui est une et indivisible. Je regrette le niveau actuel du football guinéen. Nous évoluons à l’emporte-pièce, des victoires obtenues  sans aucune conviction à l’avance. Il faut revoir et panser les plaies, avant ces grandes compétitions qui vont pointer.

Guineenews : c’est un ras le bol qui vous anime en ce moment ?

Keita Cheick Mohamed’Cocody’’ : Loin d’un ras le bol, cela me fait mal de voir le niveau actuel du football guinéen et qui jadis occupait une place de choix sur le plan africain et international. Il y a de ces pratiques qui se passent actuellement en son sein et qui ne font pas honneur à notre football et aux  dirigeants. J’ai approché un ami qui est haut placé et qui m’a confirmé qu’il y a eu des joueurs qui en pleine compétition sont partis avec des filles à l’hôtel. C’est écœurant ce manque de discipline qui rattrape les jeunes. Des joueurs qui sont en sélection et qui se permettent de telles pratiques aux yeux des dirigeants, c’est une indiscipline caractérisée et un manque total de rigueur de la part des dirigeants.

Je vais vous raconter une anecdote. A Kinshasa où j’étais titulaire lors d’un match, les dirigeants m’ont écarté puisque j’ai quitté l’internat en compagnie d’un ami libanais pour aller chercher une cassette de football à visionner. Au retour précipité, j’ai trouvé que tout le monde était parti à l’ambassade. Il a fallu l’intervention de tout un chacun et surtout du chef de la délégation pour m’intégrer dans les rangs. Tout ça, pour vous dire qu’à notre temps,la rigueur était là et quel que soit ton talent, tu étais obligé de te soumettre aux règles et principes. Nous étions façonnés, moulés dans une discipline qui ne disait pas son nom. Maintenant , on ne peut même pas sanctionner un joueur. Ce n’est pas la faute du joueur, ce sont les dirigeants qui sont indulgents et qui n’assument pas leurs responsabilités. C’est regrettable. Ces jeunes ont du talent, il y en a parmi eux qui regorgent plus de talents que plusieurs parmi notre génération. Malheureusement c’est la conscience et l’engagement qui leur manquent. Comme je l’ai dit à l’entame, le football guinéen doit mériter plus que cette place qu’il occupe présentement sur l’échiquier continental. Soignons donc nos plaies, avant l’arrivée des choses sérieuses.

Entretien réalisé par LY Abdoul pour Guineenews.

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