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La Guinée victime de la fuite de cerveaux, fuite de bras valides, fuite de capitaux et de recettes 

 

 

 

Ils sont des milliers de jeunes guinéens à quitter le pays chaque  jour pour se choisir d’autres terres d’accueil. Des statistiques indiquent que plus de la moitié de cette tranche de la population fuit le pays. Contraints au chômage après leur formation par une politique du gouvernement qui limite le nombre de recrutements à la Fonction publique, les jeunes diplômés guinéens, pour survivre, sont obligés d’émigrer. Et ce n’est pas tout ! Même les hauts dignitaires guinéens issus des régimes des vingt dernières années investissent massivement dans l’immobilier des pays voisins. Cette fuite multiforme appauvrit évidemment le pays sans éveiller les soupçons.

Des diplômés guinéens se déversent massivement dans les pays limitrophes ou émigrent en occident

Depuis un temps, les pays de la sous-région absorbent des cerveaux venus de la Guinée. Des sources signalent la sortie massive de jeunes diplômés guinéens qui trouvent un terrain d’accueil dans ces pays. Il nous revient que la plupart de ces cerveaux guinéens sont issus de l’enseignement supérieur et universitaire : les universités et grandes écoles publiques, les universités privées. Ces établissements autant que d’autres, forment et décernent des diplômes à des finalistes dont plusieurs s’arrangent à quitter le pays, dans les mois qui suivent la fête de collation des grades académiques. Même ceux formés à l’occident préfèrent y vendre leurs talents au lieu de revenir au pays servir. Des raisons évoquées pour justifier cette fuite sont multiples et convergent toutes vers la quête d’un « ciel prometteur ».

La fuite de bras ou exode rural

Les villages se vident de leurs bras actifs, la capitale s’asphyxie du fait de l’exode rural. Des statistiques indiquent que plus de la moitié de la population guinéenne s’urbanise. La fuite de bras valide sèche l’arrière-pays dans un contexte où la ville n’offre guère de garantie d’embauche. Beaucoup d’observateurs voient la nécessité d’une organisation à la base. Et c’est à ce niveau que les élites locales doivent s’assumer davantage. Il faut favoriser les regroupements, disent certains spécialistes de la politique développement durable. Déjà plus de vingt ans en arrière, en bon visionnaire, Feu général Lansana Conté a affirmé : « La Guinée est consciente de son rôle dans le concert des nations. Pour cela, nous devons nous organiser. Car la réponse à l’équation développement réside en bonne partie dans l’organisation et la mobilisation des masses ».

Dans son livre intitulé : « L’Afrique des villages », publié en 1983 aux éditions Karthala à Paris, l’écrivain  camerounais, Jean-Marc Ela prône l’organisation des paysans, dans leurs villages respectifs. Par la création de coopératives, de centres ou mutuelles de santé, d’écoles et d’autres services publics susceptibles de desservir la population, l’auteur démontre que les villages africains peuvent servir de poumon au développement du continent. Il explique que tous ces défis reposent sur un socle qui est l’organisation à la base. Faute de cet acquis à la base, l’exode rural touche des familles entières. En 2000, une Fondation étrangère basée à Conakry avait tenté une expérience à N’Zérékoré, en créant des camps qui ont donné des ouvertures à la jeunesse désœuvrée. Celle-ci a dû bénéficier de l’apprentissage de métiers, une lueur d’espoir pour fonder une famille. Pour l’heure, des voix s’élèvent pour appeler le gouvernement guinéen à gérer l’après-mine qui a occasionné d’énormes exodes à travers le pays.

Quand des politiciens, des hauts cadres et des hommes d’affaires guinéens investissent dans l’immobilier des pays voisins

De sources concordantes, Abidjan, la capitale économique ivoirienne abrite des centaines de propriétés appartenant aux anciens ministres, hauts cadres guinéens des vingt dernières années. Ces dirigeants qui se terrent aujourd’hui dans des quartiers chics d’Abidjan ont insolemment pillé le pays sans être inquiétés. A en croire nos sources, il a été comptabilisé pour des milliards de francs CFA, une centaine de personnalités aux relations troubles qui détiennent des duplexes, des villas costauds, des résidences pour les louer et en tirer un revenu au lieu de les occupent eux-mêmes. Ils les prêtent pour la plupart à leurs enfants pour la gestion.

C’est une transaction de 600 millions de francs CFA qui a attiré l’attention. En février 2019, un ancien dignitaire  a  alors acheté cash, une résidence de haut standing, dans le quartier des Deux-Plateaux, dans la commune de Cocody à Abidjan. Ce qui malheureusement n’a pas éveillé la curiosité des autorités. Une propriété acquise quand il était aux affaires.  D’autres membres de sa famille et plusieurs de ses amis ont acheté des appartements dans ce quartier. Ils ont tous été liés de près ou de loin à la gestion des revenus miniers et des finances du pays.

À l’abri dans les pays limitrophes ?

Selon des renseignements pris auprès de certains confrères des pays voisins, Aucune loi particulière n’empêche un haut gradé d’une quelconque dictature ou d’un régime corrompu d’investir dans ces pays qui accueillent de plus en plus de personnalités politiques issues des régimes déchus ou encore en place.

 «Il semble qu’Abidjan et Dakar aient été identifiées par ces clans comme un territoire où, avec quelques tours de passe-passe juridiques, on peut financer, sans susciter d’enquête, des biens immobiliers, avec des moyens de paiement pour le moins douteux», ironise un confrère sénégalais qui n’est pas tendre envers les dirigeants des pays concernés. «Ce sont des régimes népotiques, des kleptocraties ». « Le pouvoir est mis au service d’un enrichissement personnel massif, et ces familles diversifient leurs investissements en fonction des conseils qui leur sont prodigués par les grands cabinets de juristes, d’experts-comptables

Le gouvernement n’a pour l’heure, aucune solution

Interrogé lors de notre enquête, Dr Alexandre M, chercheur, haut cadre au ministère de la Fonction Publique, soutient clairement que le gouvernement guinéen n’a pas encore la solution à ce problème.

« Nous parlons peut-être d’une non-intégration de ceux qui sortent des écoles, mais nous refusons certainement de parler de l’intégration automatique qu’il y a eu pendant  ces dernières années. Les raisons sont simples. Vous savez très bien qu’il y a une politique de planification des ressources humaines d’un Etat en fonction également de la trésorerie de l’Etat. Aujourd’hui, en fonction de la trésorerie de l’Etat, en fonction de la programmation, c’est-à-dire du plan des effectifs de l’Etat, des concours sont organisés, mais ce n’est plus systématiquement comme ça l’était. Mais chaque année, quand même l’Etat lance, ce n’est pas beaucoup, mais il y a des places qui sont ouvertes au niveau de la Fonction publique pour prendre certainement les meilleurs parce que c’est par voie de concours. Maintenant, est-ce que la seule voie qui existe c’est la Fonction publique ? Je ne pense pas. Il n’y a pas que les hôpitaux publics. Non ! D’ailleurs, nous avons beaucoup plus d’hôpitaux privés. Mais ils doivent employer tout ce monde-là ».

« Or pour consolider son économie, la Guinée doit, non pas nécessairement boucher mais ajuster ses vannes, pour contrôler la fuite multiforme qui appauvrit le pays. La fuite de cerveau, la fuite de bras valides, la fuite de capitaux, la fuite de recettes tout ceci prive le pays de ses valeureux fils et filles. Ces milliers de Guinéens, ces ressources humaines qui  émigrent, causent un  manque-à-gagner au pays », soutient M. Kaba, en service à la direction de la statistique.

Louis Célestin

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