Dernières Nouvelles de la Guinée par les Guinéens
Pub Elysian

Kèbendou Jazz, son face-à-face avec Bembeya, menace sur la section vent en Guinée, Abdou Damba, ex-trompettiste parle de son passé

Il s’appelle Abdou Damba, musicien, ex-trompettiste de l’orchestre le ‘’Kébéndo jazz’’ de Guéckédou. Il est né en 1952 à Kaolack (Dakar). Abdou Damba est fils de feu Mohamed Lamine et de feue Mariama King Touré. Il est marié à deux femmes, la première décédée, il est père de 11 enfants (6 filles et 5 garçons).

Abdou Damba a effectué toutes ses scolarités au Sénégal où il a commencé par l’école primaire Malick Sy, ensuite le collège des pères à Hann, suivra celui Maurice de La Fosse. C’est à partir de ce collège qu’il a passé un concours pour l’école EMPA (Ecole Militaire Préparatoire Africaine) de Katy. Il y passera 3 ans pour enfin sortir comme élève militaire.

Capitaine de douane à la retraite depuis 2004, actuellement Abdou Damba est formateur au niveau de la PMSE, une Société privée de surveillance et sécurité.

Ce talentueux trompettiste a reçu votre site électronique à son domicile, situé dans le quartier de Taouyah, dans la commune de Ratoma.

Guinéenews : vous avez une double casquette : celle d’un ancien porteur de tenue et celle de musicien. Au titre d’ancien musicien, expliquez-nous comment vous avez piqué le virus de la musique et décrivez-nous votre parcours dans ce domaine ?

Abdou Damba : ce n’est pas le hasard qui m’a dirigé vers la musique. La musique m’a intéressé depuis mon jeune âge. A l’époque, je fus Directeur artistique d’une troupe de théâtre dénommée ‘’Etoile de la jeunesse’’ domiciliée à la Rue 5, angle 18, à Dakar. Au niveau de cette troupe, j’avais même fabriqué un petit gongoma à travers lequel je jouais et chantais.

Plus tard arrivé en Guinée, j’ai rejoint ma ville natale Boké où je devins batteur de l’orchestre fédéral. C’est par la suite que le Haut-commissariat à la jeunesse d’alors avait organisé une série de formations des artistes de toutes les fédérations confondues. Choisi par la fédération de Boké, arrivé à Conakry, il fallait que chacun décline son domaine. Batteur, j’ai dit et je le suis, Raymond Mallot du Syli Orchestre me répondit en ces termes : ‘’tout africain, depuis le berceau sait battre le Tam-tam et tu ne peux pas quitter Boké jusqu’à Conakry pour cet exercice’’.

C’est ainsi qu’il m’a orienté vers la trompette, tout en me rassurant tout au début que je serai un grand trompettiste. C’est lui qui fut mon maître, il était Ingénieur des TP et originaire de la même région.

Plus tard, la garde républicaine a sollicité l’emploi des trompettistes au compte de la fanfare. Bien que j’ai renoncé à cette offre et finalement, je fus réaffecté au sein de la petite formation de la garde républicaine qui portera après le nom de ‘’Boiro Band’’.

Un autre maître va m’accueillir au sein de cette formation. Il s’agit de Kèlètigui Traoré, malien d’origine et qui était polyvalent. C’est lui qui a assuré la continuité au niveau de ma formation. Il m’a empêché et conseillé d’apparaitre en public, bien qu’en cas d’embarras (maladie et autres), il me laissait la main.

L’histoire continue et je vous dis que tous les jeunes intellectuels de cette formation de la garde républicaine dont je faisais partie, avaient démissionné au profit de la gendarmerie. Feu Fodéba Kéita étant Ministre d’alors de ce département, a confisqué ma lettre de démission et après entrevue et une trouille qui m’avait envahi, quand il s’agissait de lui à cette époque, il m’ordonna de me rendre directement à Guéckedou pour former l’orchestre fédéral. C’était en 1961 quand j’arrivais à Guéckedou sous la coupe de feu Toumani Sangaré, gouverneur de Région. Des instruments vétustes trouvés sur place, toutes les autorités, à tous les niveaux, se sont investis pour trouver de nouveaux instruments à partir de la Cote d’ivoire. Ce jour fut un festin pour Gueckédou quand ces instruments furent débarqués.

De 1961 à 1965, nous n’étions que 7 musiciens. Après tas de répétions, nous avions présenté un répertoire aux dirigeants qui furent satisfaits. Nous avions remporté le premier prix à Beyla lors de la quinzaine artistique face au Bembeya jazz de Beyla, qui était un concurrent de classe. D’une quinzaine aux festivals, le Kébéndo jazz a raflé assez de premiers prix.

Guineenews : il est difficile de parler de soi et au sondage, il est évident pour plusieurs mélomanes, que vous faites partie des meilleurs trompettistes que la musique guinéenne ait connus. Qu’en dites-vous ?

Abdou Damba : effectivement à l’époque, je faisais partie de l’un des meilleurs trompettistes du moment. Pour preuve, feu Emanuel Katty, (paix à son âme), chevronné journaliste culturel, m’avait octroyé le pseudonyme de Louis Armstrong, à l’image de ce grand trompettiste américain. Je suis fier avec ma trompette. J’aime la trompette et ce n’est pas puisque j’ai démissionné.

Guinéenews : orchestre fédéral d’alors et comment ce choix est tombé sur vous pour une tournée aux Etats-Unis ?

Abdou Damba : c’est suite à l’arrivée de Henri Belafonte qui avait un contrat avec la Guinée que nous avions été recrutés pour s’adjoindre aux autres éléments de son orchestre. A travers ces différentes tournées, arrivés à Guéckédou, une grande soirée a été organisée et c’est lors de cette soirée que nous fûmes au nombre de cinq à avoir été choisis pour aller aux Etats-Unis.

Guinéenews : de ce périple et avec plusieurs autres participations à des rencontres culturelles, racontez-nous quelques plus beaux et mauvais souvenirs qui ont retenu votre attention durant votre parcours musical ?

Abdou Damba : mon plus beau souvenir reste ce face-à-face Kébéndo Jazz-Bembeya Jazz à l’ex-permanence nationale. C’était un jour inoubliable pour moi. Chaque orchestre s’était engagé à fond pour convaincre les mélomanes de la capitale. Voilà pourquoi quand je revois Sékou Bembeya sur ce petit écran, je dis voilà mon rival d’antan (rires).

Guinéenews : alors, peut-on parler de mauvais souvenirs ?

Abdou Damba : Non ! je n’ai pas de mauvais souvenirs dans mon parcours de musicien.

Guinéenews : découragé, vous avez abandonné la musique ou bien c’est le poids de l’âge ?

Abdou Damba : il y a l’effet de l’âge, ensuite la grâce de mon père. Il m’a fait ôter ces gants artistiques au profit de l’islam ou de la religion. Pleins de succès, de scènes et je crois qu’à un certain moment de la vie, il faut rebrousser chemin.

Guinéenews : apparemment, l’on vous voit plus ou moins très rarement dans ce domaine. C’est un divorce ou vous regrettez d’avoir servi la musique guinéenne ?

Abdou Damba : rien de tout cela ! j’avoue que je suis toujours ce musicien dans l’âme.

Guinéenews : qu’est-ce que la musique vous a-t-elle apporté ?

Abdou Damba : la musique m’a permis de créer des relations, d’améliorer ma situation administrative et surtout de me faire une notoriété sur tous les plans.

Guinéenews : quelles sont actuellement vos sources de revenus ?

Abdou Damba : malgré que je sois à la retraite, je vis de ma pension, je travaille aussi en qualité de formateur à la PMSE my Sécurité.

Guinéenews : ancien musicien de renom, que pensez-vous apporter à la jeune génération surtout quand on sait que votre domaine de prédilection, la section vent tend à disparaitre ?

Abdou Damba : la section vent a disparu en Guinée. Celui-là avec qui j’avais préconisé des projets est parti sans me dire au revoir. Paix à l’âme de Maître Barry. C’était un jour dans les locaux du BGDA qu’il m’a fait la remarque en me disant ceci : ‘’grand frère vous nous aviez abandonné pendant que vous êtes une personne ressource vivante, donnons-nous la main et refusons que notre domaine harmonieux ne meurt’’.

Guinéenews : maintenant que Maitre Barry a tiré sa révérence, que comptez-vous faire ?

Abdou Damba : j’attends qu’on me fasse appel.

Guinéenews : il y a l’Institut Supérieur des Arts Mory Kanté de Guinée qui attends aujourd’hui d’être relevé par la présence de formateurs chevronnés. Etes-vous disponible à servir pour cette cause, à cet effet.

Abdou Damba : pour enseigner la musique, il faut maitriser deux paramètres. La théorie et la pratique. A vrai dire, je maitrise peu la théorie. Quant à la pratique, je suis encore apte et j’attends des sollicitations.

Guinéenews : Avez-vous un cri du cœur, si oui lequel ?

Abdou Damba : justement, il est difficile d’en parler et voilà que le seul qui s’était mis à l’œuvre, est décédé (paix à l’âme de Maitre Barry)

Il faut reconnaitre que c’est la section vent qui constitue un orchestre. Si l’Etat pouvait penser à réanimer ce secteur en organisant des compétitions au niveau des écoles, j’avoue que nous pourrions atteindre et relever le défi. Du début d’une orchestration à la fin, la section vent a réellement son atout.

Guinéenews : à cet âge, peut-on savoir votre carnet de santé ?

Abdou Damba : je me porte à merveille, grâce à Dieu. Je conduis la moto et je fais tout. Dieu merci et c’est lui le Tout Puissant.

Guinéenews : pour clore cette interview, dites-nous ce que vous pensez de la richesse, du succès et de la mort ?

Abdou Damba : pour moi, la richesse, c’est la santé et c’est la plus grande richesse que l’on doit souhaiter avoir.

Quant au succès, je l’ai pleinement eu et vécu durant mon parcours musical. Il ne m’a jamais enivré et sauf que j’ai pu le gérer.

La mort, c’est la mort. Quand l’heure arrive, on n’y peut rien et Dieu reprend ce qu’il avait confié. Ce qui dit qu’il faut toujours se repentir et suivre la voix de Dieu. Je prie Dieu qu’il nous pardonne pour tous nos péchés.

Interview réalisée par LY Abdoul pour Guinéenews

 

vous pourriez aussi aimer
commentaires
Loading...