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Kankan : des enfants, talibés le jour et mendiants  la nuit (dossier)

Âgés de 5 à 17 ans, souvent originaires des différentes  localités rurales, ces enfants sont confiés par leurs familles généralement très pauvres, à l’enseignement et au soin d’un maître coranique.

Ils vivent dans des conditions exécrables. Car ces maîtres coraniques ne sont pas en mesure de couvrir leurs besoins. Alors, c’est une fois la nuit tombée, en dépit de tous les risques qu’ils encourent, que ces enfants sont donc contraints à la mendicité.

Obligés de mendier pour ne pas se faire fouetter…

« Je fais du porte à porte tous les soirs avec mes amis, même sous la pluie. Nous  récitons des bénédictions pour les gens qui ont l’amabilité de nous donner quelques sous où alors des poignées de nourritures. Nous sommes trop nombreux chez notre maitre. Donc la nourriture n’est pas suffisante pour tout le monde. Alors  c’est pourquoi, il nous dit d’aller mendier. Si jamais on refuse, c’est le fouet », nous raconte M K, un petit adolescent de 12 ans où tout au plus, rencontré dans la soirée de ce mercredi, aux environs de 21 heures près d’une gargote, très fréquentée de la place.

Vêtu à l’image de son camarade, en haillons, la peau entachée par la gale, une boîte de concentré de tomates vide à la main, pour recueillir l’aumône, L C, est lui aussi un autre  petit talibé comme on les appelle. Il ne connait pas son âge, mais il a l’air d’un gamin de 13 ou 14 ans ; il nous confie que son rêve est de partir un jour à l’école.

« Moi je suis né au village. Je n’ai pas de papier de naissance. Donc je ne sais pas, quel âge j’ai. Mes parents sont très pauvres, ils n’ont pas les moyens de me scolariser. Donc ils m’ont envoyé pour apprendre le coran. Ils ne savent pas que je mendie les soirs pour mon maître. Mon vœux est de partir à l’école, réviser le soir et gagner aux examens pour devenir un grand homme », dit-il.

 Ces enfants mendient-ils en pleine nuit…

Contrairement à ce qu’on voit dans la plupart des grandes villes africaines comme à Dakar ou à Bamako, c’est durant la nuit, en dépit des risques qui sont incommensurables, que les jeunes talibés de Kankan vont à la quête de charité. Moment idéal, pour ne pas trop attirer l’attention et éviter aussi les tollés des ONG et de certains activistes.

« Ce sont leurs maîtres, qui exigent qu’ils  ne sortent pour aller mendier que pendant la nuit. Ils n’ont pas d’autres choix, si ce n’est que d’obéir. Mais une chose reste claire, si ces enfants se promenaient pour mendier pendant la journée, leurs maîtres serraient en ce moment agacés par des rapports et des dénonciations de toutes parts. Donc tant que ça se passe la nuit, ils sont un peu à l’abri», nous a confié une activiste des droits des enfants.

Le silence qui juge coupable des autorités…

Dans les rues de Kankan, pendant la nuit ils sont d’une présence que l’habitude a presque rendu invisible. Ils ne bénéficient d’aucun soutient. On dirait même qu’ils sont complètement oubliés où laissés pour compte dans leur calvaire par la société et notamment les autorités.

Contacté à maintes reprises dans le cadre de la réalisation de ce dossier, le service local de l’action sociale en charge de la protection des enfants, n’ont jamais daigné nous répondre.

Mohamed Keita, responsable chargé de l’enfance pour le compte de la direction régionale de l’action sociale, nous a tout simplement laissé entendre au téléphone, qu’ils sont très occupés avec une mission dont on ne sait la nature.

En plus, à l’en croire, la question concernant ces enfants talibés serait plutôt du ressort des autorités éducatives.

A son tour le directeur préfectoral de l’éducation, Morlaye Soumah n’a pas accepté lui non plus, de nous accorder d’interview à propos du sujet. Il s’est pour sa part contenter de nous dire qu’il : « n’est pas informé de cette réalité ».

Interrogé à propos de ce phénomène, Gnouma Serge Leno, directeur exécutif de l’ONG ‘’Enfants du Globe’’, sise au quartier ex aéroport dans la commune urbaine de Kankan, demande une implication des autorités éducatives de la place et lance un appel aux parents.

« Nous sommes bien conscients de ce phénomène des enfants mendiants de la nuit qui gangrène à Kankan. Nous avons même fait un rapport sur la situation. Nous avons planifié des actions pour lutter contre la pratique. Des actions qui s’inscrivent dans le cadre de la réinsertion socio-éducative de ces gamins, mais pour cela, il faut un partenariat solide avec les autorités éducatives. Ce qui est loin d’être une réalité pour l’instant. Donc  le seul message qu’on peut lancer s’adresse aux parents, en leur disant que la première ressource qu’on lègue à un enfant c’est l’éducation », a-t-il interpellé.       

En dépit des colloques, des séminaires qui se tiennent presque tous les jours à Kankan, sous les hospices de nos décideurs et des organisations de lutte pour le droit des enfants, telle est la vie que mènent ces gosses.

En attendant que des actions fortes se traduisent en résultats, il faut tout de même signaler au passage qu’en Guinée, recruter des enfants à des fins d’« exploitation » est un crime puni par les textes de lois.

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