Selon les projections du troisième recensement général de la population et de l’habitation (RGPH-3), l’ensemble des villes guinéennes comptera, en 2050, autant d’individus que la population du pays en 2016, soit plus de 11 millions d’habitants. Cette année là, la population totale de la Guinée aura dépassé les 25 millions d’habitants. Une croissance urbaine de cette ampleur sur une période de trois décennies est impressionnante car, par rapport à la population urbaine de 2020 (4,5 millions), elle représente une augmentation de près de 150%. Crédit photo : Alpha Condé TV.
Face à cette évidence, la question qui se pose est de savoir comment les villes guinéennes vont-elles absorber 1,5 fois leur population tout en n’utilisant que la moitié des ressources au cours des 30 prochaines années ? Et comment cela peut-il se produire parallèlement à l’amélioration de la qualité de vie générale ? Une grande partie de la réponse réside dans le développement des infrastructures et des réseaux, la maîtrise de l’étalement urbain et l’amélioration de la mobilité urbaine.
Dans cette perspective, l’innovation sera au cœur des politiques urbaines pour inventer des solutions nouvelles adaptées à la réalité des villes. L’utilisation des nouvelles technologies, le dynamisme du secteur informel et l’adoption d’une vision durable de la ville seront le levier de leur politique en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, de la construction et du logement.
Développer les infrastructures et les réseaux
Avec un taux annuel de croissance urbaine d’environ 3,7 % (contre une moyenne africaine de 3,4 %), la Guinée fait face à d’énormes besoins en termes d’infrastructures de transport (routes, ponts, échangeurs urbains, pistes cyclables, chemins de fer, aéroports, etc.), de services énergétiques durables et modernes, de logements décents, d’eau potable, de gestion durable des déchets, de réseaux d’assainissement et de télécommunication (NTIC). Malgré d’importants investissements effectués par le gouvernement ces dix dernières années, la Guinée reste encore confrontée à un besoin criant en infrastructures de tous bords.
Pour être au rendez-vous du futur, nos villes devront davantage investir dans les infrastructures en faisant le choix d’une meilleure gouvernance institutionnelle et d’un meilleur cadre législatif, permettant de trouver la meilleure méthode de financement de ces actifs. Sachant bien qu’actuellement l’essentiel des financements provient du secteur public, à cause de l’instabilité et de la confusion réglementaire qui dissuadent les financements privés.
Ainsi, par exemple, dans le cadre du volet gestion des déchets, on pourrait s’inspirer de l’initiativeCambridge Industries à Addis-Abeba, qui préside la première usine de valorisation énergétique des déchets en Afrique (baptisée Reppie), pour construire une usine de traitement des déchets à Conakry. Cela permettra de libérer la décharge du Concasseur située à Hamdallaye et évitera bien des ennuis aux populations durant l’hivernage. En termes d’enjeu de ce type d’investissement, on notera que l’usine Reppie fournit 30 % des besoins énergétiques de la capitale éthiopienne à partir de 80 % de ses déchets, la plupart étant ramassés par des collecteurs de déchets locaux. Une telle initiative marquera pour nos villes un nouveau départ dans la gestion des déchets.
Freiner l’étalement urbain
La croissance des villes guinéennes s’est faite d’une manière très inégale sur l’ensemble du territoire. On y remarque d’une part, une expansion horizontale de la capitale et des villes minières de la côte et d’autre part, une rapide croissance des capitales régionales de la Basse Guinée et de la Guinée forestière. Cette évolution a accentué le déséquilibre de l’armature urbaine en faisant de Conakry le plus grand pôle d’attraction de la population urbaine et en créant un immense écart entre celle-ci et les autres villes importantes, tandis que de petites et moyennes agglomérations prolifèrent.
Cet étalement urbain continue d’entrainer une augmentation de la consommation d’énergie, la perte de terres agricoles, la pollution de l’air, de l’eau et du sol et des problèmes de santé qui en découlent. Il crée également de fortes inégalités, les zones périphériques étant le plus souvent marginalisées alors même que ces dernières concentrent souvent une large part de la population urbaine.
Pour y faire face, nos villes devront beaucoup investir dans la densification urbaine et le renforcement des institutions de gouvernance urbaines. Une façon d’y arriver consiste à développer à l’intérieur de nos villes des quartiers d’habitation à haute et moyenne densité autour d’une gare routière ou de chemin de fer (station d’autobus ou gare de train). Cela permettra de limiter le développement résidentiel à l’intérieur de zones où l’urbanisation est permise, l’objectif étant de densifier l’habitat et de faciliter les déplacements en transport collectif et à pied.
Améliorer et diversifier la mobilité urbaine
Globalement, on peut dire que la mobilité urbaine en Guinée est caractérisée par deux contraintes majeures : un réseau viaire insuffisant, mal réparti et fortement dégradé par endroits, et des transports collectifs (TC) insuffisants et très mal organisés. Ces deux contraintes, conjuguées à la structure linéaire de nos villes et à la localisation de la plupart des pôles d’activités dans la capitale, déterminent fortement les conditions des déplacements urbains. De plus, le déficit de l’offre de transport collectif dans la capitale a favorisé le développement du transport informel qui est aujourd’hui le mode de transport dominant avec pour corollaire des embouteillages sur les voies publiques à toute heure, la pollution et la spéculation sur les coûts de transport.
Dès lors, l’un des défis majeurs pour nos villes consiste à réorganiser l’ensemble du système de transports urbains en privilégiant la planification intégrée de construction d’importants ouvrages régulateurs de circulation (ponts et échangeurs) ainsi que la réalisation de projets structurants, tels les autoroutes à plusieurs voies. Par ailleurs, on devra s’assurer que les services nécessaires (administratifs, culturels, économiques et financiers) soient également disponibles et accessibles dans les zones périurbaines afin de diminuer l’afflux massif des déplacements unidirectionnels vers les centres.
Enfin, pour saisir les opportunités de l’avenir et vivre dignement, nos villes sauront capitaliser sur les nouvelles technologies pour créer les conditions d’une mobilité fluide des personnes et des biens.