La poterie est l’une des vieilles activités traditionnelles, pratiquée par les femmes depuis des siècles dans la cité du Nabaya. Elles ont aussi depuis des lustres, comme lieu d’exposition de leurs produits, la devanture du grand marché de Kankan, « Lofèba ». Et c’est là que nous sommes allés à leur rencontre.
Auparavant, très nombreuses, elles ne sont aujourd’hui qu’une poignée de femmes qui continuent à exercer ce métier, pour perpétuer la tradition. Saran Kourouma dit en avoir hérité de sa grand-mère, qui elle-même en a hérité de la sienne.
« Cette activité, moi-même je ne saurais vous dire exactement ça remonte à quand. Nos grands-parents sont tous nés dans la poterie. Nos parents, c’est pareil, nous aussi, nous sommes nés dans ça. Ma mère nous a dit que c’est notre patrimoine. Quand j’étais petite, il y avait beaucoup de femmes, plusieurs centaines on peut dire qui pratiquaient ce métier. Mais en ce moment, on n’atteint même pas dix (10). Dans notre famille, je suis la seule à pratiquer ce métier. Toutes mes autres sœurs ont préféré d’autres activités plus rentables », a-t-elle déploré.
Au fil des ans, le modernisme s’installe dans la tête des gens et les clients se font beaucoup rares pour les potières de Kankan. Ne sachant plus à quel saint se vouer, Kankou Baro, l’une d’elles, pointe du doigt la prolifération des fabriques de traitement et de distribution d’eau à travers la ville.
« Si notre clientèle ne fait que baisser c’est dû tout simplement à ces unités de traitement et de distribution d’eau, qui foisonnent partout dans la ville. Ils anéantissent le commerce des jarres que nous faisons. Avant au retour du Hadj, les pèlerins venaient par centaines pour acheter les jarres. Mais actuellement, ils préfèrent tous aller acheter ces sachets d’eau. Pourtant, contrairement à celles qu’on conserve dans les jarres, ces eaux n’ont pas la réputation d’être de bonne qualité. Elles sont source de beaucoup de maladies et de pollution même si la majorité des gens la préfère », regrette-t-elle.
Cependant sa consœur Saran Kourouma, a une toute autre lecture de la situation. Selon elle, les clients, ce n’est qu’une question de chance : « Chacun à sa chance et chacun à son destin. Ce que Dieu a prévu pour nous, c’est ce que nous gagnons », assure-elle.
Mais selon l’avis d’un spécialiste en économie à l’université Julius Nyerere de Kankan, les potières de Kankan ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes. Car elles sont victimes de leur manque d’innovation. « Depuis le temps de nos aïeux, elles ne font que proposer les mêmes produits. Il faut pourtant adapter les produits aux exigences d’aujourd’hui. Le marché n’est pas statique. Il y a la concurrence, les responsables des unités de distribution d’eau, offrent aux clients une alternative avec des facilités, mais elles sont encore avec leur vieux modèle. Il faut réfléchir pour réadapter les produits, afin qu’ils puissent résister à la concurrence qui est rude », a-t-il expliqué.