Cette habitude est assez ancienne pour qu’on en fasse ‘’la une’’ aujourd’hui. Depuis longtemps déjà, on s’est accoutumé à entendre les chauffeurs de transport en commun (officiels et clandos, confondus), parler de leur ‘’tour’’ à la gare routière. « Il faut que j’arrive à temps, pour ne pas perdre mon tour. » D’après ce qu’on nous rapporte, c’est en fonction de l’arrivée que le départ-retour est planifié. Bien sûr que des arrangements à l’interne sont possibles pour tordre le cou à la règle établie. Ce qui fait le bonheur de certains taximen. Mais, là n’est pas l’objet de notre propos. Nous n’allons pas nous appesantir là-dessus. Le problème est que cette pratique du ‘’tour’’ dans les gares routières pousse les chauffeurs à conduire toujours plus vite pour ne pas manquer la bonne place pour le retour. Puisqu’on se met en rang, pour attendre de faire le plein de passagers avant de prendre le départ. Ce qui peut prendre plusieurs jours. Ainsi, sont-ils toujours pressés et pratiquent ils toujours l’excès de vitesse, pour continuer d’être dans le rang et pouvoir réussir d’une traite, leur aller-retour. Si cette propension à conduire sans arrêt leur est bénéfique, en termes de rentabilité financière, par contre elle représente un grand risque pour la sécurité du voyage. L’accident n’est jamais loin, surtout en ce mois de ramadan où les privations qu’il impose entraînent la fatigue des chauffeurs et le sommeil au volant. En effet, non seulement, ils ne se reposent pas, mais, ils ne dorment pas assez. En plus, ils sont comme tenus de rouler toujours très vite, pour la question du ‘’tour’’, mais aussi encouragés par les passagers pressés qui veulent arriver sans retard à destination. La situation est potentiellement chargée de risques. Elle est même très grave, à tout considérer. Imaginez qu’un chauffeur fasse l’aller-retour Conakry- Nzérékoré avec à l’idée, de reprendre sa place de choix, pour un nouveau circuit, dans la même semaine et sans repos. Il y a de fortes chances qu’il ne tienne pas le pari jusqu’au bout. Il ne va pas continuer indéfiniment de faire le trajet, sans rencontrer malheur en chemin.
Et pourtant, nonobstant tous ces risques, ce mode de transport continue de se dérouler comme si de rien n’était. Nous n’avons pas de statistiques formelles qui indiquent précisément le nombre exact d’accidents commis dans ces circonstances, en rase campagne, pendant la journée ou la nuit. Dans tous les cas, des incidents isolés se produisent où immanquablement, la fatigue ou le sommeil (ou les deux à la fois) sont inclus, même s’ils ne sont pas clairement rapportés. Toujours est-il que ces deux facteurs sont les ennemis mortels pour les conducteurs qui font fi des règles. C’est pourquoi, avant d’entreprendre tout voyage, Il leur est recommandé de se reposer quand ils sont fatigués et de dormir quand ils ont sommeil. Il y va de leur sécurité et de celle de leurs passagers. Ces exhortations sont valables, surtout pendant le mois de ramadan, à cause des contraintes qui s’imposent aux chauffeurs qui pratiquent le jeûne. Surtout qu’il est prouvé que les effets de celles-ci sur l’organisme, peuvent perturber les plus endurants d’entre eux et les amener à l’accident. Comme nous l’a dit, un jour, un vieux chauffeur : « mon fils, c’est dans sommeil seulement, y a pas crédit impayé. S’il t’attrape, tu payes toujours cash, là où tu es. Tu peux rien, tu peux même pas savoir. Après il te laisse tranquille jusqu’au prochain crédit encore. Tu prends, tu payes, c’est comme ça. Pense bien à parole là, quand tu conduis. Sommeil au volant, c’est plus que grave, c’est mortel ! »