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Le défi du logement en Guinée…

Parmi les innombrables problèmes dont souffre la population mondiale aujourd’hui, l’accès à un logement de qualité est sans doute l’un des plus préoccupants. Selon l’ONU-Habitat, 1 milliard et 600 millions de personnes dans le monde vivent dans des logements inadéquats. Parmi ces personnes, 15 millions sont expulsées de force chaque année, notamment à cause du prix du logement qui devient insupportable pour la plupart, mais aussi en raison des occupations parfois irrégulières des domaines habités. La Banque mondiale estime quant à elle à 285 millions le nombre d’africains qui n’ont pas accès à un logement décent, cela représente 2/3 de la population urbaine d’Afrique. Malheureusement, la Guinée ne fait pas exception à cette réalité qui constitue aujourd’hui pour le pays un fléau aussi grave que la pandémie du coronavirus ou de la fièvre hémorragique à virus Ébola. Pourquoi ? Parce que le fait d’être privé d’un logement adéquat expose l’individu à un cadre de vie favorable aux contaminations communautaires et donc à l’expansion du virus et le développement d’autres types de maladies.

En Guinée, parmi les facteurs responsables du manque de logements adéquats, on peut citer le déficit d’industrialisation du pays qui aggrave le chômage des jeunes; les bas salaires qui empêchent les classes défavorisées de satisfaire à leurs besoins essentiels; la mondialisation qui a eu pour effet d’augmenter la pression sur les loyers à Conakry et d’engendrer une spéculation sur le foncier en raison de la forte demande en logements de la part de personnes immigrantes ou nomades, dont une bonne partie de la diaspora. On peut également parler de l’impact d’une gentrification effrénée qui a fait augmenter le montant des loyers dans la capitale et dans les villes minières. Cette gentrification s’est traduite concrètement dans l’espace urbain par l’occupation massive de certains quartiers de la capitale par des classes sociales favorisées au détriment des classes plus modestes qui l’occupaient auparavant. Ces dernières poussées par la pauvreté et le manque de débouchés se voient contraintes de vendre leurs propriétés pour aller se refaire une vie ailleurs en périphérie ou au village. Il en résulte une transformation plus ou moins rapide du statut social et économique du quartier ou de la ville concernés, car ce processus de vente et de réinstallation risque de se répéter toujours pour les classes pauvres à la recherche de débouchés pour assurer leur survie.

Outre ces raisons, il faut surtout indexer le manque d’engagement de l’État qui jusqu’à présent, en dehors des déclarations verbales infructueuses et malgré l’élaboration d’un plan national de développement économique et social (PNDES), ne fait rien encore de concret sur le terrain pour résoudre la crise du logement dans la capitale et dans les principales villes du pays. Bien au contraire, le gouvernement guinéen s’est plutôt employé dernièrement à saisir ce qu’il appelle les « domaines de l’État » en procédant à des expulsions forcées de populations installées depuis des décennies, détruisant leurs maisons et les laissant pour compte sans aucun dédommagement pour la majorité d’entre elles. En vérité, une telle attitude gouvernementale relève de la pure injustice et d’un dysfonctionnement total des institutions démocratiques dans la mesure où les populations qui sont déshéritées de leurs biens ont été installées « légalement » dans ces lieux grâce à la complicité d’une administration corrompue. Le président de la République l’avait d’ailleurs reconnu lui-même dans une déclaration à la nation datant du 22 novembrede l’année dernière, où il affirmait que « si beaucoup de gens ont construit sans autorisation c’est la faute de l’administration… c’est la faute au ministère de l’urbanisme. » Dans ces circonstances quelle est le fondement légitime de ces déguerpissements par la force ?

Certes, il faut ici faire une distinction entre l’occupation illégale des emprises des voies routières par les commerces et les marchands ambulants d’une part, et d’autre part l’occupation par des personnes et des familles d’espaces bâtis qualifiés de « domaines de l’État ». Dans le premier cas, tous ceux qui occupent arbitrairement nos routes et leurs environs et qui empêchent ainsi la circulation de se dérouler correctement méritent d’être déguerpis par la force. Alors que dans le second cas, cette forme d’occupation est plutôt légale quant à elle dès lors que ce sont les autorités de l’administration publique compétente elle-même qui l’autorisent. Que cette administration soit corrompue et irresponsable ou pas, c’est son problème. Mais les pauvres citoyens ne doivent pas être tenus pour responsables de ce problème. Et dans le cas où l’exigence d’utilité publique oblige à les faire exproprier leurs biens en les invitant à quitter les lieux, cela devrait se faire dans le strict respect de la loi et de leurs droits à des indemnisations en proportion de la valeur de leurs biens.

Ceci dit, un fait plus déplorable encore à relever dans cette opération du gouvernement est de voir que ces démolitions de maisons ne sont pas accompagnées par un projet de restructuration immédiate ou tout au moins à très court terme de ces quartiers démembrés. Conséquence : ces espaces vides créés au milieu de la ville sont laissés dans tous leurs états, sans périmètre de sécurité, entre poussières toxiques et amoncellements de débris ferreux qui peuvent s’avérer dangereux pour la sécurité des habitants qui les côtoient et pour les passants. Or, le véritable enjeu serait d’avoir au préalable une planification en amont de telles opérations qui permette de savoir quel genre de projet faire à la place des lieux laissés vacants et dans délai le faire.

Pour conclure, disons qu’il revient à l’État d’assumer toute sa responsabilité en mettant en œuvre une politique de l’habitat digne de nom. Celle-ci doit viser la construction de logements salubres, à bon marché et orientés vers l’accession à la propriété individuelle. Aussi, la révision du Schéma National d’Aménagement du Territoire annoncée par le ministre lors du premier forum urbain national tenu à Conakry en décembre 2019 est encore conjuguée au futur. Il faut maintenant agir. Il ne suffit pas d’annoncer des projets, il faut surtout les réaliser.
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