C’est si loin le temps où, avec 15.000 francs Guinéens, comme dépense journalière, une famille pouvait manger à sa faim et tenir toute la journée et même garder le reste pour le lendemain.
Malgré des maigres salaires à faire démissionner n’importe quel employé aujourd’hui, les familles s’en sortaient assez bien. Beaucoup d’entre nous ont commencé dans des cases éclairées à la lampe tempête mais quelques années plus tard, la famille, ont commencé à vivre dans des maisons en brique, recouvertes de tôles, éclairées à la lumière électrique. Le développement et le modernisme ont surgi dans la vie des guinéens.
Il faut faire ce survol rapide et simpliste qui pourrait peut- être choquer plus d’un, pour revenir à l’actualité de la population guinéenne actuelle. Les conditions de vie de nos compatriotes, qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts.
Permettez qu’on se cantonne aux constats sur le terrain. La conclusion est sans équivoque : « la vie est trop chère en Guinée. » Le Paradoxe, c’est que l’argent circule dans le pays à grand flux mais à un niveau inaccessible au citoyen discipliné, travailleur, sérieux ayant mis toute leur confiance dans la direction de l’État. Ces citoyens- là, peuvent- ils vivre aujourd’hui dans ce pays avec leurs salaires et rien qu’avec leurs salaires? C’est Non ! Et pourtant que d’engagements aux premières heures de la prise de fonction du ministre du Commerce d’alors, Dr Bernard Gomou, aujourd’hui Premier ministre !
Les premières décisions gouvernementales face à la cherté de la vie
Face à cette situation et dans le but de “préserver le pouvoir d’achat des populations”, certaines mesures gouvernementales avaient été adoptées notamment : le plafonnement des prix de certains produits de grande consommation tels que de l’huile, du sucre, du lait, du riz et les pâtes alimentaires ; l’instauration du principe de l’information préalable et de concertation, avant toute augmentation de prix des denrées de grande consommation; l’intensification de la communication, en vue d’informer les consommateurs sur les prix pratiqués, la disponibilité des produits de grande consommation et l’évolution des cours des produits et intrants sur le marché international et surtout le renforcement de la surveillance, du respect de l’affichage et des prix des produits réglementés.
Ainsi, pour ajouter l’acte à la parole, des rencontres avaient eu lieu entre des équipes du ministère du commerce et des acteurs de la grande distribution. Et juste après ces séries de rencontres, des contrôleurs sont descendus sur le terrain pour effectuer des visites dans les magasins de grande distribution afin de s’assurer du respect des prix plafonnés. Le respect de ces décisions était dans l’intérêt des distributeurs qui s’exposent à des amendes en cas d’infraction selon la législation guinéenne.
Par ailleurs, plusieurs ministres ont eu à effectuer des visites dans des marchés et des supermarchés. Il s’agit notamment du ministre du commerce et de l’industrie, celui de l’Agriculture et même celle des Affaires Sociales. Le respect des mesures du gouvernement associé à l’atténuation des causes extérieures de cette flambée des prix, avions-nous espéré, allait permettre d’endiguer cette crise. Le gouvernement du CNRD était déterminé à lutter contre la cherté de la vie.
Mais qu’est-ce qui explique le niveau élevé du prix des denrées alimentaires ? Quelles sont les actions mises en œuvre pour lutter contre cette situation et quels sont les résultats obtenus ?
Selon les enquêtes menées sur le terrain, les trois principaux postes de dépenses des ménages guinéens sont l’alimentation, le logement et le transport. Concernant l’alimentation. Aux dires de A Diané, un des responsables du ministère de l’Agriculture interrogé, « le coût élevé des produits vivriers est lié au climat caractérisé par une faible pluviométrie. Cela affecte la disponibilité des produits, face à une demande forte. L’éloignement des zones de production, par rapport à la ville de Conakry, affecte la fréquence des approvisionnements et impacte les prix à la hausse. Enfin, la croissance démographique, marquée par une urbanisation galopante, le coût du transport, les pratiques spéculatives et anticoncurrentielles expliquent aussi le renchérissement des prix », explique l’ingénieur agronome
Selon M. Y. Camara, inspecteur au ministère du Commerce et de l’Industrie, depuis l’arrivée au pouvoir du CNRD, plusieurs mesures matérialisant la volonté du gouvernement de protéger le pouvoir d’achat des ménages ont été prises. « Nous avons le plafonnement des prix et la surveillance plus accrue de l’application des vrais prix sur les marchés. Le plafonnement des prix et des marges a concerné le riz, le sucre, l’huile de table raffinée, la tomate concentrée et le ciment. Ces produits de grande consommation faisaient l’objet de spéculation. La mesure a été appliquée avec succès pendant des mois, jusqu’en janvier 2023. Au bilan, sur 10 845 magasins visités, il a été enregistré 1 206 cas de non-respect des prix plafonnés, soit 92 % de succès. Il est également envisagé la création et la réhabilitation de centres de groupage et de marchés de gros dans les principales zones de production du vivrier », a affirmé M.Camara avant de continuer « Et on vient d’opter pour une série d’actions de communication à mener pour informer les populations et éduquer aux bonnes pratiques de consommation ».
En ce qu’il concerne des faux frais, l’inspecteur soutient qu’il y a eu des actions menées sur le terrain. « Les faux frais sont assimilés au racket exercé sur les routes par certains agents des forces de sécurité. Ce sont aussi des surcoûts causés par la présence de multiples intermédiaires, sans aucune valeur ajoutée dans la chaîne de distribution des produits. Pour y remédier, le gouvernement a décidé de la réduction du nombre de barrages routiers et de la mise en place d’un cadre de concertation avec la Chambre du commerce et d’Industrie, des ONG de Lutte contre la vie chère, le Patronat de Guinée, des cadres du ministère des Transports »
Ce qui a été mis en place pour pérenniser les acquis ? M Camara s’est voulu clair et précis : « Pour pérenniser les acquis, le gouvernement a réorganisé la Chambre de Commerce et d’Industrie pour en faire l’instrument d’orientation, de pilotage et de suivi de la mise en œuvre des actions contre la vie chère. La Commission de la Concurrence a été installée pour lutter plus efficacement contre les pratiques anticoncurrentielles et les ententes commerciales. La mise en place d’un organisme pour la commercialisation des produits vivriers est aussi en cour. Pour compléter ce dispositif, nous pensons à la création d’un organe de la consommation, plateforme d’échanges entre les consommateurs, le secteur privé et l’administration ».
Les conséquences de la cherté de la vie
Premières conséquences de cet état de fait, la démocratisation de la corruption, des raquettes, le clientélisme…Les guinéens se débrouillent pour vivre. La nourriture est rare, donc de plus en plus chère. La pharmacopée officielle est onéreuse, d’où la prolifération d‘une médecine parallèle, incontrôlée et sources de tant de soucis sanitaires qui occasionnent hélas trop de morts.
A vrai dire, aucun domaine n’est aujourd’hui épargné en Guinée. Le cultivateur a tendance à négliger la terre cultivable pour se rendre en ville ou la mer pour un avenir dit meilleur, le petit terrain du village qui pouvait revenir à chaque guinéen par sa filiation, commence à être abandonné pour cause de l’exode rurale excessif. Le retraité moyen est repoussé dans son village qui, en réalité, ne lui appartient plus. S’il avait eu la chance de prévoir une petite maison, tant mieux pour lui, mais combien sont-ils à l’avoir pu ?
Conakry est carrément invivable. Cette ville impersonnelle étendue aux larges de l’océan atlantique absorbe toutes les populations de l’intérieur du pays et au-delà, de façon anarchique. Un grand marché occulte, à portée de tous, sans foi ni loi, un véritable paradis pour aventuriers financiers et autres dépravations sociales.
Une question : Qui fixe les prix en Guinée ? L’on ne le saura jamais. C’est la loi de l’offre et de la demande sur le marché. Quel marché ? Et pourtant, un ministère du Commerce existe et dit avoir mis tout un arsenal en place pour combattre les mauvaises habitudes ! Tout le monde est devenu commerçant de quelque chose, sa terre, sa maison, son corps, son vote, son âme, son pays…
Le Franc Guinéen et ses nombreux chiffres qui desservent les transactions ne peuvent pas tout justifier. La dévaluation non plus ne peut pas être accusée de la maigreur de la banane- douce guinéenne. L’économie a ses règles et chaque gestion nationale s’inscrit désormais dans un contexte mondialisé. Est ce que c’est cela qui empêche la structuration du commerce guinéen et la maitrise de certains produits de premières nécessités ?
Le plus ahurissant, c’est que tous les domaines de la vie sont concernés. La cause la plus criante est l’égoïsme de des cadres véreux et de ceux qui s’en sortent financièrement. Embaucher un citoyen, est aussi une action sociale, surtout en Afrique où les responsabilités familiales sont inévitables. Quand on voit le parc automobile de haute gamme, quand on compte les villas chimériques…et lorsqu’on les rapporte au niveau de vie du citoyen, le choc est réel.
Avec le salaire des fonctionnaires, une question qui revient, en voyant certaines réalisations privées, la qualification et l’âge de leurs propriétaires… C’est de savoir si le commerce illicite de produits illicites n’a pas arrosé le pays …
Dossier réalisé par Louis Célestin