Pour Laurent Correau, Rédacteur en chef Afrique de la RFI et l’un des coordonnateurs des travaux de «Mémoire Collective/une histoire plurielle des violences politiques en Guinée », ce livre, déjà sujet à de vives polémiques à Conakry, devrait être pris comme une simple ‘’contribution d’amis’’ à l’immense chantier mémoriel de la Guinée. Nous vous proposons une sélection des questions des journalistes auxquels il a répondu peu avant le lancement de la cérémonie de dédicace.
Parlez-nous de ce livre qui a été dédicacé ce mardi 25 septembre au Palais du peuple de Conakry ?
Laurent Correau : Aujourd’hui, nous avons le grand plaisir de partager avec le public le résultat d’un travail qui nous a pris un an et demi sur l’histoire des violences politiques en Guinée. Le livre s’appelle ‘’Mémoire Collective’’ et comme son nom l’indique, rassemble les points de vue les plus différents possible de l’histoire de la Guinée. L’histoire des violences politiques en tout cas. Nous racontons cette histoire avec des auteurs guinéens et non guinéens. Cette histoire qui commence en 1954, quelques années avant l’indépendance, jusqu’au massacre du 28 septembre 2009. Ce livre est avec énormément de photographies pour l’illustrer […] Il y a énormément de choses dans ce livre. C’est impossible de résumer 350 pages en quelques mots, je pense que ce qui est important, c’est par exemple le sujet des complots. C’est un sujet tellement polémique dans l’histoire de la Guinée. Nous essayons de bien montrer la complexité de ce que sont les complots. Par exemple, nous avons un article qui documente l’action qui a été menée par les services français en 1960 pour déstabiliser le tout jeune régime guinéen. Il y a eu des reportages, mais il y a eu également un gros travail d’archives. Par exemple, sur le complot de 1960, il a fallu aller fouiller dans les archives du Fonds Foccart, dans les archives du ministère de la Défense et du ministère des Affaires étrangères (les ministères français), et à partir de là on a réussi à composer le récit le plus complet possible.
Pourquoi revenir sur l’histoire des violences politiques en Guinée ?
Laurent Correau : Le problème des violences politiques c’est qu’elles cristallisent la mémoire. Tant que l’on n’a pas résolu ce problème de la mémoire des violences politiques, on ne parvient pas à avancer, on ne réussi pas à faire une histoire culturelle, une histoire musicale. En tout cas, pour nous, il semblait pertinent de travailler sur cette histoire de violences politiques. Nous nous sommes dit que souvent, on a besoin d’être aidé par un regard extérieur sur des sujets qui peuvent être difficiles. Par exemple, les Français ont eu énormément du mal à écrire l’histoire de la guerre d’Algérie. Ce sont des historiens américains ou anglais qui ont pu apporter un regard neuf sur ces époques. Alors, nous nous sommes dit que nous avions peut-être une contribution à apporter sur ce sujet.
Pensez-vous qu’une année et demie suffisent pour établir une mémoire collective des Guinéen ?
Laurent Correau : C’est un chantier qui a commencé bien avant nous, et qui se poursuivra très largement après nous. Nous, ce que nous souhaitons simplement c’est apporter une pierre dans cet immense chantier mémorial guinéen. Effectivement, ce n’est pas assez. La Guinée possède suffisamment d’historiens et d’intellectuels imminents pour réussir à compléter ce travail. Nous, nous n’avons fait qu’apporter un élément à ce travail.
C’est un hasard de calendrier de sortir ce livre à quelques jours de la célébration des 60 ans de la Guinée ou il y a un agenda caché ?
Laurent Correau : Il n’y a pas d’agenda caché. Nous nous sommes dit que c’était l’occasion de sortir. Et puis nous en profiterions pour rencontrer les Guinéens dans le cadre de ce 60ème anniversaire. La délégation de l’Union européenne qui est là pour le lancement du livre restera pour fêter avec vous…
Quelle est la réaction que vous attendez du Guinéen qui lit ce livre ?
Laurent Correau : J’espère que les Guinéens accueilleront ce livre pour ce qu’il est, à savoir une simple contribution d’amis à ce grand chantier mémoriel. Et encore une fois, un chantier dans lequel nous ne sommes qu’invités. Nous arrivons après d’autres, et d’autres derrière nous reprendrons évidemment ce chantier.