La Chine et la pratique de l’Islam : jeûner à Pékin et briser les préjugés
Amadou Kendessa Diallo
Avant mon arrivée à Pékin, ma tête était bourrée de tout un tas de préjugés sur la pratique de l’islam en Chine, pays peuplé de plus de 20 millions de musulmans, selon une enquête publiée en 2011 par le département Pew Forum on Religion & Public Life du Pew Research Center. Après plus de trois mois passés dans la capitale de ce pays-continent, ces idées préconçues ont changé. A présent, je réalise que nous ne sommes que des victimes, prises en otage par un vaste système de manipulation géostratégique mené par certains Etats juste dans le dessein machiavélique de dénigrer, de coller des clichés à d’autres Etats.
Ici à Beijing, chacun est libre de pratiquer sa religion. Les mosquées existent partout même si les minarets ne sont pas visibles comme dans les Etats à une forte communauté musulmane. Mais, il est vrai qu’il m’était difficile de croire, il y a quelques années, qu’au cœur de Pékin, il y a une mosquée vieille de plusieurs siècles et qui peut accueillir, selon nos informations, deux mille fidèles musulmans.
Communément appelée la mosquée de la rue du bœuf, elle est la plus ancienne et la plus grande mosquée de la capitale chinoise. D’ailleurs, il est dit que c’est un bol d’islam en plein cœur d’un quartier abritant plus de 200 000 musulmans. On décrit le quartier comme une oasis de paix dans un quartier tumultueux de stands de nourriture.
Arrivé dans le quartier Niujie, le vendredi 31 mai 2019, j’ai été frappé par la peinture des bâtiments en vert que l’on retrouve généralement dans les mosquées. La rue grouille de monde. Partout, il y a des restaurants et des supermarchés. Pas d’écriteaux à la devanture de la mosquée à l’exception de cette plaque qui indique que les habits courts sont interdits à l’intérieur de ce temple de Dieu.
A l’entrée de la mosquée, il y a des vigils et quelques rares nécessiteux. On rencontre des fidèles musulmans de plusieurs nationalités venus de partout de Beijing pour accomplir la grande prière de vendredi. Ici, contrairement à la vie au quotidien, les gens se disent « A Salam Alaïkoum ». A l’approche de l’heure de la prière, on se bouscule pour faire les ablutions. Chacun peut laisser sa paire de chaussures là où il veut sans craindre qu’elle ne soit emportée par quelqu’un d’autre.
A l’intérieur de la cour, on voit le minaret, des décorations en Mandarin et en arabe dans des petits tableaux relatant l’historique de la mosquée. Une grosse marmite posée au milieu de la cour qui servait dans l’ancien temps, pour la cuisson de la viande de bœufs à l’occasion de la Nuit de l’Alaytoul Gadr et des grandes cérémonies religieuses. A l’est de la cour, on a une salle de lecture, un logement pour l’imam de la mosquée, une petite tour dans laquelle on aperçoit des nattes. Sur la façade des écritures en arabe et une banderole sur laquelle on vante le mois saint de Ramadan.
Au sein de la mosquée, il y a des calligraphies en arabe. Des chaises et des petites tables pour les vieilles personnes qui leur servent de s’asseoir et de prier sans gêne.
Débout au milieu de la mosquée Niujie, le vendredi 31 mai 2019, un prédicateur parlait de l’islam et des avantages du jeûne et de la nuit de Laylatoul Gadr dans un silence de cimetière. Quelques minutes après, il va s’asseoir avant que l’imam ne tienne son sermon uniquement en arabe. C’était fascinant !
Historiquement, la mosquée de Niujie de Pékin est aussi appelée mosquée de la vache suivant les traductions. Elle date du Xème siècle. L’édifice à l’allure d’un temple chinois, renferme de multiples décorations arabes une fois la porte passée. Les murs de cette mosquée, la plus ancienne et la plus grande de Chine, sont ornés d’inscriptions sacrées arabes, les voûtes et les piliers attirent l’œil avec des inscriptions dorées islamiques.
Cette grande mosquée se situe en plein cœur du quartier musulman Hui de Pékin. Cette ethnie principalement originaire de la province du Ningxia comptait au départ 10 000 pratiquants. Cependant, ils sont aujourd’hui, plus de 200 000 musulmans qui y vivent. Une fois entré dans le quartier Hui de Pékin, l’on est accueilli par les odeurs des épices et des aliments vendus le long des rues et les hommes sont vêtus de leur calot blanc et portent des barbes longues.
Pour les touristes, l’accès à l’intérieur de la mosquée est interdit pendant les heures de prière. Il est formellement interdit aussi de porter les shorts et les jupes. D’ailleurs, ceci est mentionné à l’entrée de la mosquée.
En définitive, il faut jeûner à Pékin pour pouvoir briser toutes ces idées préconçues que l’on se fait de la pratique de l’islam en Chine.