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La détresse des veuves : spoliées, déstabilisées, abandonnées et mises au ban de la société

Du jour au lendemain, elles voient leur existence basculer. Elles se retrouvent plongées dans la solitude. Traumatisées et rejetées par leurs belles familles qui n’hésitent pas à les chasser de leur domicile conjugal. Elles, ce sont des femmes qui ont perdu leur mari, communément appelées veuves. Avec le choc de la perte d’un mari, la situation des veuves est souvent aggravée par la stigmatisation et l’isolement social. Elles sont confrontées au quotidien à l’extrême pauvreté, à la violence, à la privation de logement ou à la discrimination juridique et sociale. En Guinée et même dans plusieurs pays, les veuves sont rejetées et ostracisées après la mort de leur mari. Souvent privées de leurs revenus, de leurs droits à la terre, elles se retrouvent démunies et ne parviennent plus à nourrir leurs enfants. Spoliées de tous leurs moyens de subsistance, ces femmes veuves sont orientées sur un véritable chemin de croix. Conséquence : elles sont forcées de mendier ou même de se livrer à la prostitution pour survivre.

Bernadette Onivogui, âgée de 40 ans, est mère de quatre enfants.  Elle les élève seule depuis le décès de son époux en 2014 pendant  l’épidémie d’Ebola. « On vit au jour le jour », raconte-t-elle à notre micro pendant l’enquête « Quand je dis au jour le jour, c’est avec les dons, je veux dire que je survis avec mes enfants« . En plus de ces difficultés financières, Bernadette a été victime d’un accident cardiovasculaire en octobre dernier, qui a laissé des traces et rend, davantage encore, son quotidien compliqué.

Mais Bernadette refuse de baisser les bras. Elle travaille comme assistante dans une école privée. Un travail pour lequel elle perçoit un salaire net de 1.600.000 francs guinéens par mois. « Ça me permet au moins d’avoir un peu d’argent pour payer le loyer de six cent mille francs« , explique la mère de famille. Mais son salaire reste insuffisant pour faire face à ses nombreuses charges, telles que les frais scolaires des enfants, la nourriture, l’électricité ou l’eau. Elle a d’ailleurs encore des arriérés de loyer depuis sa maladie. Sa voix se remplissait de larmes quand elle en parlait. Une situation difficile aussi pour sa fille, Nicole, âgée de 21ans, étudiante en gestion commerciale. Consciente de la situation que traverse sa mère, Nicole a un seul objectif : celui de réussir à l’école. « Moi je ne la plains pas« , dit la jeune fille. « Mon objectif aujourd’hui, c’est d’enlever ma maman de cette situation. Si ma maman fait déjà l’effort de me mettre à l’école, j’ai conscience que l’effort qu’elle fait c’est pour que je réussisse.’

Au décès de leur père, l’aîné de la famille, a dû arrêter ses études pour apprendre le métier de froid. Sans argent pour s’installer à son propre compte, David fait de petits boulots de bricolage dans le quartier à Bentouraya, pour subvenir à ses besoins et venir en aide à sa maman et à ses sœurs. La vie de la veuve Bernadette et de ses quatre enfants n’est pas un cas isolé. Beaucoup de femmes sont délaissées par les pouvoirs publics après l’épidémie d’Ebola, qui a fait ravage dans la partie sud du pays en 2014. Aujourd’hui, elles sont seules à s’occuper de leurs enfants.

Dame Onivogui espère de l’aide pour trouver un travail mieux payé et aussi financer un atelier pour son fils aîné, qui pourrait alors subvenir aux charges de ses autres enfants. Bernadette fait partie des millions de veuves qui, dans le monde, revendiquent une égalité des droits après la perte de leur mari, un événement qui entraîne une pauvreté persistante pour les femmes et leurs familles. La scène est souvent triste: «Souvent, quand le mari décède à l’hôpital, avant que le corps ne soit ramené à la maison ou au cimetière, la belle famille est déjà à son domicile pour ramasser tous les documents et tous les biens avant de fermer la maison. La veuve doit s’en aller ailleurs avec ses enfants alors que dans le Code de la famille, ce sont eux qui sont les ayants droit », nous apprend Daniel Guilavogui, sociologue,  enseignant dans une université privée de la place. Faute donc  d’un accès à la protection sociale, les veuves sont condamnées à la misère. Les prendre en considération au niveau de chaque État n’est-il pas un « enjeu humanitaire» ?

Au Gabon, l’ex Première Dame, Sylvia Bongo Ondimba avait trouvé dans la protection des femmes veuves l’un des chevaux de bataille de sa Fondation, l’adoption d’un décret avait permis le partage de l’héritage à parts égales entre la veuve et les enfants de la famille. Depuis donc décembre 2014 au pays du général Oligui, une loi permet à la veuve d’obtenir l’acte de décès de son mari afin de la protéger de la dissimulation ou de la destruction de papiers officiels par les belles-familles.

Les Nations unies soulignent cependant que dans beaucoup d’États où une législation existe déjà, la faiblesse du système judiciaire ou tout simplement l’ignorance d’un arsenal législatif de la part des veuves elles-mêmes et des experts, ne permet pas de concrétiser les lois qui sont censées les protéger.

Au ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Promotion de la Femme, on nous apprend que  la faiblesse des données statistiques existant sur les femmes ayant perdu leur mari rend difficile la mise en place de programmes de lutte contre les souffrances que ces veuves subissent dans les familles.  « Les données sur le statut des femmes n’étant souvent pas ventilées en fonction de la situation matrimoniale, les veuves ne sont pas visibles à tous les niveaux des statistiques différenciées selon le sexe, de l’échelle nationale. On sait pourtant que de nombreuses veuves âgées ou jeunes sont victimes de formes multiples et convergentes de discrimination, basées sur leur sexe, leur âge, leur milieu rural ou leur handicap. D’autres sont encore jeunes lorsqu’elles perdent leur mari, probablement à la suite d’un accident, ou parce qu’elles se sont mariées enfants à des hommes plus âgés. Ces femmes vivent de longues années de veuvage », précise O K, cadre à la Direction de l’Enfance, au ministère des Affaires Sociales avant de continuer : « Rappelons que l’ONU Femmes s’est engagée à collaborer avec les États et la société civile pour faire respecter les droits des veuves. Il s’agit, entre autres, de fournir aux femmes des informations sur l’accès à une part équitable de leur héritage, à la terre et aux ressources productives ; à une pension et à une protection sociale qui ne se fondent pas uniquement sur la situation matrimoniale ; à un travail décent et à une égalité de salaire ; et aux possibilités d’éducation et de formation »

En clair, les veuves doivent être en mesure de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs familles. Cela suppose également de lutter contre la stigmatisation sociale à l’origine de l’exclusion et contre les pratiques discriminatoires ou préjudiciables.

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