Les accidents graves que nous relatons régulièrement dans les colonnes de notre site Guineenews.org, concernent, dans une large proportion, des véhicules non assurés. Le plus retentissant d’entre tous, ces derniers temps, est celui des joueurs du club, les « Etoiles de Guinée », survenu à Timbo au mois de mars dernier (dix morts et seize blessés) qui avait fortement marqué les esprits et conduit les autorités à organiser, pour la première fois en Guinée, une journée de deuil national.
A Siguiri plus précisément à Namakoumbala-Doko, la gendarmerie routière de Kankan nous a rapporté un cas d’accident qui a fait quatre morts et six blessés en avril dernier. Deux voitures étaient entrées en collision avec un camion semi-remorque roulant en sens inverse. Ledit camion était sans immatriculation et son conducteur était dépourvu de permis. Aucun de ces trois véhicules n’était assuré.
Et pourtant, comme nous allons le voir plus loin, cette police d’assurance que la loi impose à tous, est une pièce maitresse déterminante qui garantit une protection effective aux personnes victimes d’accident. A l’heure qu’il est, de nombreux usagers en Guinée continuent de pester contre ce document administratif exigible à tout contrôle. Ils ont toujours argué ne pas savoir pourquoi on le leur impose. Ce qui explique qu’ils ne l’adoptent pas de gaieté de cœur. Ils n’y souscrivent que sous la contrainte.
Pendant ce temps, on n’attend jamais longtemps pour apprendre qu’un accident de la circulation au bilan très lourd s’est produit ici et là, sur le territoire national. Et à chacune de ces occasions, la première question qui nous vient à l’esprit est de savoir quel est le bilan qui en a résulté (dégâts corporels et matériels). S’y ajoutent les autres aspects liés au nombre de véhicules en cause, au lieu et à la gestion de l’évènement après-coup : la sécurité routière (police ou gendarmerie) est-elle arrivée sur les lieux ? Les morts et blessés ont-ils été transportés à l’hôpital ? En général, la curiosité s’arrête là. Et pourtant, ce qu’il y a derrière est tout autant, sinon même plus important que la résultante immédiate de l’accident sur le terrain.
Nous semblons ne pas nous en préoccuper outre mesure et pourtant, il le faut ! Bien entendu, cela ne nous est pas accessible du premier coup, puisque relevant du domaine de la vie privée des victimes. Il faut donc chercher à le découvrir et à le comprendre. C’est un monde à la limite dramatique qui ne bénéficie pas de la publicité nécessaire à sa bonne compréhension. C’est le domaine de l’après-accident. Il est comme la face cachée de l’iceberg.
Dans ce domaine inconnu du public et de l’opinion, se jouent quelque fois des drames qui sont perceptibles dès l’entame de la prise en charge des victimes. Schématiquement, voici comment les choses se présentent : le ou la blessé (e), une fois au centre de soins, une première question est d’emblée, posée : « qui l’a déposé(e)? » Et aussitôt après: « qui prend les frais en charge? » (soins et/ou hospitalisation). Le sort de la victime, surtout si elle est inconsciente, dépend souvent de la réponse donnée à ces questions.
L’on est surpris, estomaqué, d’entendre pareil discours tenu à un moment aussi crucial et déterminant pour la survie des victimes. Mais, on vous rétorquera d’une certaine manière, que c’est à prendre ou à laisser. Faute d’alternatives et devant l’urgence, vous vous sentez tenus de comprendre le message. La déontologie seule ne compense pas le manque de moyens, vous fera-t-on comprendre par le verbe et la gestuelle. Les soins sont payants et, si l’on veut être traité vite et comme il faut, autant s’y conformer, sans attendre!
Imaginons un seul instant que ce soit un blessé déposé par des personnes de bonne volonté qui l’ont juste transporté par humanisme, après que celui qui l’a fauché se soit enfui, l’abandonnant sur la chaussée. S’il s’avère que ce blessé soit lui-même un insolvable, comment faire alors pour qu’il reçoive les soins que nécessite son état, devant la règle rigide brandie en face ?
Enfin, un autre cas de figure : qu’adviendra-t-il, si ce sont de nombreux blessés qui arrivent à la fois à l’hôpital et que l’auteur de l’accident, comme dans le premier cas, ait fui, ne soit pas solvable ou n’est pas assuré. Quel sera le sort de ces blessés qu’il faut nécessairement prendre en charge, certains même de toute urgence, puisqu’ils sont des poly traumatisés ?
Crier ou invoquer Dieu, solliciter la commisération des soignants n’y serviront à rien, quand on vous dira : ‘’nous n’avons aucun médicament approprié et disponible pour ce type de lésions ; l’état de ce malade nécessite l’avis d’un spécialiste. Nous devons le référer immédiatement’’. Ces situations signifient implicitement qu’il faut s’acquitter à trois niveaux : payer les prestations, honorer des ordonnances médicales et s’assurer d’un moyen de locomotion pour transporter son malade vers le spécialiste indiqué.
Tout cela, oui ! Mais quand et comment? Surtout lorsqu’on n’a pas les moyens ; lorsqu’on est auteur, tenu pour responsable et sans assurance ; un vrai cauchemar ! Pendant ce temps, la survie d’un ou de plusieurs individus se joue. Quoi de plus triste ! C’est ce jour que l’on se rend compte que s’assurer est une question fondamentale, profonde et lourde de sens.
L’avenir de ces victimes d’accidents sera-t-il compromis, leurs destins seront-ils brisés ? C’est à tout ce cumul d’interrogations que semble nous conduire, cette détresse silencieuse et dévastatrice.
C’est ce même faisceau de situations dramatiques, inqualifiables, qui explique le triste sort que connaissent beaucoup de victimes dont les chances de guérison se trouvent ainsi, plus que compromises devant ce conglomérat de blocages et d’états de faits tristes et gravissimes qui se passent chez nous.
Ceci explique sans doute pourquoi les Nations-Unies ont initié un plan d’action décennal de la sécurité routière 2011-2020, que tous les pays membres dont le nôtre, sont enjoints à mettre en œuvre. Un plan d’action mondial qui arrive à son terme cette année, avec un bilan qui attend d’être dressé. Dans ce document, figurent cinq axes d’intervention intitulés piliers, qui étaient à développer pendant la décennie. Le dernier pilier de ce plan traite justement des soins post-accidents. Une problématique aux répercussions très préjudiciables sur l’avenir immédiat et futur des victimes d’accident. Si elles ne sont pas prises en charge à temps et comme il faut, l’issue de leurs traumatismes peut s’avérer fatale ou à tout le moins compromise. Cela peut impacter négativement leurs chances de guérison ou entrainer des séquelles et des infirmités.
Au-delà de ces aspects et comportements négatifs qui fragilisent voire compromettent la santé des victimes, il y a d’autres répercussions d’ordre économique qui montrent que l’accident de la route est une source d’appauvrissement pour les individus et pour l’Etat. Pour soigner et réparer des dommages causés aux tiers, l’auteur peut être amené à s’endetter, surtout s’il n’est pas assuré et cela peut conduire à la ruine. En même temps, les accidents affectent négativement le développement économique à travers le PIB. Ils sont aussi une source de conflits entre citoyens. Les parties en cause en viennent souvent à intenter des procès, les uns contre les autres, pour des réparations qui aboutissent péniblement, en raison, bien souvent, de la fragilité économique des requérants.
Tout cela et d’autres facteurs plus dispersés, démontrent la nécessité de s’assurer, malgré tout ce qu’on en dit, à tort ou à raison et depuis toujours.
Des récriminations bien fondées sont émises qui expliquent la démotivation de bon nombre d’assurés envers les compagnies qui exercent sur le terrain. Les énormes difficultés qu’ils rencontrent à bénéficier de la prise en charge correcte, espérée après accident, sont de celles-là.
En attendant de revenir plus en détails sur cette importante problématique, nous paraphrasons les slogans qui disent, comme un panneau-réclame : « L’assurance ne paraît chère qu’avant l’accident » ; « Assurez-vous chez nous, vous dormirez bien chez vous ».