De souvenir de guinéen, on n’avait jamais connu pareille fête. Une fête sans la prière collective habituelle, sans un tour chez les parents et amis, sans un repas familial partagé, sans l’animation des groupes artistiques qui rivalisent d’ardeur sur les places publiques, sans les sorties débridées et enthousiastes de milliers de bambins de tous sexes et âges qui arpentent les rues, déambulent sans répit, ni repos, à la recherche du fameux ‘’salimafo’’(cadeau de fête).
Ils glanent avec entrain, ce précieux pactole de »bonne fête » au gré de pérégrinations qui les conduisent chez des parents et amis d’avance ciblés et parfois aussi, auprès de généreux adultes croisés au hasard de leur chemin.
Ces mouvements de va et vient sans arrêt, ajoutés à ceux des nombreux automobilistes et motocyclistes qui circulent à vive allure à travers la ville, souvent sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, rendent la circulation dangereuse pour tous.
Les enfants, surtout qu’ils ne sont généralement pas accompagnés, sont les plus exposés. Leur âge fait d’eux des usagers insouciants, irresponsables et inconscients du danger qui les guettent sur la route.
C’est dans ces risques ambiants, admis et gérés au mieux par toute la communauté, que se sont toujours passées toutes les fêtes religieuses célébrées jusque-là à Conakry… Jusqu’à l’arrivée de cette pandémie du coronavirus !
Cette année donc, nous voici plongés dans une atmosphère qu’aucun d’entre nous n’aurait imaginée possible à vivre. Ce melting-pot habituel de mouvements, de sonorités et de couleurs, qui donne à la cité du charme et de la vie, une ambiance chaleureuse et communicative, constitue les ingrédients qui caractérisent les jours de fête auxquels nous sommes habitués. Et c’est de tout cela que nous avons été, hélas, sevrés d’un coup !
Les raisons sont là que les autorités ont brandi dès la veille de la fête. L’état d’urgence sanitaire décrété, toujours en vigueur, en raison de la rapide propagation du virus, a entrainé l’imposition d’un couvre-feu nocturne, la fermeture des centres de loisirs, la limitation des regroupements, la distanciation sociale, le port obligatoire du masque protecteur, etc. Autant de contraintes nécessaires qui ne peuvent pas s’accommoder du ‘’rythme’’ bien connu d’une fête comme celle de l’Aїd El Fitr qui constitue une sorte de défoulement après un mois de pénitence concédé au nom de la foi.
Il n’y a pas de doute que les décideurs ont vite compris le risque qu’il y avait à laisser la fête se dérouler sans garde-fous, ni balises. Des appels et mises en garde ont été lancés qui semblent avoir eu l’écho nécessaire auprès des citoyens.
Nous avons longtemps parcouru les rues d’une commune à l’autre et pas une seule fois, nous n’avons vu un attroupement. La ville semblait morte, plus que même quand cela est demandé par l’opposition. (voir images d’illustration)
Dans l’après-midi une pluie est encore tombée qui a parfaitement plombé les ardeurs ou velléités des endurcis qui pouvaient espérer trouver la faille et passer au travers des mailles tendues par la sécurité. La nuit venue, toujours rien !
Aucun bruit de fête n’est perceptible dans les quartiers de Conakry si riante et exubérante d’habitude, en pareille occasion.
Cette fois, on est sûr que quelque chose de très fort et qui s’impose à tous est passé par là : le Covid19. Ce maudit virus nous a gâché notre fête.
Nous n’avons jamais connu de célébration aussi morose et ahurissante comme celle d’aujourd’hui et nous souhaitons vivement que cela s’arrête là et définitivement !