Auteur: Youssouf Sylla, juriste, analyste.
Adoptée par la Loi n° 4/AN/58 du 10 novembre 1958, la première constitution de la République de Guinée est promulguée par ordonnance n°15 du 12 novembre 1958 prise par le Président du Gouvernement de la République, Ahmed Sékou Touré. Dans cette constitution, le président de la République est le Chef de l’Etat et le Chef des Armées (article 20). Son mandat est de 7 ans, indéfiniment renouvelable (article 22). C’est donc dans cette constitution que la question de la présidence à vie prend son origine. Mais les esprits étaient sans doute trop marqués par la dissolution du lien colonial pour qu’on en fasse à l’époque une forte réclamation.
Dans cette constitution, le président avait le pouvoir de nommer ses ministres qui étaient responsables devant lui. Ceux-ci ne pouvaient pas être poursuivis sans son autorisation (article 23). Seul le président était responsable de la politique générale de son cabinet devant l’assemblée nationale, et c’est lui qui assurait l’exécution des lois (articles 24 et 25).
Dans le domaine international, c’est lui qui négocie et signe les traités internationaux et dans le cadre de l’atteinte des objectifs de l’unité africaine, il pouvait signer des accords d’association impliquant l’abandon partiel ou total de la souveraineté nationale.
Dans ses rapports avec les pouvoirs législatif et judiciaire, le président de la République etait le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire (article 35) et détenait avec l’assemblée nationale, l’initiative de la révision constitutionnelle (article 49).
En définitive, la constitution de 1958 mettait en place un régime d’assemblée avec quelques ingrédients du présidentialisme. Elle accordait en effet d’impressionnants pouvoirs à l’assemblée nationale qui pouvait légiférer sur tout. Le domaine de la loi dans cette constitution était sans limite (article 9).
En outre, l’assemblée nationale disposait d’importants moyens d’information sur l’action du gouvernement. Elle etait habilitée à poser des questions écrites aux membres du gouvernement, à les interpeller, les auditionner et à mettre en place des commissions d’enquêtes (article 19).
De son côté, les prérogatives présidentielles y étaient strictement limitées. Le président ne disposait pas de pouvoir « réglementaire propre » dès lors l’assemblée pouvait légiférer dans toutes les matières, y compris celles qui dans d’autres contextes, relèveraient du domaine de compétence du pouvoir réglementaire.
Toutefois, la constitution consacrait une stricte séparation de pouvoirs, le président n’ayant aucun moyen de dissoudre l’assemblée nationale, et cette assemblée à son tour, ne disposant d’aucun pouvoir de défiance à son regard. Il s’agit là de quelques ingrédients qu’on retrouve généralement dans les régimes présidentiels. Mais ils étaient dans l’ensemble trop faibles pour ôter à la constitution de 1958 son caractère de régime d’assemblée.
Prochain article: La constitution de 1982, ou la prééminence du parti unique, le « PDG » sur l’État.