Le directeur de l’Institut de recherche environnementale de Bossou, le seul docteur en primatologie en Guinée, Ali Gaspard Soumah révèle dans un entretien accordé à Guinéenews©, les véritables causes de la diminution des chimpanzés à Bossou, localité située à la lisière des monts Nimba. Selon ce chercheur que nous avons rencontré sur place, « pour faire des recherches dans les laboratoires en milieu naturel, il faut d’abord faire la conservation du milieu. Cette conservation du milieu, pour être efficace et durable doit associer les populations environnantes aux enjeux de la conservation, d’où la nécessité de faire une éducation ». Ali Gaspard Soumah ajoute ensuite qu’une nature bien conversée, c’est la beauté, ça attire, les gens viennent regarder d’où l’éco-tourisme. Voilà les quatre activités majeures dans la conservation de la nature. « Ce qui est de la recherche, il y a au moins 200 articles qui sont publiés sur les chimpanzés de Bossou dans divers domaines. Que ce soit sur les relations sociales, sur l’alimentation et sur le milieu physique. Il y a un volume important d’informations sur les chimpanzés de Bossou », indique le chercheur. Rappelant que « de 1976 jusqu’à maintenant, il y a de cela 40 ans, que les recherches ont commencé sur les chimpanzés de Bossou. » Il a ensuite mentionné que « la population des chimpanzés est bien connue depuis 1976. A l’époque, il y avait 22 chimpanzés. Puis de 22, on est tombé à 19 chimpanzés. En trois décennies, c’est-à-dire de 1976 à 2003, le nombre de la population est resté relativement stable entre 21 et 19 individus sur 27 ans. Et aujourd’hui, il ne reste que 07 individus», déplore-t-il. Il y a trois raisons à cela, dit-il. La première raison c’est la perte de l’habitat, c’est-à-dire la déforestation liée à notre mode de vie et l’agriculture itinérante sur brûlis. « Quand j’ai pris fonction comme directeur ici à Bossou en 2009, j’ai mobilisé mes collègues pour faire l’état des lieux. On a trouvé qu’il y avait des champs installés sur une superficie de 18 hectares 200 mètres. Ça c’est la première cause », affirme Ali Gaspard Soumah. « Nous avons fait des levées GPS, et on a projeté sur une carte. Là, on a interpellé les gens sur les dégâts causés par l’homme sur l’habitat de ces primates. » Il ajoutera aussi que « la forêt c’est le gite et couvert, la maison pour dormir et la marmite pour manger. Plus la forêt est grande, la marmite est grande pour manger ». « Quand la forêt se rétrécie la diversité floristique est compromise, ce qui fait que dans certaines périodes, il y a à manger et d’autres il n’y a pas à manger, parce que les chimpanzés mangent jusqu’à 60 % de fruits dans leurs régimes alimentaires. Et quand il n’y a pas de fruits, c’est la divagation dans les champs pour causer des dégâts à la recherche de la nourriture », soutient Ali Gaspard Soumah. A en croire notre interlocuteur, « le deuxième facteur de la décroissance de la population, c’est la maladie contagieuse. En 2003, il y a eu une épidémie qui a éclaté à Bossou et qui a causé la mort de sept chimpanzés. Nous avons les ossements de cinq individus que nous avons retrouvés et les deux autres on n’a pas retrouvé les corps », a-t-il révélé. Donc de 19 individus, il ne restait plus que 12, à partir de 2004. « C’est une maladie respiratoire qui fait que les chimpanzés avaient du mal à respirer et qui sont morts. On a estimé que c’est dû à une contamination parce qu’à l’époque en 2003, il y avait beaucoup de réfugiés du Liberia qui fuyaient la guerre civile. Cette présence massive des réfugiés a donc affecté la forêt qui abrite cette population de chimpanzés », reconnait le chercheur, pour justifier la décroissance démographique chez ces singes. D’après ce chercheur, « aujourd’hui c’est clair que les études établies à partir de la Côte d’Ivoire chez professeur Buëch, en Afrique centrale et en Afrique australe, les maladies qui déciment les populations des chimpanzés et les gorilles dans la nature, ce sont des maladies dues à des virus d’origine humaine. » Selon lui, c’est l’homme qui contamine les grands singes dans leurs milieux naturels. L’autre facteur, d’après toujours son explication porte sur « l’isolement géographique et génétique, résultant de la déforestation, parce que cette déforestation a entraîné la fragmentation de l’habitat de ces animaux. » « Le mont nimba qui est une chaîne de 40 kilomètres qui vient de la Côte d’ivoire, en passant la Guinée pour le Liberia, mais seulement la forêt qui l’entoure c’est la forêt des chimpanzés. Où se trouvent le mont Gban, le mont Wheaton et le mont ghee qui s’étendent sur une superficie de 320 hectares, que nous avons réussi aujourd’hui à préserver », précise notre interlocuteur. Il fera comprendre également que par le décret de 2010, la forêt de Bossou a été classée pour le compte de la réserve des biosphères des monts Nimba, dont une aire centrale de la réserve a été classé comme un site mondial. Avant de rappeler que les monts Nimba ont été classés pour la première fois en 1944 par le gouvernement de l’AOF comme réserve naturelle intégrale. Ce statut a été maintenu après l’indépendance. Et finalement en 2010, le gouvernement a pris un décret pour actualiser les différents statuts des classements. Puis « en 1980, les monts Nimba ont été classés réserve des biosphères par l’Unesco, à la demande du gouvernement guinéen. Ensuite en 1981 le site a été classé site du patrimoine mondial de l’humanité. Et le décret de 2010 reconnait tous ses classements, redéfinit les limites et classe Bossou dans la réserve de la Biosphère des monts Nimba », a-t-il conclu.