L’Intendant général Boubacar Biro Condé est le septième garçon de feu Émile Condé et neuvième enfant de l’illustre disparu. Il a pris part au symposium organisé ce jeudi à Kankan pour magnifier son défunt père, ainsi que ses nombreux acquis.
Si pour d’aucuns, cette marque de reconnaissance peut paraître comme un acte symbolique, pour Biro Condé, ceci va bien au-delà du symbolisme. C’est plutôt un acte majeur.
“Vous savez, notre pays est un pays de paradoxe, mais un grand pays, une grande nation, surtout avec un grand peuple. Aujourd’hui, l’honneur a été donné à notre père, mais il n’a pas été la seule victime dans ce pays-là. Notre pays, notre grande Guinée est un grand cimetière sans pierres tombales”, a regretté l’officier militaire.
Tentant d’asseoir son argumentaire sur une base, il soutient que les charniers qui ont été identifiés en Guinée sont bien connus.
“Et ce matin, un de nos frères en a parlé. Mais, dans toutes les villes de notre pays, il y a eu des charniers, [certes] à des degrés différents. Nous marchons tous les jours sur les corps. Parce que le corps ne peut pas qu’être physique : il est aussi spirituel, il est moral. Et c’est pour cela que j’ai dit : dans notre pays, il faut que nous cherchions la vérité et que nous pardonnions. Et sans la vérité, on ne peut pas réhabiliter les victimes. C’est cette vérité qui permettra de rendre justice ; une justice réparatrice, une justice qui va permettre à nos morts d’arrêter, à travers leurs âmes, de voltiger autour de nous. Parce que tant que ces âmes ne reposent pas en paix, en aucun cas nous ne trouverons la voie de la concorde, de la paix et de l’unité nationale”, a indiqué l’Intendant général Biro Condé.
Ayant perdu leur père en détention, les enfants de feu Émile Condé sont disposés à pardonner. Par la voix de l’Intendant général Biro Condé, la famille déclare l’avoir dit dans son bréviaire, dans le livre qu’elle a imprimé, que les enfants de Émile Condé n’ont pas du tout l’esprit de vengeance. Loin de là !
“Nous cherchons à rétablir la vérité dans la paix, dans la concorde, afin que ce pays puisse avancer. Parce que nous avons tous les atouts : des atouts géographiques, des atouts historiques, des atouts humains. Le potentiel humain dont regorge la Guinée surtout à travers sa jeunesse, une jeunesse dynamique, une jeunesse volontaire, une jeunesse qui fait beaucoup de sacrifices en fournissant des efforts quotidiens, en allant à l’école, en s’instruisant. Malheureusement, cette jeunesse ne trouvera jamais le chemin du bonheur s’il n’y a pas la paix. Et cette paix ne peut venir qu’à travers le pardon. Ce pardon devrait être collectif”, a-t-il enseigné.
Insistant sur le fait que ce pays soit un grand cimetière où il y a des corps non reconnus partout dans ce pays, Biro Condé rappelle que de nombreux enfants, veuves et petits-enfants ignorent aujourd’hui où sont enterrés leurs pères, leurs parents.
“C’est pour cela que nous lançons un appel pressant à travers ce festival dont un grand pan a été dédié à notre père pour que toute la Guinée sache que nous sommes prêts à pardonner. Nous avons pardonné. Mais nous n’oublions pas, parce que nous avons un devoir de mémoire vis-à-vis de nos géniteurs. Il faudrait que toute la Guinée se donne la main pour qu’ensemble, nous fassions un grand sacrifice, un grand jour de pardon pour que ces morts qui sont tous les jours en train de voltiger autour de nous puissent enfin reposer en paix pour le bien-être de notre pays”, a-t-il placé en concluant.
Depuis Kankan, Mady Bangoura, envoyé spécial de Guinéenews