La Cour de justice de la Cedeao vient de lever la suspension « des procédures pendantes devant elle » qu’elle avait prononcée l’année dernière contre la Guinée et le Mali, en raison notamment des coups d’État militaires survenus dans ces pays. Cette décision met fin à la trêve observée dans le traitement de ce dossier et donne le feu vert pour que les procédures relâchées suivent leur cours normal. Elle confirme aussi les commentaires de nombreux observateurs selon lesquels « les sanctions politiques contre un État ne doivent pas avoir de répercussion sur les procédures en cours, d’autant plus que c’est l’État qui est sanctionné et non les citoyens ».
Pour la junte guinéenne cependant, il s’agit d’une nouvelle qui ne fait ni chaud ni froid, puisque deux grandes puissances influentes qui entretiennent des relations étroites avec la Guinée (les États-Unis et la France) semblent actuellement bien s’accommoder d’elle.
On a l’impression que ces partenaires extérieurs n’entendent pas rentrer dans une logique de sanctions contre la junte. Ces puissances semblent craindre la radicalisation de la junte guinéenne comme au Mali et le risque de la voir placer la Guinée sous le parapluie Russo-chinois dans un contexte international fortement caractérisé par la montée en puissance des rivalités entre les puissances occidentales et non-occidentales.
Ces développements appuyés par la tenue du procès du 28 septembre 2009 réclamée depuis longtemps par les Guinéens et plusieurs pays occidentaux, ainsi que la lutte contre la corruption à travers la Crief (malgré les ratés de celle-ci), ne manqueront pas de donner à la junte une certaine sérénité et surtout la conviction qu’elle est sur le bon chemin. Les premiers perdants de ces développements sont les grands partis politiques et ceux qui réclament un retour rapide à la normalité constitutionnelle. Il va sans dire que le chef de la junte guinéenne devient dans ce cas le seul maître du jeu.
L’un des plus gros points faibles de la junte reste cependant l’imprévisibilité de la population qui ressent fortement les effets des restrictions dans les dépenses publiques. Dans un pays où le secteur privé est notoirement faible, la forte restriction injustifiée de certaines dépenses prive le corps social de l’oxygène dont il a besoin pour vivre. Cette pression est aujourd’hui à l’origine d’une certaine distanciation vis à vis de la junte. Beaucoup de gens qui n’avaient rien à avoir avec l’ancien régime ont l’impression qu’ils paient tout comme les corrompus de ce régime déchu, la gouvernance pourrie de ce dernier. Nombreux sont les guinéens qui ont le sentiment de faire partie de ces gens-là.
Pour certains observateurs, ces destructions injustifiées sont le fait de nouveaux cadres incompétents qui se sont vus propulsés à des postes importants alors qu’ils n’ont pas d’expérience dans la gestion des affaires publiques. Or, la bonne gestion budgétaire existe dans le financement de bonnes dépenses et non dans l’évitement des dépenses.
Par ailleurs, rappellons qu’en matière de dépenses publiques, il s’agit de mieux dépenser avec de bons systèmes de contrôle à priori et à posteriori. Ceci est diffèrent du gaspillage et du refus de dépenser. Le premier ruine la nation en concentrant la richesse dans les seules mains des tenants du pouvoir et le second empêche la création de richesses par l’arrêt de la machine économique. Pour la Guinée, il s’agit de mieux dépenser pour ne pas gripper cette machine dont l’arrêt risque de produire des conséquences imprévisibles sur le corps social.